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Droit des obligations
Valeur et force probante de l’aveu judiciaire
Mots-clefs : Civil, Preuve, Aveu judiciaire, Valeur probante, Force probante
La reconnaissance par le vendeur, dans ses conclusions d’appel, de la réalisation effective de certains travaux, est susceptible de constituer un aveu judiciaire de l’existence d’un engagement à sa charge.
Par acte authentique, une SCI avait vendu à un particulier une maison d'habitation. Soutenant qu'un certain nombre de travaux, que la venderesse s'était engagée à effectuer aux termes de la promesse de vente, n'avaient pas été réalisés, l’acquéreur avait assigné la SCI en paiement de diverses sommes. La cour d’appel rejeta sa demande au motif que, comme devant le premier juge, l’acquéreur n’avait pas versé aux débats le prétendu « compromis » de vente signé de la SCI listant les travaux litigieux, et contestés par cette dernière, en sorte que l'engagement allégué n’était pas démontré, d'autant plus que les termes de l'acte authentique révélaient que l'acquéreur avait pris l'immeuble dans l'état où il se trouvait, sans recours, malgré le mauvais état du bien et qu'à l'évidence, si les travaux réalisés avaient été affectés des désordres allégués, l’acquéreur n'aurait pas manqué de le mentionner devant le notaire au lieu d'accepter de signer un acte comportant une telle clause.
Au visa de l’article 1356 du Code civil, cette analyse est rejetée par la Cour de cassation, reprochant aux juges du fond de ne pas avoir donné de base légale à leur décision en s’étant abstenus de rechercher, comme il le leur avait été pourtant demandé, si la reconnaissance par la venderesse, dans ses conclusions, de ce que « les travaux ont été réellement effectués et réglés par (elle) » ne constituait pas un aveu judiciaire de l'existence d'un engagement à sa charge.
Le Code civil reconnaît et réglemente cinq modes de preuve : la preuve littérale, la preuve testimoniale, les présomptions, l’aveu et le serment. Peu employé, relativement ignoré par la doctrine, l’aveu ne devrait pourtant pas être ainsi négligé compte tenu de sa valeur et de sa force probatoire : en effet, non seulement l’aveu permet d’apporter la preuve d’un acte juridique par exception aux règles édictées par l’article 1341 du Code civil, mais encore fait-il pleine foi contre celui qui avoue. Au cœur de la décision rapportée, ce qui confère à celle-ci tout son intérêt, l’aveu, lorsqu’il est judiciaire, consiste pour un plaideur à reconnaître pour vrai, de manière non équivoque, un fait de nature à produire contre lui des conséquences juridiques (Civ. 3e, 4 mai 1976). « Déclaration par laquelle une personne reconnaît pour vrai, et comme devant être tenu pour avéré à son égard, un fait de nature à produire contre elle des conséquences juridiques » (Aubry et Rau, T XII, 6e éd., § 751), l’aveu judiciaire intervient donc au cours du procès, devant la juridiction appelée à trancher le litige, le sort du procès dépendant d’une telle déclaration.
Ce type d’aveu se distingue de l’aveu extrajudiciaire, exprimé soit hors de tout procès, soit au cours d’un procès différent de celui qui oppose les plaideurs. L’aveu judiciaire peut être oral ou écrit. En l’espèce, il résultait des conclusions d’appel de la venderesse, que les travaux avaient bien été effectués et réglés par elle.
Or l’aveu judiciaire a une force probante remarquable, puisqu’il constitue une preuve complète. En effet, l’article 1356 du Code civil dispose que l’aveu judiciaire « fait pleine foi contre celui qui l’a fait », en sorte que le juge est lié par l’aveu ; il s’impose au juge, qui doit tenir pour exacts les faits avoués (A. Marais, Introduction au droit, Vuibert, n° 291, p. 217). C’est précisément la raison pour laquelle la décision de la cour d’appel est ici censurée : les juges du fond ont à tort manqué de rechercher, alors qu’ils y étaient invités, l’existence d’un aveu judiciaire à partir des écritures déposées par la venderesse, ce qui aurait permis à l’acquéreur d’obtenir que celle-ci remplisse ses obligations (conclusions d'appel, p. 11). En outre, en n'ayant pas répondu aux conclusions de l’acquéreur se prévalant de l'aveu judiciaire de la venderesse, la cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile, qui impose au juge, outre la motivation de sa décision, d’y exposer les prétentions respectives des parties ainsi que leurs moyens, notamment sous la forme d’un visa des conclusions des parties.
« Il n’est point de vainqueur sans l’aveu du vaincu » (Quintus Ennius).
Civ.3e, 10 mars 2016, n°15-10.995
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