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Droit administratif général
Une sculpture commandée à un artiste pour une aire d’autoroute est un ouvrage accessoire à l’autoroute
Mots-clefs : Marché de travaux publics, Autoroute, Société concessionnaire, Œuvre d’art
Le Tribunal des conflits affirme le caractère administratif du contrat liant une société d'autoroute avec l'artiste chargé de réaliser une œuvre d'art sur cette autoroute
L’arrêt de la 1re chambre civile de la Cour de cassation du 17 février 2010 apporte une précision intéressante supplémentaire à la construction jurisprudentielle née avec l’arrêt Peyrot, du Tribunal des conflits du 8 juillet 1963, selon lequel « quelles que soient les modalités adoptées pour la construction d’une autoroute, les marchés passés avec les entrepreneurs par l’administration ou par son concessionnaire ont le caractère de marchés de travaux publics », et tout litige se rapportant à ces marchés relève de la juridiction administrative.
En l’espèce, une société concessionnaire d’autoroute — société anonyme de droit privé — avait commandé à une artiste la réalisation d’une sculpture destinée à être implantée sur une aire de service. La question se posait donc de savoir si le contrat liant la société concessionnaire et l’artiste était de droit privé ou de droit public, et quelle juridiction devait être saisie en cas de litige.
Le principe classique est qu’un contrat entre deux personnes privées ne peut pas être administratif, quels que soient son objet et son contenu. Il en est ainsi pour les contrats des sociétés concessionnaires d’autoroute portant sur des travaux ne concernant pas directement les ouvrages principaux ou accessoires de l’autoroute (v. CE, 9 févr. 1994, SAPRR) et d’autant plus pour ceux qui ne portent pas sur des travaux.
En l’espèce, les juges du fond avaient retenu que l’élévation d’une statue ne pouvait être « considérée comme un accessoire indispensable au fonctionnement de l’autoroute de sorte qu’en passant ce marché d’étude la société n’avait pas agi en qualité de délégataire de puissance publique ». Ainsi, le contrat n’avait pas pour objet un ouvrage spécifiquement autoroutier, ni n’avait porté « précisément et directement » sur la réalisation de travaux autoroutiers. La statue ne constituait pas un accessoire indispensable, ni le complément indissociable de cette autoroute, nécessaire à son fonctionnement.
La Cour de cassation balaie ce raisonnement et, sans rechercher si la statue est ou non une annexe directement nécessaire à son fonctionnement, relève que, par obligation réglementaire, la société concessionnaire doit consacrer une certaine somme à la réalisation d’une œuvre conçue par un artiste. Celle-ci doit donc, « quelle que soit sa fonction, s’analyser comme un ouvrage accessoire à l’autoroute, dont le contrat conclu à cette fin [a] un caractère administratif ». Les juridictions administratives étaient donc compétentes.
Sont (une fois de plus) confirmées les difficultés d'application de la dualité de juridictions s'agissant, par exemple, de la construction des autoroutes (v. obs. Terneyre).
Civ. 1re, 17 févr. 2010, n° 08-11.896, FS-P+B
Références
« Juridiction la plus haute après le Conseil constitutionnel, placée au-dessus des deux ordres pour juger les conflits de compétence entre les deux ordres de juridictions et, aussi, pour régler les contrariétés de jugements rendus à propos de la même affaire par un juge judiciaire et un juge administratif (loi du 24 mai 1872, art. 25).
Le tribunal des conflits est composé paritairement de membres du Conseil d’État et de la Cour de cassation et présidée par le ministre de la Justice. En pratique celui-ci siège seulement dans les cas où il faut départager des opinions qui s’opposent en nombre égal (“vider le conflit”). »
« Il existe plusieurs variétés de concessions, présentées ci-après, mais qui toutes correspondent à un contrat passé entre une personne publique qui est le concédant (État, collectivités territoriales) et une personne de droit privé ou de droit public (le concessionnaire).
1° Concession de service public : mode de gestion d’un service public consistant à confier la gestion à un concessionnaire recruté contractuellement agissant à ses risques et rémunéré par des perceptions prélevées sur les usagers.
2° Concession de travaux publics : procédé de réalisation d’un ouvrage public dans lequel le concessionnaire le finance et le réalise et se rémunère sur les usagers en l’exploitant à titre onéreux pendant un temps déterminé (ex. : autoroutes à péage).
3° Concession d’occupation du domaine public : contrat de droit administratif conférant à son bénéficiaire, moyennant rémunération, le droit d’utiliser privativement une partie plus ou moins étendue du domaine public. »
« La puissance publique : expression floue, désignant dans son sens le plus général l’ensemble des personnes publiques.
Le recours à cette terminologie procède des conceptions les plus anciennes en matière d’État, qui voient en celui-ci non une organisation de services publics voués à la satisfaction des besoins généraux de la collectivité, mais une entité supérieure par essence aux individus et possédant un pouvoir de souveraineté sur ceux-ci. »
« Principe d’organisation du système juridictionnel français, ayant valeur constitutionnelle, selon lequel il existe deux catégories (dites : “ordres”) de juridictions :
- des juridictions administratives, dont la juridiction suprême est le Conseil d’État, chargées de connaître de la plupart des litiges dans lesquels sont en cause l’État ou les autres collectivités publiques;
- des juridictions judiciaires, pour le reste, dont la juridiction suprême est la Cour de cassation.
Les conflits de compétence pouvant surgir entre les deux ordres de juridictions sont tranchés par le Tribunal des conflits. »
Source : Lexique des termes juridiques 2010, 17e éd., Dalloz, 2009.
■ Tribunal des conflits, 8 juill. 1963, Société Peyrot, n° 01804.
■ CE, 9 févr. 1994, SAPRR, n° 126485, Rec. 63, D. 1995. 121, obs. Terneyre.
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