Actualité > À la une

À la une

[ 9 juin 2015 ] Imprimer

Droit européen et de l'Union européenne

Une interprétation européenne de la définition de licenciement collectif favorable aux droits des travailleurs

Mots-clefs : Travailleur, Licenciements collectifs, Directive, Protection, Entreprise, Établissement, Droit à l’information

La directive 98/59/CE du Conseil du 20 juillet 1998 encadre la notion de licenciement économique en s’appuyant sur des seuils liés au nombre de travailleurs et de licenciés dans un établissement. Pour la Cour de justice, il ressort de cette directive qu’une législation nationale ne peut pas prendre en considération comme seule unité de référence le groupe de société, c’est-à-dire l’entreprise, pour déterminer l’existence d’un licenciement collectif. Il est possible de retenir l’entreprise à la condition d’intégrer également l’unité que peut constituer un établissement, partie d’une entreprise, la finalité étant d’appliquer dans le plus grand nombre de cas la procédure d’information et de consultation prévue dans la directive. Cette procédure vise à obtenir un accord avec les représentants des travailleurs, protégeant davantage ces derniers. 

La protection des travailleurs constitue l’un des objectifs des politiques mis en œuvre par le droit de l’Union européenne. La Cour de justice a également largement interprété les dispositions liées à la libre circulation des travailleurs en faveur de ces derniers. Des dispositions de droit dérivé se sont ajoutées, notamment en matière de licenciement collectif. La directive 98/59/CE précise ainsi la définition de cette catégorie de licenciement et les droits en découlant pour les travailleurs. La définition de licenciement collectif répond pour une part à des seuils, dont celui de vingt licenciements, pour des motifs non inhérents à la personne du travailleur, sur une période de quatre-vingt-dix jours. En outre, la directive ne s’applique qu’aux établissements qui comptent plus de vingt travailleurs

La difficulté provient de l’approche retenue par le droit espagnol qui appréhende les licenciements économiques lorsque, sur une période de quatre-vingt-dix jours, il y a eu au moins 10% des travailleurs licenciés dans les entreprises de cent à trois-cents travailleurs. La législation espagnole prend comme seule unité de référence l’entreprise. 

Or Monsieur Rabal Canas, qui travaillait au sein de Nexea, appartenant au groupe Correos, a été licencié. Il se trouve que Nexea comporte en réalité deux établissements, le premier à Madrid employant cent-soixante-quatre personnes, le second à Barcelone, vingt. Plusieurs vagues de licenciement ont eu lieu dont treize travailleurs à Barcelone parmi lesquels figure le requérant. Il fallait ajouter cinq CDD arrivés à échéance, dont deux à Barcelone. Le requérant a alors contesté son licenciement estimant que la procédure de licenciements collectifs aurait dû être appliquée. Le juge espagnol s’est interrogé sur l’unité de référence qui devait être prise en considération pour identifier un licenciement économique.

La directive reprend le terme « établissement » sans le définir. Aussi la Cour de justice précise-t-elle qu’un établissement, au sens du droit de l’Union, est l’unité à laquelle les travailleurs concernés par le licenciement sont affectés pour exercer leur tâche. Une unité distincte, au sein d’une entreprise, peut constituer un établissement dès lors que cette unité est permanente et stable, qu’elle est affectée à l’exécution d’une ou plusieurs tâches déterminées et qu’elle dispose de moyens techniques et d’une certaine structure organisationnelle. 

La Cour en conclut que la notion d’établissement est distincte de celle d’entreprise, l’établissement constitue normalement une partie d’une entreprise. La Cour juge alors que l’unité de référence peut être l’établissement de rattachement du travailleur. La Cour considère plus concrètement que l’établissement de Barcelone peut être un établissement au sens de la directive étant donné qu’il y avait notamment un chef d’établissement et une coordination des tâches sur place indépendamment de Madrid. Cependant l’établissement de Barcelone ne compte que vingt travailleurs ce qui le ferait échapper à l’application des dispositions protectrice de la directive. Dès lors, la Cour juge que la situation la plus favorable doit être retenue. Ainsi la notion d’établissement peut être remplacée par la notion d’entreprise, si ceci renforce les droits des travailleurs. En conséquence, la seule unité de référence ne peut pas être l’entreprise, l’alternative liée à la notion d’établissement doit exister.

Parallèlement, la Cour de justice précise que les contrats conclus à durée déterminée et qui arrivent à échéance ne peuvent pas être intégrés au regard de la directive 98/59, étant donné qu’ils ne cessent pas à l’initiative de l’employeur, mais en vertu de clauses figurant initialement dans les contrats.

CJUE 13 mai 2015, Andrés Rabal Canas contre Nexea Gestion Documental SA, Fondo de Garantia salarial, n° C-392/13.

 

Auteur :V. B.

Autres À la une


  • Rédaction

    Directeur de la publication-Président : Ketty de Falco

    Directrice des éditions : 
    Caroline Sordet
    N° CPPAP : 0122 W 91226

    Rédacteur en chef :
    Maëlle Harscouët de Keravel

    Rédacteur en chef adjoint :
    Elisabeth Autier

    Chefs de rubriques :

    Le Billet : 
    Elisabeth Autier

    Droit privé : 
    Sabrina Lavric, Maëlle Harscouët de Keravel, Merryl Hervieu, Caroline Lacroix, Chantal Mathieu

    Droit public :
    Christelle de Gaudemont

    Focus sur ... : 
    Marina Brillié-Champaux

    Le Saviez-vous  :
    Sylvia Fernandes

    Illustrations : utilisation de la banque d'images Getty images.

    Nous écrire :
    actu-etudiant@dalloz.fr