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Droit commercial et des affaires
Validité de la clause de bad leaver du salarié actionnaire
Mots-clefs : Sociétés anonymes, Cession de droits sociaux, Clause de bad leaver, Salarié actionnaire, Licenciement, Décote du prix de cession, Validité (oui)
La clause par laquelle le salarié actionnaire s’engage à céder la totalité de ses actions en cas de perte de son emploi est valable malgré la décote du prix de cession en cas de licenciement dès lors que celle-ci ne peut être vue comme une sanction pécuniaire prohibée par le Code du travail.
La clause d'un pacte d'actionnaires conclu entre un salarié détenant des actions de la société qui l'emploie, dont partie lui a été remise à titre gratuit, et la société mère de son employeur, en présence de ce dernier, prévoyant que le salarié promet irrévocablement de céder la totalité de ses actions en cas de perte de cette qualité, pour quelque raison que ce soit, et qu'en cas de cessation de ses fonctions pour cause de licenciement autre que pour faute grave ou lourde, le prix de cession des titres serait le montant évalué à dire d'expert, après abattement de 50 %, ne s'analyse pas en une sanction pécuniaire prohibée, en ce qu'elle ne vise pas à sanctionner un agissement du salarié considéré par l'employeur comme fautif, dès lors qu'elle s'applique également dans toutes les hypothèses de licenciement autre que disciplinaire. Tel est l'enseignement de la décision rapportée.
En l'espèce, une salariée travaillait en qualité de directrice commerciale au sein d’une société. Également associée de cette société, elle avait conclu un pacte avec la société-mère, détentrice de 97 % du capital de l’entreprise dans laquelle elle travaillait. Ce pacte prévoyait que la salariée était tenue de céder la totalité de ses actions en cas de perte de sa qualité de salariée pour quelque cause que ce soit. Il était notamment prévu qu’en cas de cessation de ses fonctions pour cause de licenciement autre que pour faute grave ou lourde, le prix de ses parts sociales serait décoté de 50 %. Licenciée quelques années plus tard, et contrainte de vendre ses parts, elle avait vu le prix de cession diminué de 50 % conformément aux dispositions prévues dans le pacte. Elle avait d’abord contesté ce licenciement devant la juridiction prud'homale, qui l'avait déclaré sans cause réelle et sérieuse, puis contesté l’application de la décote, arguant que la conclusion d’un contrat suppose que les parties y consentent librement, ce qui n’avait, selon elle, pas été le cas dès lors qu’elle était salariée de la société dont elle détenait les titres et qu’elle avait donc été contrainte de conclure le pacte litigieux puisqu’elle se trouvait en état de subordination, et que l'engagement de rétrocéder ses titres à un prix décoté en cas de démission ou de licenciement trouvait sa cause dans l'imputabilité de la rupture contractuelle envisagée, ce qui supposait qu'elle fût licite, contrairement à ce que le conseil des prud’hommes avait jugé, et que l'engagement de rétrocéder ses parts à moindre prix en cas de licenciement, fût-il illicite, constituait une sanction pécuniaire déguisée (C. trav., art. L. 1331-2). Rejetant son pourvoi, la chambre commerciale valide l’application de cette décote, et donc le prix de vente ; la demanderesse ayant conclu le pacte avec la société-mère, laquelle n’était pas son employeur, l’on ne pouvait donc considérer qu’elle l’avait signé en état de subordination mais qu’elle avait au contraire consenti librement à l’insertion de la clause prévoyant une décote de 50 % sur le prix de vente. En outre, la Cour, après avoir recueilli l’avis de la chambre sociale émis le 3 février 2016, énonce par substitution de motifs la solution précitée, jugeant ainsi valable la clause litigieuse.
Dans cette affaire, la chambre commerciale devait juger de la compatibilité d’une clause dite de bad leaver, souscrite par un salarié ayant également la qualité d’actionnaire, avec les règles du droit du travail, plus précisément celles relatives à l’interdiction faite à l’employeur de prononcer des sanctions pécuniaires (C. trav. L. 1331-2 ; V. Social, Mémento pratique, Ed. F. Lefebvre, n° 56150). La solution est fondée sur la généralité de la cause du licenciement faisant naître la promesse de cession des titres, alors que seules les sanctions pécuniaires prononcées par l’employeur en vertu de son pouvoir disciplinaire sont visées par la prohibition du Code du travail. Ainsi la Cour poursuit-elle, pour apprécier la licéité des clauses de bad leaver, une logique purement contractuelle : conformément au droit commun contractuel, les parties à un pacte d’actionnaires sont libres de déterminer les modalités d’évaluation des droits sociaux de l’associé objets de la cession, lorsque ce dernier perd la qualité de salarié ayant présidé à l’attribution de ces actions. En ce sens, la solution est conforme à la nouvelle rédaction de l’article 1843-4 du Code civil (Ord. n° 2014-863 du 31 juill. 2014) qui met à l’honneur la liberté contractuelle en matière de cession de droits sociaux. Sans doute la solution n’aurait-elle pas été la même si la clause avait limité les cas de déclenchement de la cession d’actions, notamment à celui d’un licenciement pour faute, car cela aurait alors signifié qu’elle poursuivait en fait le but de faire peser sur le salarié actionnaire une menace de sanction disciplinaire, ce qui l’aurait entachée d’illicéité.
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