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Droit des biens
Une application de l'adage « nemo plus juris... »
Mots-clefs : Action en revendication, Renonciation, Présomption de propriété
Si l’ancien propriétaire d’un moulin a renoncé à l’usage de la force motrice du ruisseau, l’actuel propriétaire ne peut plus en bénéficier non plus.
Le propriétaire d'un ancien moulin a assigné ses voisins en revendication de l'entier canal, des francs-bords et des vannages du cours d'eau (sur le caractère imprescriptible de l’action en revendication, v. N. Reboul-Maupin). Il se prétendait fondé en titre par l’effet de son existence antérieure à l’abolition des droits féodaux. En effet, son auteur c’est-à-dire le précédent propriétaire du terrain avait signé en 1969 une convention avec l’Association nationale de la meunerie française dans laquelle il s’engageait à démonter le matériel du moulin moyennant une indemnité.
La cour d'appel de Poitiers a rejeté la demande du propriétaire de l’ancien moulin. Ce dernier a donc formé un pourvoi en cassation fondé sur deux moyens. Il estime que les juges du fond ont méconnu les articles 544, 546 et 644 du Code civil ainsi que l'article L. 214-6 du Code de l'environnement.
La cour suprême a donc dû se prononcer sur le droit d'usage de la force motrice produite par l'écoulement de l'eau lequel emporte présomption de propriété des canaux notamment. Il s'agissait d'examiner la propriété du moulin sous un angle historique pour savoir si l'actuel propriétaire pouvait bénéficier de cette présomption. Il ne s’agit pas d’une question nouvelle puisque la Cour de cassation et le Conseil d’État se sont déjà prononcés à plusieurs reprises sur ces difficultés. Deux arrêts traitent notamment de la propriété de l’accessoire d’un moulin :
– s’il est constaté qu’un bief d’amenée d’eau est un ouvrage artificiel et différent du lit de la rivière, créé dès l’origine à l’usage exclusif d’un moulin, ce bief est réputé appartenir en entier au propriétaire du moulin (Civ. 3e, 5 janv. 1978) ;
– mais si un moulin désaffecté, puis transformé en maison d’habitation, a ultérieurement fait partie d’un domaine loti, l’actuel propriétaire ne peut bénéficier de la présomption édictée par l’article 546 du Code civil en ce qui concerne les parties du canal ou ruisseau aboutissant à son lot (Civ. 3e, 27 janv. 1976).
Dans cette espèce, il fallait vérifier si l’ancien propriétaire du moulin, qui s’était engagé à le démonter moyennant une prime, avait pu renoncer à son droit réel sachant que cette renonciation doit résulter « d’actes manifestant sans équivoque la volonté de renoncer à la force hydraulique » (Civ. 3e, 1er avr. 1992).
La Cour de cassation tranche ce litige en se fondant sur une locution latine : Nemo plus juris ad alium transferre potest quam ipse habet. Autrement dit, une personne ne peut transférer à autrui plus de droits que ce qu’elle n’en a elle-même.
Par cet arrêt, elle réaffirme que la renonciation au droit d’usage de la force motrice de l’ancien propriétaire du moulin implique automatiquement le rejet de la demande de l’actuel propriétaire.
Civ. 3e, 28 nov. 2012, n°11-20.156
Références
■ N. Reboul-Maupin, Droit des biens, 4e éd., Dalloz, coll. « HyperCours », n°256.
■ Civ. 3e, 5 janv. 1978, Bull. civ. III, n° 13.
■ Civ. 3e, 27 janv. 1976, Bull. civ. III, n° 32.
■ Civ. 3e, 1er avr. 1992, Bull. civ. III, n°115 ; RTD civ. 1993. 851, obs. Zenati.
■ CE 5 juill. 2004, req. n°246929, Lebon 294.
■ Code civil
« La propriété est le droit de jouir et disposer des choses de la manière la plus absolue, pourvu qu'on n'en fasse pas un usage prohibé par les lois ou par les règlements. »
« La propriété d'une chose soit mobilière, soit immobilière, donne droit sur tout ce qu'elle produit, et sur ce qui s'y unit accessoirement soit naturellement, soit artificiellement.
Ce droit s'appelle "droit d'accession". »
« Celui dont la propriété borde une eau courante, autre que celle qui est déclarée dépendance du domaine public par l'article 538 au titre " De la distinction des biens ", peut s'en servir à son passage pour l'irrigation de ses propriétés.
Celui dont cette eau traverse l'héritage peut même en user dans l'intervalle qu'elle y parcourt, mais à la charge de la rendre, à la sortie de ses fonds, à son cours ordinaire. »
■ Article L. 214-6 du Code de l'environnement
« I.-Dans tous les cas, les droits des tiers sont et demeurent réservés.
II.-Les installations, ouvrages et activités déclarés ou autorisés en application d'une législation ou réglementation relative à l'eau antérieure au 4 janvier 1992 sont réputés déclarés ou autorisés en application des dispositions de la présente section. Il en est de même des installations et ouvrages fondés en titre.
III.-Les installations, ouvrages et activités qui, n'entrant pas dans le champ d'application du II, ont été soumis à compter du 4 janvier 1992, en vertu de la nomenclature prévue par l'article L. 214-2, à une obligation de déclaration ou d'autorisation à laquelle il n'a pas été satisfait, peuvent continuer à fonctionner ou se poursuivre si l'exploitant, ou, à défaut le propriétaire, a fourni à l'autorité administrative les informations prévues par l'article 41 du décret n° 93-742 du 29 mars 1993, au plus tard le 31 décembre 2006.
Toutefois, s'il apparaît que le fonctionnement de ces installations et ouvrages ou la poursuite de ces activités présente un risque d'atteinte grave aux intérêts mentionnés à l'article L. 211-1, l'autorité administrative peut exiger le dépôt d'une déclaration ou d'une demande d'autorisation.
Au-delà du 31 décembre 2006, les informations mentionnées au premier alinéa du présent III peuvent être reçues et examinées par l'autorité administrative. Si la preuve est apportée de la régularité de la situation de l'installation, ouvrage ou activité à la date à laquelle il s'est trouvé soumis à autorisation ou à déclaration par l'effet d'un décret pris en application de l'article L. 214-3, si l'exploitation n'a pas cessé depuis plus de deux ans et si ces opérations ne présentent pas un danger ou un inconvénient grave pour les intérêts mentionnés à l'article L. 211-1, l'autorité administrative peut accepter la continuation du fonctionnement de l'installation ou de l'ouvrage ou la poursuite de l'activité considérée.
IV.-Les installations, ouvrages, travaux ou activités qui, après avoir été régulièrement mis en service ou entrepris, viennent à être soumis à déclaration ou à autorisation en vertu d'une modification de la nomenclature prévue à l'article L. 214-2 peuvent continuer à fonctionner, si l'exploitant, ou à défaut le propriétaire, s'est fait connaître à l'autorité administrative, ou s'il se fait connaître dans le délai d'un an à compter de la date à laquelle l'obligation nouvelle a été instituée.
Les renseignements qui doivent être fournis à l'autorité administrative ainsi que les mesures que celle-ci peut imposer afin de sauvegarder les intérêts mentionnés à l'article L. 211-1 sont précisés par décret en Conseil d'État.
V.-Les dispositions des II et III sont applicables sous réserve des décisions de justice passées en force de chose jugée intervenues avant la date de publication de l'ordonnance n° 2005-805 du 18 juillet 2005.
VI.-Les installations, ouvrages et activités visés par les II, III et IV sont soumis aux dispositions de la présente section. »
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