Actualité > À la une
À la une
Droit des biens
Une nouvelle illustration de la règle de non-cumul des actions pétitoire et possessoire
Mots-clefs : Possessoire, Pétitoire, Actions, Non-cumul
La protection possessoire et le fond du droit ne sont jamais cumulés ; le défendeur au possessoire ne peut agir au fond qu'après avoir mis fin au trouble.
Une personne a assigné, au possessoire, son voisin en libération du passage situé sur une parcelle appartenant à celui-ci, par la dépose de deux portails obstruant un passage commun. Le tribunal d'instance, par jugement du 3 avril 2003, confirmé en appel par un arrêt du 6 mars 2008, a accueilli sa demande. Par acte du 4 octobre 2004, le défendeur au possessoire a agi en déclaration d'extinction de la servitude de passage sur la parcelle litigieuse pour non-usage trentenaire et disparition de l'état d'enclave. Pour déclarer recevable la demande pétitoire formée par le défendeur au possessoire, la cour d’appel a retenu que si la prohibition du cumul des actions possessoire et pétitoire fait obstacle à ce que la chose jugée au possessoire ait autorité au pétitoire, il n'est pas nécessaire que l'action possessoire ait été jugée irrévocablement avant l'exercice d'une action pétitoire.
Par le pourvoi formé par le défendeur au pétitoire se trouvait donc posée à la Cour de cassation la question de savoir dans quel ordre les deux actions en cause, chacune visant à protéger un droit réel immobilier, doivent être intentées. Plus abstraitement, la Haute cour devait se prononcer sur la portée procédurale de la règle de non-cumul des actions pétitoire et possessoire pour juger de la recevabilité de l’action pétitoire avant que l’action possessoire dans laquelle il se trouve également engagé soit définitivement jugée.
Affirmant l’irrecevabilité d’une telle action, la troisième chambre civile censure la décision contraire des juges du fond qui, au mépris du principe de l'interdiction faite au défendeur d'agir au pétitoire avant d'avoir mis un terme au trouble emporte l'impossibilité d'agir avant la fin de l'instance possessoire, ont violé les articles 1265 et 1267 du Code de procédure civile.
La première à avoir ici été engagée, l’action possessoire, qui ne concerne que les immeubles, protège la possession et la détention paisible d’un immeuble en faisant abstraction du droit de propriété. Pour deux raisons. Tout d’abord, c’est généralement par la possession que l’on protège le propriétaire, car possesseur et véritable propriétaire constituent le plus souvent une seule et même personne. Ensuite, on estime également que cette indifférence permet d’éviter qu’en cas d’éviction du véritable propriétaire, celui-ci ne recoure à des voies de fait pour récupérer son bien. Aussi, comme tous les titulaires de droits réels, le bénéficiaire d'une servitude dispose de la protection possessoire de l'article 2278 du Code civil (C. civ., anc. art. 2282) pour défendre sa possession « contre le trouble qui l'affecte ou la menace ». C’est précisément à l’encontre du détenteur d’une servitude, alors défendeur au possessoire, que la Cour de cassation réaffirme ici l’aspect procédural de la règle du non-cumul des actions possessoire et pétitoire.
En effet, il est légalement impossible d’engager cumulativement ces deux actions : le Code de procédure civile pose un principe de non-cumul entre le possessoire (relevant de la compétence du tribunal d’instance et qui ne concerne que la possession) et le pétitoire (relevant de la compétence du tribunal de grande instance et qui ne concerne que la propriété). Cette règle de non-cumul s’explique par la finalité de chaque action :
– l’action possessoire vise à mettre fin à un trouble dans la possession d’un bien ;
– alors que l’action pétitoire tend à faire reconnaître un droit de propriété sur celui-ci.
Ainsi les deux actions n’ont-elles pas le même objet : reconnaissance d’un fait juridique pour l’une, reconnaissance d’un droit pour l’autre. On comprend donc aisément leur schisme procédural. En ce sens, il avait déjà été jugé que les deux actions ne doivent pas être engagées, indifféremment, dans le même but (v. à propos de l’action possessoire d’un couple déclarée irrecevable en raison de leur action pétitoire postérieure : Civ. 3e, 6 janv. 2010 : « l'action pétitoire engagée postérieurement à l'action possessoire rend celle-ci sans objet lorsqu'elle tend aux mêmes fins »). Dans la décision rapportée, la Cour de cassation se prononce de façon similaire mais dans l’hypothèse distincte où l’action pétitoire précède l’action possessoire. Le principe affirmé n’est d’ailleurs pas nouveau (v. déjà Civ. 3e, 16 juin 2004). Il semble donc que lorsque la propriété est mise en cause, il faut préalablement avoir mis fin au litige portant sur la possession, faute de quoi l’action pétitoire précédant le jugement de l’action possessoire sera nécessairement jugée irrecevable.
Civ. 3e, 23 janv. 2013, n°11-28.266
Références
■ Civ. 3e, 6 janv. 2010, n°08-22.068.
■ Civ. 3e, 16 juin 2004, n° 03-12.937.
« La possession est protégée, sans avoir égard au fond du droit, contre le trouble qui l'affecte ou la menace.
La protection possessoire est pareillement accordée au détenteur contre tout autre que celui de qui il tient ses droits. »
■ Code de procédure civile
« La protection possessoire et le fond du droit ne sont jamais cumulés.
Le juge peut toutefois examiner les titres à l'effet de vérifier si les conditions de la protection possessoire sont réunies.
Les mesures d'instruction ne peuvent porter sur le fond du droit. »
« Le défendeur au possessoire ne peut agir au fond qu'après avoir mis fin au trouble. »
Autres À la une
-
[ 20 décembre 2024 ]
À l’année prochaine !
-
Droit du travail - relations collectives
[ 20 décembre 2024 ]
Salariés des TPE : à vous de voter !
-
Droit du travail - relations individuelles
[ 19 décembre 2024 ]
Point sur la protection de la maternité
-
Libertés fondamentales - droits de l'homme
[ 18 décembre 2024 ]
PMA post-mortem : compatibilité de l’interdiction avec le droit européen
-
Droit de la famille
[ 17 décembre 2024 ]
GPA : l’absence de lien biologique entre l’enfant et son parent d’intention ne s’oppose pas à la reconnaissance en France du lien de filiation établi à l'étranger
- >> Toutes les actualités À la une