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Libertés fondamentales - droits de l'homme
Usage de la force lors d’un contrôle d’identité : la France a méconnu l’article 3 Conv. edh
Mots-clefs : Contrôle d’identité, Commissariat, Mineur, Police (usage de la force), Traitement inhumain ou dégradant, Victime (qualité, réparation)
Par un arrêt Darraj contre France, la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) condamne la France pour violation de l’article 3 (interdiction des traitements inhumains ou dégradants) en raison de la force disproportionnée déployée à l’encontre d’un mineur lors d’une vérification d’identité au commissariat.
Les faits étaient les suivants. Un mineur de 16 ans avait été emmené au commissariat pour un contrôle d’identité et en était ressorti, deux heures plus tard, avec de multiples blessures occasionnant vingt-et-un jours d’incapacité totale de travail, dont une fracture testiculaire. Pendant l’enquête, il avait indiqué avoir reçu des coups après avoir refusé d’être menotté. Les policiers, de leur côté, avaient affirmé avoir dû le plaquer au sol pour le maîtriser et donner des coups de genoux uniquement pour se protéger. Deux d’entre eux avaient été condamnés, mais pour la seule contravention de blessures involontaires, et l’indemnisation de la victime avait été est réduite de moitié en raison de sa participation à la réalisation de son préjudice. La requête était fondée sur les articles 3 (interdiction des traitements inhumains ou dégradants) et 5, § 1, c (droit à la liberté et à la sûreté) de la Convention.
Appliquant les principes issus de sa jurisprudence relative à l’article 3, la Cour européenne indique qu’« il ne peut être contesté que les lésions subies par le requérant […] ont atteint un seuil de gravité suffisant pour tomber sous le coup de [cet] article » (§ 38 ; v. CEDH 1er avr. 2004, Rivas c. France, § 59). Recherchant alors si la force utilisée était nécessaire et proportionnée, elle émet de « sérieux doutes quant à la nécessité de menotter le requérant [qui n'était pas placé en garde à vue], celui-ci ne s’étant montré ni agressif, ni dangereux, ni même agité avant le menottage » (§ 41 ; v. mutatis mutandis, CEDH 26 janv. 2010, Nita c. Roumanie, §§ 34 et 38), et considère que « si l’agitation du requérant pouvait conduire les fonctionnaires à exercer une forme de contrainte pour éviter d’éventuels débordements, […] il n’existait aucun risque impérieux et imminent pouvant justifier l’emploi d’une telle force par les policiers » (§ 42). Dès lors, « les actes dénoncés étaient de nature à engendrer des douleurs ou des souffrances physiques et mentales chez le requérant et, compte tenu de son âge et du stress post-traumatique constaté, à créer également des sentiments de peur, d’angoisse et d’infériorité propres à humilier, avilir et briser éventuellement sa résistance physique et mentale » (§ 44).
Ces éléments amènent la Cour à considérer que les traitements subis ont revêtu un caractère inhumain et dégradant. Les faits ayant donné lieu à une procédure judiciaire interne, celle-ci devait encore déterminer si le requérant pouvait toujours se prétendre victime d'une violation de la Convention. Se référant à l'arrêt Gäfgen contre Allemagne (CEDH, gde ch., 1er juin 2010, §§ 115 à 119), elle conclut par l'affirmative dès lors qu'« une condamnation à des amendes contraventionnelles de 800 € ne saurait être tenue pour une réaction adéquate à une violation de l'article 3, même si on la situe dans la pratique de l'État défendeur en matière de condamnation » (§ 49), et que « la somme octroyée au requérant en réparation du préjudice subi est [trois fois] inférieure au montant généralement octroyé par la Cour dans des affaires où elle a conclu à une violation de l'article 3 » (§ 50).
CEDH 4 nov. 2010, Darraj c. France, n° 34588/07
Références
■ CEDH 1er avr. 2004, Rivas c. France, req. n° 59584/00.
■ CEDH 26 janv. 2010, Nita c. Roumanie, req. n° 24202/07.
■ CEDH, gde ch., 1er juin 2010, Gäfgen c. Allemagne, n° 22978/05.
■ Convention européenne des droits de l’homme
Article 3 - Interdiction de la torture
« Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. »
Article 5 § 1, c - Droit à la liberté et à la sûreté
« 1. Toute personne a droit à la liberté et à la sûreté. Nul ne peut être privé de sa liberté, sauf dans les cas suivants et selon les voies légales :
(…)
c) s'il a été arrêté et détenu en vue d'être conduit devant l'autorité judiciaire compétente, lorsqu'il y a des raisons plausibles de soupçonner qu'il a commis une infraction ou qu'il y a des motifs raisonnables de croire à la nécessité de l'empêcher de commettre une infraction ou de s'enfuir après l'accomplissement de celle-ci ;
(…) »
■ Mutatis mutandis, Servandis servatis
« Littéralement : “ En changeant ce qui doit être changé ”, “ En conservant ce qui doit être conservé ”.
La formule sert à établir la comparaison pour traduire le rapprochement entre deux règles qui poursuivent la même finalité (servatis servandis) mais à travers des mécanismes qui n’en diffèrent pas moins (mutatis mutandis).
Les choses changées qui devaient être changées : applicabilité d’une règle à un cas analogue à la condition nécessaire d’une adaptation. »
Lexique des termes juridiques 2011, 18e éd., Dalloz, 2010.
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