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Droit des obligations
Valeur contractuelle des documents publicitaires
Les documents publicitaires peuvent avoir une valeur contractuelle dès lors que, suffisamment précis et détaillés, ils ont influencé le consentement du cocontractant.
A l’occasion d’un salon consacré à l’équipement des entreprises de pompes funèbres, une société spécialisée avait acquis, après avoir pris connaissance du document publicitaire le décrivant, un fourgon funéraire. S’étant prévalue d’un défaut de conformité du véhicule aux caractéristiques figurant sur la plaquette publicitaire, elle avait ensuite demandé la résolution de cette vente. Le vendeur fit grief à la juridiction d’appel d’avoir prononcé la résolution demandée au moyen que seule la non-conformité de la chose vendue aux spécifications contractuelles est susceptible de constituer un manquement du vendeur à son obligation de délivrance conforme justifiant la résolution judiciaire du contrat; or en l’espèce, l’acte de vente ne comportait aucune caractéristique particulière du véhicule vendu et les documents publicitaires, à supposer qu’ils puissent avoir une valeur contractuelle, ne présentaient pas la précision et le détail suffisants pour considérer qu’ils aient pu influencer le consentement de l’acheteuse, professionnelle avertie.
Faute de stipulations contractuelles spécifiant les caractéristiques du bien vendu, l’action en résolution de la vente pour défaut de conformité ne pouvait donc, selon le demandeur au pourvoi, prospérer. Elle devait bien aboutir, juge au contraire la Cour de cassation, qui rejette son pourvoi au motif que la juridiction d’appel, ayant relevé d’une part que la vente du véhicule litigieux avait été conclue lors d’un événement spécialisé, au vu d’une plaquette publicitaire exposant, sur six pages, des photographies du bien litigieux mettant en évidence les caractéristiques recherchées par l’acheteuse et d’autre part, que l’acte de vente n’avait fait mention d’aucune caractéristique particulière du véhicule, il ressortait ainsi des constatations effectuées que le document publicitaire, précis et détaillé, avait déterminé le consentement de la défenderesse à contracter et, partant, avait une valeur contractuelle justifiant que sa demande en résolution de la vente, fondée sur le manquement du vendeur à son obligation de délivrance conforme de la chose vendue, eût été accueillie.
La Cour rappelle que des documents publicitaires peuvent avoir valeur contractuelle, dès lors qu’ils sont suffisamment précis et détaillés pour avoir exercé une influence déterminante sur le consentement du cocontractant (V. notam. Civ. 1re, 6 mai 2010, n° 08-14.461, à propos d’un contrat d’enseignement).
Ancienne et constante, cette solution consiste à prendre en compte, dans l’analyse de l’étendue des obligations contractuelles, les documents publicitaires du professionnel, du moins ceux ayant été effectivement remis à son cocontractant (catalogue, brochure, plaquette, dépliant, mais non les affiches ni les publicités diffusées dans les médias, V. F. Labarthe, La notion de document contractuel, LGDJ, n° 136 s.). Autrement dit, le message publicitaire engage celui qui le délivre : même s’il en reste, formellement, extérieur, son contenu est comme intégré au contrat, s’agrégeant à l’acte à l’instar d’une annexe ou d’un avenant, à la condition, en l’espèce rappelée, que le contrat ne contienne pas de stipulations contradictoires ou inverses (Civ. 1re, 2 oct. 2001, n° 99-16.329).
Techniquement, l’analyse repose sur l’assimilation du message publicitaire, suffisamment précis et ferme, à une offre de contracter dont l’acceptation par le client engage l’annonceur, de sorte que les termes du document publicitaire s’intègrent naturellement au contenu du contrat définitif (Com. 2 juill. 1991, n° 89-18.550 ; V. Ph. Le Tourneau, Droit de la responsabilité et des contrats, Dalloz Action, n° 3713).
La généralité de la solution adoptée par la Cour de cassation, l’étendue comme la variété de son champ d’application (en matière immobilière, V. Civ. 3e, 2 avr.1979, n° 77-12.919 ; Civ. 3e, 17 juill. 1997, n° 95-19.166 ; en matière mobilière, à propos d’appareils divers, V. notam. Civ. 1re, 18 mai 1966; Com. 17 juin 1997, n° 95-11.164, concernant une machine à libeller les chèques dont un dépliant garantissait, à tort, le caractère infalsifiable ; Com. 5 nov. 1991, n° 89-18.329 ; Com. 25 oct. 1994, n° 93-10.184, concernant du matériel et logiciels informatiques ; pour d’autres illustrations, V. Ph. Le Tourneau, Droit de la responsabilité et des contrats, op.cit., n° 3714), ainsi que la force de sa portée, liée à l’omniprésence de la publicité, dont le seul objectif consiste à influencer le consentement des consommateurs ou clients potentiels, à la diversité de ses supports et au pullulement des sites internet, méritent d’être soulignées, d’autant plus que les décisions qui la rappellent sont, comme celle rapportée, rarement publiées.
A la condition d’être suffisamment précise et détaillée, la publicité constitue donc un engagement contractuel obligeant son auteur, pour s’y conformer, à ne point trop trahir la réalité de ce qu’il promeut.
Com. 14 nov. 2019, n° 18-16.807
Références
■ Civ. 1re, 6 mai 2010, n° 08-14.461 : D. 2011. 472, obs. S. Amrani-Mekki et B. Fauvarque-Cosson ; RTD civ. 2010. 580, obs. P.-Y. Gautier
■ Civ. 1re, 2 oct. 2001, n° 99-16.329
■ Com. 2 juill. 1991, n° 89-18.550
■ Civ. 3e, 2 avr.1979, n° 77-12.919
■ Civ. 3e, 17 juill. 1997, n° 95-19.166 P : D. 1997. 207 ; RTD civ. 1998. 363, obs. J. Mestre
■ Civ. 1re, 18 mai 1966, Bull. civ. I, n° 308
■ Com. 17 juin 1997, n° 95-11.164 P : D. 1998. 248, note G. Pignarre et G. Paisant ; RTD civ. 1998. 363, obs. J. Mestre
■ Com. 5 nov. 1991, n° 89-18.329
■ Com. 25 oct. 1994, n° 93-10.184
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