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Libertés fondamentales - droits de l'homme
Un honneur bien mérité !
Le port de décorations sur la robe de l’avocat ne contrevient pas au principe d’égalité.
La Cour de cassation vient de donner une illustration aussi originale qu’étonnante du principe d’égalité.
Un avocat décoré des insignes de l'ordre national du Mérite et de l'ordre national de la Légion d'honneur avait demandé au conseil de l’ordre du barreau auquel il était inscrit la suppression d’un article de son règlement intérieur, intitulé « attitude aux audiences », dont une récente modification prohibait le port des décorations sur la robe des avocats.
Le conseil de l’ordre avait rejeté sa réclamation, laquelle fut en revanche accueillie en appel, la cour ayant annulé la délibération litigieuse dépourvue, selon elle, de fondement légitime.
Le conseil de l’ordre forma un pourvoi en cassation au moyen, d’abord, que la décision des juges du fond ne précisait pas à quelle disposition législative ou réglementaire la délibération adoptée contrevenait, ensuite, que cette mesure faisant interdiction à l'avocat de porter une décoration sur sa robe ne contrevenait pas à l'obligation de porter les insignes de la Légion d'honneur, le port de ces insignes n’étant obligatoire, pour les civils, que sur « la grande tenue du costume officiel », enfin, que l'obligation faite à l'avocat, lorsqu'il se présente devant une juridiction, de revêtir un costume uniforme, concourt à assurer l'égalité des justiciables. A la question de savoir si le port par un avocat de décorations sur sa robe professionnelle crée une rupture d’égalité entre les avocats comme entre les justiciables, la Cour de cassation, confirmant l’analyse des juges du fond, répond par la négative.
Pour rejeter le pourvoi, elle souligne dans un premier temps que la cour d'appel s'est fondée sur les articles R. 66 et R. 69 du Code de la Légion d'honneur et de la médaille militaire, auxquels renvoie l'article 27 du décret n° 63-1196 du 31 décembre 1963 portant création d'un ordre national du Mérite, textes dont elle a justement déduit le droit pour le décoré de porter les insignes que confère l'attribution d'une décoration française. Elle affirme, dans un deuxième temps, qu’après avoir à bon droit énoncé que le principe d'égalité ne s'oppose pas à l'existence de décorations décernées en récompense des mérites éminents ou distingués au service de la Nation, la cour d’appel a pu retenir que lorsqu'un avocat porte sur sa robe professionnelle les insignes des distinctions qu'il a reçues, aucune rupture d'égalité entre les avocats n'est constituée, non plus qu'aucune violation des principes essentiels de la profession. Elle ajoute enfin que le grief tiré d'une rupture d'égalité entre les justiciables n'ayant pas été invoqué devant la cour d'appel, cette dernière branche du moyen était irrecevable comme nouvelle et mélangée de fait.
Le principe d'égalité, dont découle le principe de non-discrimination, est un principe constitutionnel autant qu’un principe général de droit (CE 10 mai 1974, Denoyez et Chorques, n° 88032 et 88148 et Cons. const. 12 juill. 1979, Pont à péage, n° 79-107 DC).
Ce principe signifie qu'à situation égale, le traitement doit être égal, ce dont découle l’interdiction de procéder à des discriminations. Si le principe d’égalité impose de traiter de la même manière des personnes placées dans une même situation, il n’exclut pas cependant l’existence de différences de traitements, à la condition qu’elles soient justifiées. Trois éléments justificatifs existent : la rupture d’égalité est admise lorsque la loi l'autorise, lorsque l'intérêt général le justifie, ou lorsque la situation présente des différences qui justifient la différence de traitement. Dérogatoire au principe, cette liste est à ce titre limitative. De surcroît, quand bien même une différence de traitement pourrait être ainsi justifiée, des normes constitutionnelles s’opposent sans réserve à certaines distinctions, celles fondées sur l'origine, la race, la religion, les croyances et le sexe (Const. 58, art. 1er ; Préamb. Const. 1946, al. 3).
En l’espèce, c’est le motif d’intérêt général qui justifie la possibilité offerte aux avocats qui les ont reçues de porter leurs décorations, qui ne sauraient être considérées comme une cause de rupture d’égalité entre les avocats. En effet, la Légion d’honneur ou l'Ordre national du mérite récompense des mérites éminents ou distingués au service de la Nation, à titre civil ou militaire. Celles-ci sont remises à l’effet de récompenser un service rendu dans l'intérêt général, en sorte que le principe d'égalité de traitement ne s'oppose pas à l'existence de distinctions décernées au nom de services rendus à la Nation.
Enfin, comme l’estime tout naturellement la Cour, le port de tels insignes ne contrevient pas aux principes essentiels de la profession d'avocat, édictés à l'article 1.3 du règlement intérieur de cette profession, laissant au contraire présumer que celui qui les porte mérite de les avoir reçus et respecte d’autant plus scrupuleusement les principes fondateurs de sa profession que sont notamment la dignité, la conscience, l'honneur, la loyauté, le désintéressement, la confraternité.
Civ. 1re, 24 oct. 2018, n° 17-26.166
Références
■ CE 10 mai 1974, Denoyez et Chorques, n° 88032 et 88148
■ Cons. const. 12 juill. 1979, Pont à péage, n° 79-107 DC
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