Actualité > À la une
À la une
Droit européen et de l'Union européenne
Une protection des droits fondamentaux fragilisée par l’exigence de primauté du droit de l’Union
Mots-clefs : Mandat d’arrêt européen, Principe de primauté, Effectivité, Droits de la défense, Droit au procès équitable, Charte des droits fondamentaux de l’UE, Standards nationaux
L’article 53 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne impose que la Charte ne porte pas atteinte aux droits de l’homme reconnus notamment par les constitutions des États membres. Fort du contenu de cet article, le juge constitutionnel espagnol a considéré qu’il pouvait subordonner l’exécution d’un mandat d’arrêt européen à la révision d’une condamnation prononcée par défaut, afin de préserver les standards nationaux en matière de droits de la défense et de droit au procès équitable. La Cour écarte cette interprétation jugeant qu’au regard des exigences de primauté, d’unité et d’effectivité, les standards nationaux ne peuvent pas compromettre le droit de l’Union et le niveau de protection prévue par la Charte.
La conciliation des ordres juridiques nationaux et communautaire dans le domaine de la protection des droits fondamentaux se révèle plus complexe que prévu au regard des renvois préjudiciels dont est saisie la Cour de justice. En l’espèce, c’est l’interprétation de l’article 53 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne qui a été au cœur du questionnement, le juge national souhaitant s’appuyer sur cette disposition pour écarter l’exécution d’un mandat d’arrêt européen au nom de la préservation des standards nationaux. Cependant, la Cour a retenu une interprétation favorable au droit de l’Union, réaffirmant la primauté de ce droit y compris sur les dispositions nationales de nature constitutionnelle, tout en préservant la protection des droits fondamentaux mais au regard des standards de la Charte.
En l’espèce, un citoyen italien avait été condamné par défaut par une juridiction italienne. L’Italie a alors émis un mandat d’arrêt européen à l’encontre de celui-ci qui se trouvait en Espagne. Le condamné a alors contesté l’exécution du mandat au motif que l’Italie portait atteinte aux droits de la défense et au droit au procès équitable, étant donné que le procès ne pouvait être révisé. La Cour constitutionnelle espagnole face à ces moyens a demandé à la Cour de justice si elle pouvait subordonner la remise du requérant à la possibilité que la condamnation soit révisée comme l’exige la jurisprudence constitutionnelle espagnole, en s’appuyant sur l’article 53 de la Charte.
La Cour a articulé son raisonnement en deux temps pour préserver la primauté du droit de l’Union et s’assurer que les garanties des droits de la défense et du procès équitable étaient effectives.
Dans un premier temps, la Cour de justice a examiné les conditions de mise en œuvre du mandat d’arrêt européen, qui repose sur une décision-cadre de 2002. Ce système tend à faciliter la coopération judiciaire entre les États membres, notamment pour la remise des personnes condamnées. La Cour juge que la décision-cadre protège les droits de la défense et le droit au procès équitable, conformément au contenu de la Charte, étant donné qu’une condamnation par défaut ne peut être reconnue par le droit de l’Union que si elle respecte certaines exigences comme la connaissance par la personne en temps utile de son procès ou de la possibilité pour elle de désigner un défenseur. Dès lors que ces garanties sont respectées, il n’est pas possible pour un État de conditionner l’exécution du mandat d’arrêt européen à la révision du procès. Une autre solution conduirait à remettre en cause l’efficacité du mandat.
Dans un second temps, la Cour se prononce sur l’interprétation de l’article 53 de la Charte. Elle écarte la possibilité pour le droit constitutionnel national, y compris relatif aux droits fondamentaux, de mettre en échec un acte de droit dérivé, ici, un mandat d’arrêt européen. Peu importe que les standards nationaux soient d’un niveau supérieur à la Charte des droits fondamentaux. Si les standards nationaux ne doivent pas compromettre le niveau de protection de la Charte, ils ne peuvent également constituer un obstacle à la primauté, à l’unité et à l’effectivité du droit de l’Union. La Charte devient ainsi le standard de protection dès lors qu’est mis en œuvre le droit de l’Union. Dans le doute, le juge national peut seulement poser une question préjudicielle en validité, la Cour étant la seule à pouvoir se prononcer sur la légalité d’une norme de l’Union (CJCE 22 oct. 1987, Foto- Frost c/Hauptzollant Lübeck-Ost).
CJUE, gde ch., 26 févr. 2013, Stephano Melloni c/ Ministerio Fiscal, C-399/11
Références
■ Charte des droits fondamentaux de l’UE
Article 47 - Droit à un recours effectif et à accéder à un tribunal impartial
« Toute personne dont les droits et libertés garantis par le droit de l'Union ont été violés a droit à un recours effectif devant un tribunal dans le respect des conditions prévues au présent article.
Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable par un tribunal indépendant et impartial, établi préalablement par la loi. Toute personne a la possibilité de se faire conseiller, défendre et représenter.
Une aide juridictionnelle est accordée à ceux qui ne disposent pas de ressources suffisantes, dans la mesure où cette aide serait nécessaire pour assurer l'effectivité de l'accès à la justice. »
Article 48 - Présomption d'innocence et droits de la défense
« 1. Tout accusé est présumé innocent jusqu'à ce que sa culpabilité ait été légalement établie.
2. Le respect des droits de la défense est garanti à tout accusé. »
Article 53 - Niveau de protection
« Aucune disposition de la présente Charte ne doit être interprétée comme limitant ou portant atteinte aux droits de l'homme et libertés fondamentales reconnus, dans leur champ d'application respectif, par le droit de l'Union, le droit international et les conventions internationales auxquelles sont parties l'Union, ou tous les États membres, et notamment la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales, ainsi que par les constitutions des États membres. »
■ CJCE 22 oct. 1987, Foto- Frost c/Hauptzollant Lübeck-Ost, aff. 314/87, Rec. 1987, p. 4199.
Autres À la une
-
Droit des obligations
[ 5 décembre 2024 ]
Location financière : nullité du contrat pour défaut de contrepartie personnelle du dirigeant
-
Droit de la santé
[ 4 décembre 2024 ]
Précisions sur l’indemnisation des dommages imputables aux vaccinations obligatoires
-
Droit des biens
[ 3 décembre 2024 ]
Possession versus propriété : la prescription acquisitive trentenaire l’emporte sur le titre publié
-
Droit bancaire - droit du crédit
[ 2 décembre 2024 ]
Le dirigeant avalisant un billet à ordre par une double signature associée au cachet de la société ne s’engage pas personnellement
-
Introduction au droit
[ 29 novembre 2024 ]
Point sur la charge de la preuve
- >> Toutes les actualités À la une