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Droit européen et de l'Union européenne
Une annulation de la directive en trompe l’œil pour les conducteurs
Mots-clefs : Base juridique, Annulation, Effets de l’annulation, Directive, Infractions routières, Coopération policière
La Cour de justice affirme une nouvelle fois l’obligation pour les institutions européennes de déterminer correctement la base juridique d’un acte de l’Union. Dans le cas contraire l’acte est annulé. La base juridique doit être déterminée à partir de la finalité de l’acte et de son contenu. Cette exigence n’a pas été respectée lors de l’adoption de la directive sur les échanges transfrontaliers d’informations concernant les infractions routières. Cependant, au regard de l’importance de l’objectif de la directive, la Cour a fait usage de ses pouvoirs en limitant les effets de l’annulation, celle-ci prenant effet au plus tard dans douze mois à compter du prononcé de l’arrêt.
La sécurité routière constitue un objectif poursuivi par l’Union européenne. Si cet objectif est largement partagé sur le fond par les institutions, le choix de la base juridique pour l’adoption des textes montre des divergences entre les institutions.
Ainsi le Parlement européen et le Conseil de l’Union avaient choisi d’adopter la directive sur les échanges d’informations sur le fondement de la coopération policière (TFUE, art. 87, § 2) alors que la Commission optait pour l’article 91, § 1er, sur la sécurité routière.
Cette divergence n’est pas seulement théorique.
Le choix de la base juridique est essentiel étant donné qu’il permet de fonder la compétence de l’Union, la nature de la compétence (compétence exclusive, compétence partagée, compétence d’action d’appui, de complément ou de coordination), la procédure législative applicable et, en conséquence, les pouvoirs de chaque institution dans l’élaboration et l’adoption du texte, ainsi que les modalités de vote.
Les enjeux sont conséquents et ceci explique que la Cour de justice opère un véritable contrôle juridictionnel sur le choix de la base juridique.
La Cour détermine la base juridique à partir de l’objectif de l’acte et de son contenu, conformément à une jurisprudence constante (CJCE 26 mars 1987, Commission c/ Conseil). En cas de double objectif, la Cour retient la base juridique correspondant à la finalité prépondérante (CJUE 22 oct. 2013 Commission c/ Conseil).
La Cour procède ainsi très concrètement à l’examen de ces deux conditions :
– la finalité est identifiée à partir des considérants qui énumèrent les motivations quant à l’adoption du texte ;
– le contenu l’est à partir des articles contraignants de la directive.
Dans la décision rapportée, la Cour précise tout d’abord que cette directive vise à assurer un niveau élevé de protection de tous les usagers de la route dans l’Union en facilitant l’échange transfrontalier d’informations concernant les infractions en matière de sécurité routière. En l’espèce, cet objectif entre pleinement dans le champ de la politique des transports de l’UE et plus précisément dans le cadre de l’article 91, § 1er, TFUE.
La Cour ajoute ensuite que le contenu vise la sécurité routière en retenant plusieurs éléments :
– en premier lieu, l’échange d’information concerne différentes infractions dont les excès de vitesse, l’absence de port du casque, l’usage illicite du téléphone portable, la conduite en état d’ébriété ;
– en deuxième lieu, la directive permet d’identifier le propriétaire du véhicule ;
– en troisième lieu, la directive laisse le soin à l’État membre d’engager ou non des poursuites.
Enfin, la Cour juge que la base juridique retenue par le Parlement européen et le Conseil, c’est-à-dire celle relative à la coopération routière, est inopérante. En effet, la Cour rappelle que cet article vise la prévention ou la détection d’infractions pénales, ce qui n’est pas l’objet de la directive. En conséquence, cette base juridique ne pouvait être retenue.
Au regard du raisonnement de la Cour, l’annulation de la directive s’imposait.
Cependant, la Cour, conformément aux pouvoirs qui lui sont attribués à l’article 264 TFUE, limite la portée de son arrêt.
La Cour peut limiter les effets afin que l’annulation n’emporte pas des conséquences qui iraient à l’encontre de la sécurité juridique. Elle peut déterminer les effets de l’acte annulé qui doivent être considérés comme définitifs.
Aussi, la Cour juge que l’annulation sera effective au plus tard douze mois après le prononcé de l’arrêt, compte tenu de l’importance de l’objectif visé et des conséquences que l’annulation aurait sur la politique des transports. La Cour s’appuie ainsi sur l’exigence de sécurité juridique. Cette période d’un an devra être mise à profit par les institutions pour adopter une nouvelle directive sur la bonne base juridique.
Ce pouvoir de la Cour de justice n’est pas spécifique à cette juridiction puisque le Conseil d’État, notamment, jouit des mêmes pouvoirs.
Références
■ CJCE 26 mars 1987, Commission c/ Conseil, aff. 45/86.
■ CJUE 22 oct. 2013 Commission c/ Conseil, C-137/12.
■ Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne
« 1. L'Union développe une coopération policière qui associe toutes les autorités compétentes des
États membres, y compris les services de police, les services des douanes et autres services répressifs spécialisés dans les domaines de la prévention ou de la détection des infractions pénales et des enquêtes en la matière.
2. Aux fins du paragraphe 1, le Parlement européen et le Conseil, statuant conformément à la procédure législative ordinaire peuvent établir des mesures portant sur:
a) la collecte, le stockage, le traitement, l'analyse et l'échange d'informations pertinentes;
b) un soutien à la formation de personnel, ainsi que la coopération relative à l'échange de personnel, aux équipements et à la recherche en criminalistique;
c) les techniques communes d'enquête concernant la détection de formes graves de criminalité organisée.
3. Le Conseil, statuant conformément à une procédure législative spéciale, peut établir des mesures portant sur la coopération opérationnelle entre les autorités visées au présent article. Le Conseil statue à l'unanimité, après consultation du Parlement européen.
En l'absence d'unanimité, un groupe composé d'au moins neuf États membres peut demander que le
Conseil européen soit saisi du projet de mesures. Dans ce cas, la procédure au Conseil est suspendue.
Après discussion, et en cas de consensus, le Conseil européen, dans un délai de quatre mois à compter de cette suspension, renvoie le projet au Conseil pour adoption. »
« 1. En vue de réaliser la mise en œuvre de l'article 90 et compte tenu des aspects spéciaux des transports, le Parlement européen et le Conseil, statuant conformément à la procédure législative ordinaire et après consultation du Comité économique et social et du Comité des régions, établissent:
a) des règles communes applicables aux transports internationaux exécutés au départ ou à destination du territoire d'un État membre, ou traversant le territoire d'un ou de plusieurs États membres;
b) les conditions d'admission de transporteurs non résidents aux transports nationaux dans un État membre;
c) les mesures permettant d'améliorer la sécurité des transports;
d) toutes autres dispositions utiles.
2. Lors de l'adoption des mesures visées au paragraphe 1, il est tenu compte des cas où l'application serait susceptible d'affecter gravement le niveau de vie et l'emploi dans certaines régions, ainsi que l'exploitation des équipements de transport. »
« Si le recours est fondé, la Cour de justice de l'Union européenne déclare nul et non avenu l'acte contesté.
Toutefois, la Cour indique, si elle l'estime nécessaire, ceux des effets de l'acte annulé qui doivent être considérés comme définitifs. »
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