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[ 20 septembre 2012 ] Imprimer

Droit des biens

Une contrainte supplémentaire dans la fixation du tracé de la servitude de passage en cas d’enclave

Mots-clefs : Propriété, Servitude de passage, Enclave

Les juges doivent prendre en considération les contraintes d’urbanisme et environnementales pour fixer le tracé d’une servitude de passage en cas d’enclave.

Les propriétaires d’un fonds enclavé, c’est-à-dire d’un terrain qui n’a sur la voie publique aucune issue ou qu’une issue insuffisante, ont assigné leurs voisins afin que le juge détermine le tracé du passage permettant de désenclaver leur fonds (V. Buffelan-Lanore et Larribau-Terneyre).

Il s’agit donc, en l’espèce, d’une servitude légale prévue par les articles 682 et suivants du Code civil. En principe, l’assiette de la servitude qui correspond concrètement à son tracé est « fixée dans l’endroit le moins dommageable à celui sur le fonds duquel il est accordé » (C. civ. art. 683).  

Ainsi la cour d’appel a-t-elle fixé le tracé du passage sur la parcelle des voisins en retenant le trajet le moins dommageable pour le fonds servant… mais pas le plus court. De ce fait, les propriétaires du fonds dominant ont formé un pourvoi en cassation fondé sur un moyen unique. La Cour suprême leur a donné raison en cassant l’arrêt d’appel au visa des articles 682 et 683 du Code civil ainsi que l’article L. 642-2 du Code du patrimoine

Par cet arrêt, la Cour rappelle indirectement que les juges du fond disposent d’un pouvoir souverain d’appréciation pour déterminer le passage (v. Civ. 3e, 23 avril 1992). Cependant, cette liberté est limitée par de nouvelles contraintes et non des moindres : les règles d’urbanisme et environnementales. Autrement dit, ils doivent absolument vérifier si le tracé envisagé est compatible avec ces nombreuses règles. En l’espèce, le fonds servant était situé dans une zone de protection du patrimoine architectural, urbain et paysager (ZPPAUP, de l’article L. 642-2 du Code du patrimoine). La cour d’appel a donc privé sa décision de base légale en n'appliquant pas ces règles spéciales. 
 En pratique, cela risque de limiter considérablement le pouvoir souverain des juges du fond.   
 

Civ. 3e, 5 sept.2012, n° 11-22.276

 

Références

 Y. Buffelan-Lanore, V. Larribau-Terneyre, Droit civil Introduction Biens Personnes Famille, 17e éd., Sirey, n°567

 

■ Code civil

Article 682 

« Le propriétaire dont les fonds sont enclavés et qui n'a sur la voie publique aucune issue ou qu'une issue insuffisante, soit pour l'exploitation agricole, industrielle ou commerciale de sa propriété, soit pour la réalisation d'opérations de construction ou de lotissement, est fondé à réclamer sur les fonds de ses voisins un passage suffisant pour assurer la desserte complète de ses fonds, à charge d'une indemnité proportionnée au dommage qu'il peut occasionner. »

Article 683 

« Le passage doit régulièrement être pris du côté où le trajet est le plus court du fonds enclavé à la voie publique.
 Néanmoins il doit être fixé dans l'endroit le moins dommageable à celui sur le fonds duquel il est accordé. »

Article 684

« Si l'enclave résulte de la division d'un fonds par suite d'une vente, d'un échange, d'un partage ou de tout autre contrat, le passage ne peut être demandé que sur les terrains qui ont fait l'objet de ces actes.

Toutefois, dans le cas où un passage suffisant ne pourrait être établi sur les fonds divisés, l'article 682 serait applicable. »

Article 685

« L'assiette et le mode de servitude de passage pour cause d'enclave sont déterminés par trente ans d'usage continu.

L'action en indemnité, dans le cas prévu par l'article 682, est prescriptible, et le passage peut être continué, quoique l'action en indemnité ne soit plus recevable. »

Article 685-1

« En cas de cessation de l'enclave et quelle que soit la manière dont l'assiette et le mode de la servitude ont été déterminés, le propriétaire du fonds servant peut, à tout moment, invoquer l'extinction de la servitude si la desserte du fonds dominant est assurée dans les conditions de l'article 682.

À défaut d'accord amiable, cette disparition est constatée par une décision de justice. »

 

■ Code du patrimoine

Article L. 642-2

« Une aire de mise en valeur de l'architecture et du patrimoine peut être créée à l'initiative de la ou des communes ou d'un établissement public de coopération intercommunale lorsqu'il est compétent en matière d'élaboration du plan local d'urbanisme, sur un ou des territoires présentant un intérêt culturel, architectural, urbain, paysager, historique ou archéologique.

Elle a pour objet de promouvoir la mise en valeur du patrimoine bâti et des espaces dans le respect du développement durable. Elle est fondée sur un diagnostic architectural, patrimonial et environnemental, prenant en compte les orientations du projet d'aménagement et de développement durables du plan local d'urbanisme, afin de garantir la qualité architecturale des constructions existantes et à venir ainsi que l'aménagement des espaces.

L'aire de mise en valeur de l'architecture et du patrimoine a le caractère de servitude d'utilité publique.

Le dossier relatif à la création de l'aire de mise en valeur de l'architecture et du patrimoine comporte :

– un rapport de présentation des objectifs de l'aire. Ces objectifs sont fondés sur le diagnostic mentionné au deuxième alinéa de l'article L. 642-1 et déterminés en fonction du projet d'aménagement et de développement durables du plan local d'urbanisme s'il est entré en vigueur ;

– un règlement comprenant des prescriptions ;

– et un document graphique faisant apparaître le périmètre de l'aire, une typologie des constructions, les immeubles protégés, bâtis ou non, dont la conservation est imposée et, le cas échéant, les conditions spéciales relatives à l'implantation, à la morphologie et aux dimensions des constructions.

Le règlement de l'aire de mise en valeur de l'architecture et du patrimoine contient des règles relatives :

– à la qualité architecturale des constructions nouvelles ou des aménagements de constructions existantes ainsi qu'à la conservation ou à la mise en valeur du patrimoine bâti et des espaces naturels ou urbains ;

– à l'intégration architecturale et à l'insertion paysagère des constructions, ouvrages, installations ou travaux visant tant à l'exploitation des énergies renouvelables ou aux économies d'énergie qu'à la prise en compte d'objectifs environnementaux. »

■ Civ. 3e, 23 avril 1992, n° 90-13.071, Bull. civ. III, n° 142.

 

Auteur :L. T.

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