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Droit européen et de l'Union européenne
Une pierre dans le jardin du Brexit
Mots-clefs : Prestations sociales, Allocations familiales, Brexit, Royaume-Uni, Droit de séjour, Personne inactive économique, Résidence habituelle, Discrimination, Proportionnalité, Finances publiques
La Cour de justice reconnait la possibilité pour un État membre d’introduire pour l’accès aux prestations sociales non contributives une condition d’un droit de séjour régulier au sens de la directive (CE) n° 2004/38, c’est-à-dire d’avoir les ressources suffisantes. Cette condition est admise, bien que indirectement discriminatoire, étant donné qu’elle est justifiée par le souci de préserver les finances de l’État et qu’elle est proportionnée, son contrôle n’étant pas systématique.
Il est des décisions de justice dont la dimension politique prime sur la solution juridique et son éventuelle cohérence. A quelques jours du référendum sur le Brexit au Royaume-Uni, il ne fait aucun doute que cette décision constituera un argument supplémentaire pour défendre le maintien du Royaume-Uni dans l’Union, et un caillou dans la chaussure des partisans de la sortie. Il est vrai que l’objet du contentieux était sensible puisqu’il portait sur l’accès à des allocations familiales au Royaume-Uni pour les ressortissants des autres États membres, et notamment ceux inactifs économiquement.
La Commission a ouvert une procédure en manquement à l’encontre du Royaume-Uni considérant que le Royaume-Uni violait le règlement (CE) n° 883/2004 du 29 avril 2004 relatif à la coordination des systèmes de sécurité sociale.
Le grief était fondé sur l’imposition d’une condition pour bénéficier d’allocations familiales et de crédit d’impôt pour enfant. La législation britannique exige que la personne soit titulaire d’un droit de séjour régulier au sens de la directive n° 2004/38, c’est-à-dire détenir les ressources suffisantes. En outre la Commission développait que la condition du droit de séjour instituait une discrimination à l’égard des ressortissants des autres États membres par rapport à ceux du Royaume-Uni. L’enjeu n’était pas négligeable étant donné qu’une constatation de manquement aurait entraîné un versement à des personnes qui résidaient habituellement au Royaume-Uni mais qui ne disposaient pas d’un droit de séjour au sens de la directive (CE) n° 2004/38. Or cette obligation de versement cristallise les positions défavorables à la construction européenne. A l’inverse, la reconnaissance de la compatibilité de la législation britannique était la traduction d’une marge d’appréciation laissée aux États afin de limiter le versement de certaines allocations et d’une capacité à préserver leurs finances publiques.
La solution de la Cour de justice est celle de la compatibilité de la législation et en conséquence la capacité d’un État, dans la limite des dispositions du droit de l’Union, à définir l’accès à des prestations sociales non contributives qui relèvent du règlement (CE) n° 883/2004.
La Cour de justice examine successivement les deux griefs, celui relatif à l’introduction même d’une condition liée au droit de séjour et celui concernant l’introduction d’une discrimination entre ressortissants d’autres États membres et les nationaux.
Sur le premier grief, la Cour juge tout d’abord que les deux prestations en cause sont des prestations sociales qui entrent dans le champ d’application du règlement (CE) n° 883/2004, étant donné que celles-ci sont accordées automatiquement aux familles qui répondent à des critères objectifs, en dehors de toute appréciation individuelle et discrétionnaire. La Cour indique ensuite que ce règlement n’organise pas un régime commun de sécurité sociale, mais maintient au contraire les régimes nationaux. Il intervient seulement pour coordonner l’accès à des prestations, énonçant une règle de conflit. La finalité est soit d’éviter un cumul des prestations, soit de garantir l’accès à des prestations si les conditions fixées par l’État sont réunies. La Cour précise alors que le règlement n’entend pas fixer les conditions d’accès, ceci relève de la compétence des États membres, parmi ces conditions, un droit de séjour peut être exigé au-delà de la résidence habituelle. Ce dernier critère de la résidence étant uniquement utilisé pour déterminer l’État débiteur. En conséquence, la condition du droit de séjour est compatible.
Sur le second grief, la Cour admet logiquement que cette condition constitue une restriction indirecte puisque les nationaux remplissent plus aisément cette condition par rapport aux ressortissants des autres États membres. Toutefois, la Cour précise, ce qui est le point le plus important de l’arrêt, que cette mesure peut être justifiée par la protection des finances de l’État membre dès lors qu’elle est proportionnée. La Cour a déjà admis le principe de cette justification mais elle a toujours jugé la mesure disproportionnée. Dans cet arrêt, elle juge la mesure proportionnée dès lors que le contrôle de cette condition est conforme au contenu de l’article 14, paragraphe 2 de la directive (CE) n° 2004/38 qui en pose le principe à la condition que le contrôle ne soit pas systématique à l’égard des citoyens de l’Union. Le Royaume-Uni n’applique pas un contrôle systématique mais uniquement lorsqu’il y a des doutes quant au respect de la directive (CE) n° 2004/38. La mesure est en conséquence proportionnée.
CJUE 14 juin 2016, Commission européenne c/ Royaume-Uni, n° C-308/14
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