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Droit de la responsabilité civile
Une avancée majeure en faveur des victimes du Distilbène
Mots-clefs : Responsabilité, Lien de causalité, Preuve, Médicament, Fabricant, Grossesse, Pathologie
La Cour de cassation revient, dans deux arrêts du 24 septembre 2009, sur la situation des victimes du Distilbène. Elle indique que les femmes exposées in utero à cette molécule et atteintes d'un cancer n'ont pas à démontrer la marque du médicament utilisé par leur mère et qu'il appartient au laboratoire de prouver que ce n'est pas leur produit mais celui du concurrent qui a été pris.
Les arrêts du 24 septembre 2009 constituent sans doute une avancée majeure pour les victimes du Distilbène, cette hormone de synthèse, prescrite pendant une trentaine d'années aux femmes connaissant une grossesse difficile, et responsable aujourd'hui de cancers et de stérilité chez les filles des femmes traitées.
Deux femmes atteintes d'un cancer avaient assigné en réparation les deux sociétés fabricantes de la molécule, commercialisée sous des marques différentes, en soutenant que leur maladie était due à la prise de ce médicament durant la grossesse de leur mère. Elles furent toutes deux déboutées au fond, la première parce qu'elle ne démontrait pas avoir été exposée in utero à l'hormone, la seconde parce qu'elle ne pouvait prouver qui, des deux laboratoires, avait fabriqué le produit administré à sa mère.
Saisie de ces deux affaires, la Cour de cassation estime, dans la première (n° 08-10.081), qu'« il appartenait à [la demanderesse] de prouver qu'elle avait été exposée au médicament litigieux dès lors qu'il n'était pas établi que l'hormone était la seule cause possible de la pathologie dont elle souffrait ». Cette preuve du lien de causalité n'ayant pas été rapportée, la cour d'appel a donc, à bon droit, débouté l'intéressée. Juge du droit, la Cour ne pouvait pas revenir sur le fond du dossier : il ne lui appartenait pas de contrôler l'appréciation faite par la cour d'appel de la portée et de la valeur des éléments de preuve qui lui avaient été soumis.
Dans la seconde affaire (n° 08-16.305), en revanche, la Cour relève qu'il était établi que la molécule avait bien été la cause directe du cancer pour lequel la demanderesse demandait réparation (l'exposition in utero de la victime au Distilbène était démontrée). Elle estime, au visa des articles 1382 et 1315 du Code civil, « qu'il appartenait alors à chacun des laboratoires de prouver que son produit n'était pas à l'origine du dommage ». Inversant la charge de la preuve en faveur des victimes, la Cour de cassation considère que celles qui auront pu démontrer le lien de causalité entre leur pathologie et la prise de la molécule par leur mère pourront ensuite poursuivre les deux fabricants, à charge pour eux de prouver que ce n'est pas leur médicament mais celui du concurrent qui a été pris. Une preuve qui s'avérera très difficile à rapporter…
Après avoir retenu la responsabilité du fabricant pour manquement à son obligation de vigilance au regard des risques connus et identifiés liés à la prise de Distilbène (Civ. 1re, 7 mars 2006), la Cour de cassation fait un nouveau pas en faveur des victimes qui n'ont donc plus à déterminer le laboratoire responsable de leur pathologie.
Civ. 1re, 24 septembre 2009, FS-P+B+I, n° 08-10.081
Civ. 1re, 24 septembre 2009, FS-P+B+I, n° 08-16.305
Références
■ Code civil
Article 1315
« Celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver.
Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation. »
Article 1382
« Tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer. »
■ Civ. 1re, 7 mars 2006, D. 2006. AJ. 812, obs. Gallmeister ; RTD civ. 2006. 565, obs. Jourdain ; RCA 2006. Comm. 164, obs. Radé.
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