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Libertés fondamentales - droits de l'homme
Usage disproportionné de la force par des agents SNCF : Condamnation de la France
Mots-clefs : Traitements inhumains ou dégradants, Interpellation brutale, Dommages corporels, Procédure.
L’arrêt rendu par la Cour le 15 juillet dernier est une illustration de sa jurisprudence classique en matière d’interdiction des traitements inhumains ou dégradants dans le cadre d’interpellations policières. Ainsi, lorsqu’un individu est en bonne santé avant une arrestation ou une garde à vue et qu’il ne l’est plus après, il appartient à l’État de fournir des explications plausibles au soutien de l’absence de mauvais traitements et de mener une enquête effective sur les circonstances.
Les faits à l’origine de l’arrêt étaient les suivants : à la suite d’une interpellation brutale d’un individu suspecté de jeter des cailloux sur les trains, par des agents du service de surveillance générale de la SNCF, suivi d’un placement en garde à vue, le requérant subit de sérieux dommages corporels le plongeant dans le coma puis le confinant dans un fauteuil.
L'article 3 de la Convention européenne des droits de l’homme consacre un droit absolu, intangible, à l'interdiction de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants. Cette disposition fait peser des obligations positives à la charge des États : une obligation positive substantielle et une obligation positive procédurale. En l’espèce, si la Cour européenne des droits de l’homme condamne la France pour la violation matérielle de l'article 3, elle constate en revanche, la non-violation de l'article 3 de la Convention sur le volet procédural.
■ Sur le volet matériel de l’article 3
Selon la jurisprudence classique de la Cour européenne, lorsque les événements en cause sont connus exclusivement des autorités, tout dommage corporel survenu donne lieu à de fortes présomptions de fait. La charge de la preuve pèse dans ce cas sur les autorités, qui doivent fournir une explication satisfaisante et convaincante sur l’origine des blessures. La Cour précise que les allégations du requérant doivent être « prouvées au-delà de tout doute raisonnable, sachant qu’une telle preuve peut résulter d’un faisceau d’indices suffisamment graves, précis et concordants » (CEDH, 18 janv. 1978, Irlande c/ Royaume-Uni, n° 5310/71, § 161 ; CEDH, gr. ch, 28 juill. 1999, Selmouni c/ France, n° 25803/94, § 88). La Cour, très protectrice des droits de l’individu, pose une présomption de causalité à la charge de l’État défendeur. En l’espèce, la condamnation de la France résulte du fait que les investigations menées sur l’origine des lésions subies par le requérant ont conduit à la réunion « d’éléments contradictoires et troublants » (§122). L’hypothèse de lésions attribuées à des évènements antérieurs à l’interpellation du requérant n’est pas suffisamment étayée pour être convaincante selon les juges de Strasbourg.
■ Sur le volet procédural
Une obligation positive procédurale de même nature que celle reconnue sous l’article 2 de la Convention européenne des droits de l’homme est imposée aux États : mener une enquête dans les affaires où des agents ou organes de l’État sont impliqués afin de garantir que ceux-ci aient à rendre des comptes au sujet des mauvais traitements survenus sous leur responsabilités. Une telle enquête doit être indépendance, être menée avec célérité et diligence, être effective et efficace. En l’espèce, la Cour relève qu’une enquête de flagrance puis une information judiciaire furent rapidement et successivement ouvertes. Au cours des quatre années d'investigations de nombreux actes furent réalisés (mises en examen, quatre expertises, placement en détention provisoire, auditions de plusieurs témoins). La Cour conclut donc que des diligences raisonnables ont été menées par les autorités d'enquête et constate la non-violation de l'article 3 de la Convention.
CEDH, 16 juillet 2015, Ghedir et autres c/ France, n° 20579/12.
Références
■ Convention européenne des droits de l’homme
Article 2
« Droit à la vie. 1. Le droit de toute personne à la vie est protégé par la loi. La mort ne peut être infligée à quiconque intentionnellement, sauf en exécution d’une sentence capitale prononcée par un tribunal au cas où le délit est puni de cette peine par la loi.
2. La mort n’est pas considérée comme infligée en violation de cet article dans les cas où elle résulterait d’un recours à la force rendu absolument nécessaire :
a) pour assurer la défense de toute personne contre la violence illégale ;
b) pour effectuer une arrestation régulière ou pour empêcher l’évasion d’une personne régulièrement détenue ;
c) pour réprimer, conformément à la loi, une émeute ou une insurrection. »
Article 3
« Interdiction de la torture. Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. »
■ CEDH, 18 janv. 1978, Irlande c/ Royaume-Uni, n° 5310/71.
■ CEDH, gr. ch, 28 juill. 1999, Selmouni c/ France, n° 25803/94, RTD civ. 1999. 911, obs. J.-P. Marguénaud, JCP G 1999, II, 10193, obs. F. Sudre.
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