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Droit des obligations
Une avocate chargée des intérêts de son mari dans un litige : présomption du mandat à titre onéreux écartée
N’inverse pas la charge de la preuve, le premier président qui, en raison du contexte familial dans lequel l’assistance avait été apportée, a écarté la présomption selon laquelle le mandat est salarié, lorsqu’il est exercé par une personne dans le cadre de sa profession habituelle.
Civ. 2e, 5 nov. 2020, no 19-20.314
Le mari d’une avocate, dont il a divorcé en 2017, lui avait confié, en 2003, la défense de ses intérêts et ceux de sa sœur dans un litige successoral. Alors qu'aucune convention d’honoraires n’avait été conclue entre les parties, l’avocate a adressé à son ex-époux, en février 2016, une facture de ses diligences, dont elle n’a pas obtenu le règlement, car celui-ci lui a indiqué qu’aucun mandat à titre onéreux n’avait été conclu. Par lettre du 27 juin 2017, l’avocate a saisi le bâtonnier d’une demande de fixation de ses honoraires.
Il convient préalablement à toute analyse, de revenir sur la définition du contrat de mandat : le mandat est un contrat par lequel une personne, le mandant, donne pouvoir à une autre, le mandataire, de conclure en son nom et pour son compte un ou plusieurs actes juridiques avec un tiers. L’ordonnance no 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des obligations a introduit dans le Code civil les articles 1153 et suivants qui déterminent un droit commun de la représentation en matière contractuelle.
Ayant été déboutée de ses demandes, l’avocate a interjeté appel devant le premier président de la cour d’appel de Versailles, qui, par ordonnance du 22 mai 2019, a confirmé la décision du bâtonnier et l’a débouté de toutes ses demandes tendant à la fixation de ses honoraires et à la condamnation de son ex-époux à leur paiement en se fondant sur le caractère gratuit du mandat conclu entre les parties en raison du contexte des relations entretenues par celles-ci. En effet, aucune rémunération n’avait été convenue entre les parties, puisqu’elles étaient mariées lorsque le mari a demandé à son épouse de se charger de la défense de ses intérêts et de ceux de sa sœur dans le cadre de la succession de son père.
L’avocate a alors formé un pourvoi devant la Cour de cassation en faisant valoir que le mandat, subsidiairement gratuit par nature, est présumé salarié lorsqu’il est exercé par une personne dans le cadre de sa profession habituelle. Selon elle, le premier président a violé les articles 1353 et 1986 du Code civil en recherchant exclusivement si les éléments de preuve produits aux débats étaient susceptibles de démontrer le caractère onéreux du mandat conclu entre les parties. Or, il appartenait à son ex-époux de démontrer le caractère gratuit du mandat et non à l’avocate de prouver son caractère onéreux.
Initialement, le contrat de mandat correspond à un service d’ami, qui ne peut donc être conclu qu’à titre gratuit. C’est ce principe qui a été retenu par le Code civil de 1804, à son article 1986, qui prévoit, dans une formule lapidaire, que « le mandat est conclu à titre gratuit ».
Cette caractéristique initiale de la gratuité du mandat doit, toutefois, être nuancée, car, d’une part, ce même article 1986 autorise les conventions contraires et d’autre part, dès lors que le mandat est conclu avec un professionnel, il est présumé être à titre onéreux. Il s’agit d’une présomption simple, qui peut être renversée par la preuve contraire. Ce mandat à titre onéreux est aussi appelé « salarié », notamment par la Cour de cassation, qui emploie généralement la formule : « Le mandat est présumé salarié en faveur des personnes qui font profession de s’occuper des affaires d’autrui ». Néanmoins, il est nécessaire de préciser que le mandataire accomplit sa mission de façon indépendante, en dehors de tout lien de subordination.
Ainsi, si le mandat est, de par sa nature, à titre gratuit, il ne l’est pas dans son essence. Progressivement, le contrat de mandat est, donc, devenu dans la norme à titre onéreux.
Dès qu’un mandataire intervient dans un but intéressé le mandat ne saurait être gratuit, car il n’est pas conclu dans l’intérêt exclusif du mandant. Il est alors conclu dans l’intérêt commun, celui du mandant ainsi que celui du mandataire. En effet, le professionnel est toujours intéressé, car s’il intervient dans les affaires d’autrui, c’est pour être rémunéré (V. not. Civ. 1re, 19 déc. 1989, no 87-11.428 pour le conseiller juridique. – Com. 22 janv. 1991, no 89-12.398 pour le mandataire dans une cession d’un fonds de commerce).
En l’espèce, le mandat a été conclu dans le cadre de la profession du mandataire, car ce dernier, occupant la profession d’avocat, a été chargé de défendre les intérêts d’un client dans un litige successoral. Ce mandat devait donc être qualifié d’onéreux, puisqu’il était conclu avec un professionnel. Or, l’avocate étant mariée avec son client au moment des faits, le mandat ne pouvait être conclu dans l’intérêt de percevoir une rémunération de la part de son mari.
Dans son arrêt du 5 novembre 2020, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation a donc rejeté le pourvoi de l’avocate comme étant infondé, car c’est sans inverser la charge de la preuve que le premier président a écarté, en raison du contexte familial dans lequel l’assistance avait été apportée, la présomption selon laquelle le mandat est salarié lorsqu’il est exercé par une personne dans le cadre de sa profession habituelle.
Ainsi, pour conclure à l’inexistence d’un mandat à titre onéreux, le premier président ne s’est alors fondé ni sur l’absence entre les parties d’une convention d’honoraires, ou d’échanges relatifs à des honoraires de diligences, ni sur un pacte de quota litis qui aurait été conclu entre elles, mais sur l’existence de liens familiaux entre l’avocate et son client.
Références
■ Civ. 1re, 19 déc. 1989, no 87-11.428 P : RTD com. 1990. 461, obs. B. Bouloc
■ Com. 22 janv. 1991, no 89-12.398 P : RDI 1991. 233, obs. D. Tomasin ; RTD com. 1991. 182, obs. J. Derruppé ; ibid. 405, obs. Y. Reinhard
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