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Droit des obligations
VEFA : confirmation de l’exclusion de la responsabilité contractuelle en cas de désordre apparent
Forclos dans son action en garantie des désordres apparents, l'acquéreur en VEFA ne peut pas agir alternativement sur le fondement de la responsabilité contractuelle de droit commun.
Dans un arrêt rendu le 13 février dernier, la Cour de cassation rappelle que toute action en indemnisation fondée sur des désordres et non-conformités apparents dans le cadre d’une vente en l’état futur d’achèvement (VEFA) relève exclusivement de la garantie prévue aux articles 1642-1 et 1648 du Code civil. Par conséquent, la responsabilité contractuelle de droit commun ne peut être engagée en cas de forclusion de l’action en garantie engagée par l’acquéreur victime d’un défaut de conformité apparent.
Civ. 3e, 13 févr. 2025, n° 23-15.846
Au cas d’espèce, un promoteur immobilier cède en 2015 à un couple d’acquéreurs un appartement et deux places de stationnement en l'état futur d'achèvement. Les biens sont livrés le 10 janvier 2017. Se plaignant de désordres et de non-conformités, le couple sollicite en référé une mesure d'expertise judiciaire, ordonnée le 16 avril 2018. Ils assignent ensuite le promoteur en indemnisation du préjudice subi. Celui-ci leur oppose une fin de non-recevoir tirée de la forclusion de leur action indemnitaire, portant sur la dimension de la place de parking extérieure. La cour d’appel donne raison au promoteur en déclarant l’action des acquéreurs irrecevable pour forclusion, aux motifs que l’action de l’acheteur au titre des désordres et non-conformités apparents relève exclusivement des règles spécifiques et d'ordre public consacrées par les articles 1642-1 et 1648 du Code civil, excluant l'application de la responsabilité contractuelle de droit commun dans ses rapports avec le vendeur d’un bien immobilier en état futur d'achèvement ; elle ajoute qu'en application de l’article 1648, alinéa 2 du Code civil, dans le cas prévu à l'article 1642-1 du Code civil, l’action doit être introduite, à peine de forclusion, dans l’année qui suit la date à laquelle le vendeur peut être déchargé des vices de construction ou des défauts de conformité apparents. En l’espèce forclos dans leur action en garantie, les acquéreurs se voient donc empêchés de recourir à la responsabilité de droit commun pour échapper à l’irrecevabilité de leur action.
Ces derniers forment alors un pourvoi en cassation pour soutenir que leur action, fondée sur un défaut d'information et de conseil lors de la conclusion du contrat, imputable au promoteur qui a sciemment occulté une modification de la consistance du bien vendu au cours des travaux, entre dans le champ d’application de la responsabilité de droit commun : selon les demandeurs, dès lors qu'ils ne demandent pas au promoteur de remédier à une non-conformité apparente, mais qu'ils poursuivent l'indemnisation du préjudice résultant de son manquement à une obligation générale d’information prévue en droit commun, portant sur l’objet du contrat qu’intègre « la consistance du bien », la responsabilité contractuelle de l’article 1231-1 du Code civil peut valablement servir de fondement à leur action en indemnisation. La troisième chambre civile rejette leur pourvoi et approuve les juges du fond d’avoir considéré que le préjudice dont l’indemnisation était demandée résultait directement d'un défaut de conformité découvert par les acquéreurs après la livraison du bien et que la réparation d'une non-conformité apparente, quelle qu'en soit l'origine ou la cause, peut aussi bien être réalisée en nature, par équivalent ou par l'octroi d'un dédommagement du préjudice qu'elle entraîne. La cour d’appel en a ainsi exactement déduit que l'action en indemnisation des acquéreurs relevant de la garantie légale de non-conformité prévue à l'article 1642-1 Code civil, exclusive de la responsabilité contractuelle de droit commun, était irrecevable pour forclusion dès lors qu’elle avait été engagée plus d'un an après l'ordonnance désignant l'expert judiciaire.
En cas de défaut de conformité apparent, la Cour de cassation exclut le cumul de l’action légale spéciale en garantie des désordres et vices apparents de construction et de l’action en responsabilité contractuelle de droit commun (v. déjà, Civ. 3e, 23 mai 2024, n° 22-24.191 ; Civ. 3e, 6 avr. 2022, n° 21-13.179). Justifiant l’exclusion de la responsabilité de droit commun, l’exclusivité de l’action en garantie des défauts apparents de conformité en l’espèce invoqués, fondée l’article 1642-1 du Code civil, s’explique par l’impossibilité d’obliger le vendeur d’immeuble à construire à garantir au-delà des limites résultant des dispositions d’ordre public des articles 1642-1 et 1648 du Code civil (Civ. 3e, 3 juin 2015 n° 14-15.796 et 14-14.706). Celles-ci se substituent donc obligatoirement à la responsabilité de droit commun en cas de non-conformité apparente, observée dans le cadre d’une VEFA. La conséquence majeure de ce refus du cumul des actions réside dans le délai de l’acheteur pour agir : si les dispositions de l’article 1642-1 du Code civil ont pour but de protéger l’acheteur en VEFA en lui permettant d’engager rapidement la responsabilité du vendeur en cas de vices se manifestant peu de temps après la prise de possession de la construction, celles de l’article 1648, enfermant l’action en garantie dans un bref délai d’un an, affaiblissent cette protection de l’acheteur, privé du droit de se prévaloir du délai de droit commun pour engager la responsabilité contractuelle du vendeur en VEFA. Ainsi en l’espèce, les biens ont été livrés en janvier 2017, mais le délai d’un an a été interrompu par une assignation en référé faisant courir un nouveau délai de forclusion de même durée à compter de l’ordonnance (Civ. 3e, 11 juill. 2019, n° 18-17.856). La mesure d’expertise judiciaire étant intervenue en avril 2018 alors que le premier recours des acheteurs fut introduit le 3 juin 2020, la mise en œuvre l’article 1642-1 se trouve forclose (Civ. 3e, 21 juin 2000, n° 99-10.313) pour avoir été engagée plus d’un an après l’ordonnance désignant l’expert judiciaire (Civ. 2e, 18 sept. 2003, n° 01-17.584). Pour échapper à la forclusion de leur action, les acquéreurs avaient alors vainement tenté d’exploiter le fondement du droit commun au titre d’un manquement du promoteur, pris en sa qualité de vendeur, à son obligation générale d’information. C’est sans surprise eu égard à sa jurisprudence antérieure que la Cour de cassation considère que leur demande en réparation, en ce qu'elle porte sur des défauts de conformité apparents à la livraison, relève uniquement de la garantie légale spéciale de l’article 1642-1, justifiant d’exclure, peu important la cause de l’absence de conformité, la responsabilité civile de droit commun. Elle rappelle en ce sens qu’outre la résolution de la vente et la diminution du prix, l’article 1642-1 prévoit que le désordre ou défaut de conformité apparent peut aussi bien faire l’objet d’une réparation en nature que par équivalent, ainsi que d’un dédommagement du préjudice de jouissance (Civ. 3e, 2 mars 2005, n° 03-19.208). Le recours au droit commun n’est donc pas utile pour obtenir la réparation du préjudice résultant d’un défaut apparent de conformité. Son exclusion de principe, soit quelle que soit la source du désordre, n’en reste pas moins dangereuse pour l’acheteur en raison de la stricte limitation temporelle de son action en garantie, d’où l’intérêt de la décision rapportée de lui rappeler la nécessité d’agir promptement après la découverte d’un défaut de conformité ou vice de construction apparent.
Références :
■ Civ. 3e, 23 mai 2024, n° 22-24.191 : D. 2024. 1019 ; ibid. 2025. 267, obs. R. Boffa et M. Mekki ; RDI 2024. 527, obs. J.-P. Tricoire
■ Civ. 3e, 6 avr. 2022, n° 21-13.179 : RDI 2022. 394, obs. J.-P. Tricoire
■ Civ. 3e, 3 juin 2015 n° 14-15.796 et 14-14.706 : D. 2015. 1208 ; ibid. 2016. 449, obs. N. Fricero ; RDI 2015. 400, étude S. Becqué-Ickowicz ; ibid. 414, obs. O. Tournafond et J.-P. Tricoire ; ibid. 422, obs. P. Malinvaud
■ Civ. 3e, 11 juill. 2019, n° 18-17.856 : D. 2019. 1495 ; RDI 2019. 575, obs. M. Faure-Abbad
■ Civ. 3e, 21 juin 2000, n° 99-10.313 : AJDI 2000. 850 ; RDI 2001. 73, obs. C. Saint-Alary-Houin
■ Civ. 2e, 18 sept. 2003, n° 01-17.584 : D. 2003. 2548, et les obs.
■ Civ. 3e, 2 mars 2005, n° 03-19.208 : RDI 2006. 304, obs. O. Tournafond
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