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Droit pénal spécial
Usage illicite de produits stupéfiants et détention de tels produits : qualifications incompatibles ?
Mots-clefs : Stupéfiant, Consommation, Détention, Cumul de qualification
Les dispositions de l'article L. 3421-1 du Code de la santé publique, incriminant l'usage illicite de produits stupéfiants, excluent l’application de l’article 222-37 du Code pénal, incriminant la détention de tels produits, s’il est établi que les substances détenues étaient exclusivement destinées à la consommation personnelle du prévenu.
La lutte contre le trafic et la consommation de stupéfiants a engendré la mise en place d'un large dispositif législatif d’incriminations. Si les qualifications relatives au trafic de stupéfiants, telle que la détention (C. pén., art. 222-37) figurent dans le Code pénal, celle relative à l’usage illicite se trouve dans le Code de la santé publique (CSP, art. L. 3421-1). L'atteinte au droit de la personne de disposer d'elle-même, qui résulte de l'interdiction pénalement sanctionnée de faire usage de produits stupéfiants, est justifiée par des impératifs de protection de la santé publique et de la sécurité publique (Crim. 30 nov. 2011, non-renvoi de la QPC).
Cette prolifération de qualifications a pour conséquence que certaines peuvent se recouper et pose la question d’un concours de qualification. C’est tout l’objet de la QPC posée par une personne poursuivie pour détention non autorisée et usage illicite de stupéfiants, en récidive et transmise à la chambre criminelle par le tribunal correctionnel d’Orléans.
La question était la suivante : « Les articles 222-37 du code pénal et L. 3421-1 du code de la santé publique ne définissant pas la détention et/ou ne précisant pas que la consommation de produits stupéfiants emporte nécessairement détention desdits produits, ces dispositions portent-elles atteinte au principe de légalité des délits et des peines, au principe de l'égalité et de prévisibilité des peines, au principe de proportionnalité des peines ? »
Déniant le caractère sérieux de la question, la Cour de cassation refuse de la transmettre au Conseil constitutionnel au motif que « les dispositions spéciales de l'article L. 3421-1 du code de la santé publique, incriminant l'usage illicite de produits stupéfiants, excluent l’application de l’article 222-37 du code pénal, incriminant la détention de tels produits, s’il est établi que les substances détenues étaient exclusivement destinées à la consommation personnelle du prévenu ».
Si d’un point de vue pratique, le fait de consommer implique nécessairement une détention du produit stupéfiant, en revanche, sur un plan juridique, la détention n’est pas un élément constitutif de l’usage illicite, cette infraction supposant la réunion de deux éléments : une absorption intentionnelle et illicite, d'une substance stupéfiante.
Ainsi selon la quantité de stupéfiants détenue par l'usager, il conviendra d'exercer les poursuites :
– soit seulement pour consommation illicite, dès lors que les substances détenues sont destinées à l'usage exclusif de la personne ;
– soit des chefs d’usage illicite et de détention au sens de l’article 222-37 du Code pénal, si les substances détenues ne sont pas destinées uniquement à l'usage personnel exclusif.
Au parquet et à la juridiction de jugement d’apprécier dans chaque cas d'espèce.
La solution retenue par la Cour de cassation est classique. Déjà, des circulaires anciennes indiquaient « que l'incrimination de l'ancien article L. 628 du code de la santé publique [article L. 3421-1 actuel] couvre également les faits d'acquisition, de détention ou de transport de stupéfiants lorsqu'il est établi que ces substances acquises, détenues ou transportées sont destinées à l'usage exclusif de la personne concernée (Cir. n°71-8 du garde des Sceaux du 25 août 1971, et Cir. n°73-11du 30 mars 1973).
Crim. 16 sept. 2014, 14-90.036
Références
■ Crim. 30 nov. 2011, n° 11-87.213.
■ Article 222-37 du Code pénal
« Le transport, la détention, l'offre, la cession, l'acquisition ou l'emploi illicites de stupéfiants sont punis de dix ans d'emprisonnement et de 7 500 000 euros d'amende.
Est puni des mêmes peines le fait de faciliter, par quelque moyen que ce soit, l'usage illicite de stupéfiants, de se faire délivrer des stupéfiants au moyen d'ordonnances fictives ou de complaisance, ou de délivrer des stupéfiants sur la présentation de telles ordonnances en connaissant leur caractère fictif ou complaisant.
Les deux premiers alinéas de l'article 132-23 relatif à la période de sûreté sont applicables aux infractions prévues par le présent article. »
■ Article L. 3421-1 du Code de la santé publique
« L'usage illicite de l'une des substances ou plantes classées comme stupéfiants est puni d'un an d'emprisonnement et de 3750 euros d'amende.
Les personnes coupables de ce délit encourent également, à titre de peine complémentaire, l'obligation d'accomplir un stage de sensibilisation aux dangers de l'usage de produits stupéfiants, selon les modalités fixées à l'article 131-35-1 du code pénal.
Si l'infraction est commise dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions par une personne dépositaire de l'autorité publique ou chargée d'une mission de service public, ou par le personnel d'une entreprise de transport terrestre, maritime ou aérien, de marchandises ou de voyageurs exerçant des fonctions mettant en cause la sécurité du transport dont la liste est fixée par décret en Conseil d'Etat, les peines sont portées à cinq ans d'emprisonnement et à 75 000 euros d'amende. Pour l'application du présent alinéa, sont assimilés au personnel d'une entreprise de transport les travailleurs mis à la disposition de l'entreprise de transport par une entreprise extérieure. »
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