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Libertés fondamentales - droits de l'homme
Une croix peut-elle orner le portail d’un cimetière communal ?
Mots-clefs : Laïcité, Croix, Cimetière, Portail, Domaine public, Emplacement public, Signe religieux, Emblème religieux, Condition de légalité
L’avis du Conseil d’État précise les règles applicables concernant l’apposition d’une croix sur un portail de cimetière communal, dépendance du domaine public de la commune.
En l’espèce, un homme dont le père est inhumé dans le cimetière de la petite commune de Prinçay avait demandé au maire, par courrier en date du 3 novembre 2014, d’enlever la croix ornant le portail d’accès du cimetière. Devant son refus, il a saisi le tribunal administratif de Poitiers. Celui-ci, estimant qu’il s’agissait de questions de droit nouvelles, a sursis à statuer et les a transmis au Conseil d’État (9 mars 2017, n° 1500305) qui a répondu dans un avis en date du 28 juillet 2017.
Dans un premier temps, le Conseil d’État rappelle les textes juridiques applicables : les trois premières phrases du premier alinéa de l'article 1er de la Constitution et les articles 1er, 2 et 28 de la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Églises et de l'État.
Dans un second temps, le Conseil d’État en déduit que les dispositions précitées ont pour objet d'assurer la neutralité des personnes publiques à l'égard des cultes et s'opposent à l'installation par celles-ci, dans un emplacement public, d'un signe ou emblème manifestant la reconnaissance d'un culte ou marquant une préférence religieuse. Toutefois les juges du Palais Royal précisent qu’ « alors même qu'un cimetière est une dépendance du domaine public de la commune, la loi réserve notamment la possibilité d'apposer de tels signes ou emblèmes sur les terrains de sépulture, les monuments funéraires et les édifices servant au culte ». Par ailleurs, « en prévoyant que l'interdiction qu'il a édictée ne s'appliquerait que pour l'avenir, le législateur a préservé les signes et emblèmes religieux existants à la date de l'entrée en vigueur de la loi ainsi que la possibilité d'en assurer l'entretien, la restauration ou le remplacement. Indépendamment de ces règles, s'appliquent également les protections prévues par le code du patrimoine au titre de la protection des monuments historiques. »
Il revient maintenant au tribunal administratif de Poitiers de déterminer si en l’espèce les conditions de légalité sont respectées. Dans cette affaire, le portail litigieux avait été refait dans les années 2000. Le tribunal administratif devra vérifier si le portail édifié avant la loi de 1905 était ou non orné d’une croix. Soit la croix existait avant 1905, elle pouvait alors être remplacée, soit elle n’existait pas et n’aurait pas dû être ajoutée sur le nouveau portail…
Sur les conditions de légalité concernant les signes ou emblèmes religieux, V. également le contentieux relatif à l’installation de crèches de Noël dans l’enceinte d’un bâtiment public : CE, ass., 9 nov. 2016, Cne de Melun, n° 395122 et CE, ass., 9 nov. 2016, Fédération de la libre pensée de Vendée, n° 395223.
CE, avis, 28 juillet 2017, n° 408920
Références
■ TA Poitiers, 9 mars 2017, n° 1500305.
■ Constitution de 1958
Article 1er
« La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle assure l'égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d'origine, de race ou de religion. Elle respecte toutes les croyances…… »
■ Loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Églises et de l'État
Article 1er
« La République assure la liberté de conscience. Elle garantit le libre exercice des cultes sous les seules restrictions édictées ci-après dans l'intérêt de l'ordre public.»
Article 2
« La République ne reconnaît, ne salarie ni ne subventionne aucun culte. En conséquence, à partir du 1er janvier qui suivra la promulgation de la présente loi, seront supprimées des budgets de l'État, des départements et des communes, toutes dépenses relatives à l'exercice des cultes…. »
Article 28
« Il est interdit, à l'avenir, d'élever ou d'apposer aucun signe ou emblème religieux sur les monuments publics ou en quelque emplacement public que ce soit, à l'exception des édifices servant au culte, des terrains de sépulture dans les cimetières, des monuments funéraires ainsi que des musées ou expositions ».
■ CE, ass., 9 nov. 2016, Cne de Melun, n° 395122 et CE, ass., 9 nov. 2016, Fédération de la libre pensée de Vendée, n° 395223 : Dalloz Actu Étudiant 14 nov. 2016 ; Lebon, concl. A. Bretonneau ; AJDA 2016. 2135 ; ibid. 2375 ; D. 2016. 2341, obs. M.-C. de Montecler ; ibid. 2456, entretien D. Maus ; ibid. 2017. 345, édito. N. Dissaux ; AJCT 2017. 90, obs. F. De la Morena et M. Yazi-Roman ; RFDA 2017. 127, note J. Morange.
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