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[ 27 septembre 2016 ] Imprimer

Droit des obligations

Une erreur partielle ne vicie pas le consentement

Mots-clefs : Contrat, Vice du consentement, Erreur substantielle, Erreur sur la valeur

L’erreur commise sur une partie réduite du terrain vendu ne vicie pas le consentement et n’emporte pas l’annulation du contrat.

Une venderesse s’était engagée à céder à un particulier une parcelle de trois hectares à prélever sur un terrain en contenant cinq ; la SAFER avait déclaré la préempter à la suite de la notification que lui avait adressée un notaire. La venderesse avait finalement refusé de réaliser la vente au profit de la SAFER après avoir découvert que son terrain était situé, pour partie, en zone à urbaniser. La SAFER l'avait alors assignée en confirmation de la vente, ce à quoi les premiers juges firent droit. La cour d’appel rejeta la demande formée par la venderesse en annulation de la vente et de la décision de préemption de la SAFER au motif que la parcelle litigieuse était pour l'essentiel constituée de terres agricoles et que la partie, moins étendue, située en zone à urbaniser n'était pas, en conséquence, de nature à remettre en cause l'objet de la vente en sorte que le consentement de la venderesse n’avait pas été vicié.

Cette dernière forma un pourvoi en cassation pour soutenir que le fait que son erreur n’ait porté que sur une partie de la chose vendue ne faisait pas obstacle à l’annulation de la vente dès lors que le caractère constructible d'un terrain touche à sa substance et qu'en l'espèce, elle avait cru que le terrain vendu était à vocation exclusivement agricole tandis qu'en réalité, il était en partie constructible.

Son pourvoi est rejeté par la troisième chambre civile, qui confirme l’analyse des juges du fond : la plus grande étendue de la parcelle couvrant des terres agricoles, la présence ignorée par la venderesse de la zone à urbaniser n’a pas suffi à vicier son consentement, de sorte que la SAFER avait exercé son droit de préemption conformément à la notification qu'elle avait reçue.

Vice du consentement, l’erreur vise le fait de se tromper, entachant d’un vice la formation de l’acte accompli sous l’emprise de cette fausse représentation de la réalité (in G. Cornu (dir.) Vocabulaire juridique PUF). Pour emporter la nullité du contrat, l’erreur doit porter, dans le cas d’un contrat intuitu personae, sur la personne du contractant, et de façon bien plus générale, sur la substance de la chose, c’est-à-dire sur la matière qui compose la chose objet du contrat. Traditionnellement, l’erreur sur la substance désigne l’erreur sur la chose, corporelle ou incorporelle, qui constitue l’objet de l’obligation de l’une des parties. Le problème soulevé par cette approche est qu’elle se révèle très objective et donc très restrictive.

C’est la raison pour laquelle cette conception, qui ne voit en l’erreur substantielle qu’une erreur sur la matière qui compose la chose, est aujourd’hui dépassée. En effet, l’erreur sur la substance est désormais appréciée plus largement. Selon une jurisprudence constante (depuis Civ. 28 janv. 1913), l’erreur sur la substance s’entend non seulement de celle qui porte sur la matière même dont la chose est composée mais aussi de celle qui a trait à ses qualités substantielles, entendues comme celles en considération desquelles les parties ont contracté. Cette conception permet ainsi de ne pas seulement tenir compte, objectivement, de la matière même dont la chose vendue est composée, mais aussi d’apprécier les qualités substantielles de cette chose ayant déterminé la partie trompée à acheter ou à vendre.

Ainsi, en l’espèce, la venderesse ignorait que le terrain était en partie constructible, alors qu’elle avait la volonté de céder une parcelle à vocation exclusivement agricole. Selon la conception objective, l’annulation du contrat serait par principe impossible car pour l’obtenir, l’erreur doit porter sur une qualité qui donne sa nature spécifique à la chose et dont l’absence la dénaturerait à tel point qu’elle deviendrait autre chose. Or, dans l’hypothèse de l’espèce, même constructible, il va de soi qu’un terrain reste un terrain.

Si l’on adopte au contraire la conception subjective, l’annulation du contrat est susceptible d’être prononcée car il devient possible de considérer que la partie constructible du terrain, si elle avait été connue de la venderesse, aurait dissuadé celle-ci à contracter. Cependant, en l’espèce, l’annulation est refusée car l’élément ignoré n’était pas de nature à remettre en cause la nature de la vente, même si son prix pouvait s'en trouver modifié, en sorte que l'erreur invoquée par la venderesse ne portait non pas tant sur les qualités substantielles du bien vendu que sur sa valeur, ce qui ne constitue pas une cause de nullité. 

Civ. 3e, 8 sept. 2016, n° 15-10.550

Références 

■ Civ. 28 janv. 1913

 

Auteur :M. H.


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