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Droit pénal général
Une peine privative de liberté inférieure à dix ans est un emprisonnement correctionnel !
La Cour de cassation casse sans renvoi la décision de la cour d’assises d’appel ayant condamné l’accusé à une peine de sept ans « d’emprisonnement criminel » alors que la peine privative de liberté d’une durée inférieure à dix ans prononcée en répression d’un crime ne peut être qu’un emprisonnement correctionnel.
Crim. 11 janv. 2023, n° 22-81-816 B
Un homme a été mis en accusation des chefs de viols par concubin et violences conjugales habituelles. Après avoir été condamné à dix ans de réclusion criminelle et dix ans de suivi socio-judiciaire en premier ressort, il a interjeté appel de la décision. Rejugé en cour d’assises d’appel, il a été condamné à une peine de sept ans « d’emprisonnement criminel » ainsi qu’à quinze ans de suivi socio-judiciaire. Il a formé un pourvoi contre cette décision invoquant, d’une part, un grief relatif à la formulation des questions posées au jury d’assises et, d’autre part, une violation du principe de légalité des peines.
Le demandeur avait soulevé comme moyen de défense devant la juridiction du fond l’existence d’une cause d’irresponsabilité pénale. Or, conformément à l’article 349-1 du Code de procédure pénale, lorsqu’est invoquée une cause subjective (cause de non-imputabilité) ou objective (fait justificatif) d’irresponsabilité pénale, la question portant sur la culpabilité de l’accusé doit être reformulée : le président de la cour d’assises doit alors donner lecture de la question « L'accusé a-t-il commis tel fait ? » au lieu de « L'accusé est-il coupable d'avoir commis tel fait ? ». Cette rédaction n’avait en l’espèce pas été mise en œuvre, le président de la cour d’assises ayant utilisé le terme de « coupable » dans les questions posées à la cour. Toutefois, ce moyen est rapidement écarté par la Haute cour qui relève que celui-ci a été invoqué pour la première fois devant elle alors que l’article 352 du Code de procédure pénale prévoit que la rédaction des questions doit donner lieu à un incident contentieux. La Cour de cassation rappelle ainsi sans surprise qu’un accusé ne peut contester la rédaction des questions s’il n’a pas élevé un incident contentieux sur ce point devant la cour d’assises (Crim. 14 sept. 2011, n° 11-80.905).
Concernant la peine de sept ans « d’emprisonnement criminel » prononcée par la cour d’assises, le demandeur au pourvoi invoque que « le code pénal ne prévoit pas d’autre peine privative de liberté que d'une part, la réclusion criminelle ou détention criminelle de dix ans au moins, d'autre part, la peine d'emprisonnement ». La Cour répond sur ce point en trois temps. D’abord, au visa de l’article 111-3 du Code pénal, elle rappelle qu’en vertu du principe de légalité des peines nul ne peut être puni d’une peine qui n’est pas prévue par la loi si l’infraction est un crime ou un délit. Ensuite, au visa de l’article 131-1 du même Code, elle rappelle que, conformément à l’échelle des peines criminelles, la durée de la réclusion criminelle (ou de la détention criminelle) à temps est de dix ans au moins. Enfin, au visa de l’article 131-3 listant les peines encourues par les personnes physiques en matière délictuelle, elle rappelle que l’emprisonnement est une peine correctionnelle.
Dit autrement, s’il est vrai qu’une peine privative de liberté de plus de dix ans prononcée par une cour d’assises est une peine de réclusion criminelle, il n’en est pas de même d’une peine inférieure à dix ans qui ne peut constituer qu’un emprisonnement correctionnel. La solution est évidente et aboutit à la cassation de l’arrêt de la cour d’assises d’appel en ses dispositions relatives à la peine. Le pourvoi ne modifie toutefois aucunement la situation du demandeur puisque, la cassation n'impliquant pas qu'il soit à nouveau statué sur le fond, elle a lieu sans renvoi (COJ, art. L. 411-3). Toutes les autres dispositions de la décision de condamnation sont expressément maintenues. Les juges du droit opèrent ainsi simplement une substitution de termes dans l’arrêt d’assises en remplaçant « emprisonnement criminel » par « emprisonnement correctionnel ».
Bien qu’une telle substitution ne soit pas fréquente, il reste surprenant de constater que les juges du droit doivent tout de même ponctuellement rappeler qu’une peine privative de liberté inférieure à dix ans est une peine correctionnelle d’emprisonnement, ce fut le cas dans d’autres affaires de viols qui ont donné lieu à des condamnations à des peines de « neuf ans de réclusion criminelle » (Crim. 19 avr. 2000, n° 99-86.469 ; 15 févr. 1995, n° 94-81.586), de « six ans de réclusion criminelle » (Crim. 18 déc. 2002, n° 02-81.666) ou encore de « cinq ans de réclusion criminelle » (Crim. 19 déc. 1994, n° 94-83.390). Et l’on imagine également que nombre de décisions du fond n’ont pas donné lieu à cassation malgré la confusion opérée entre la peine criminelle et la peine correctionnelle. En l’espèce, la solution était attendue mais le rappel était nécessaire !
Références :
■ Crim. 14 sept. 2011, n° 11-80.905 P
■ Crim. 19 avr. 2000, n° 99-86.469 P
■ Crim. 15 févr. 1995, n° 94-81.586 P
■ Crim. 18 déc. 2002, n° 02-81.666 P
■ Crim. 19 déc. 1994, n° 94-83.390 P : RSC 1995. 568, obs. B. Bouloc.
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