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Droit des obligations
Vente d’immeuble : rappel des diligences imposées aux acquéreurs lors de la visite d’un bien immobilier et mobilisation de la garantie des vices cachés
Dans un arrêt de rejet en date du 15 mars 2018, la Cour de cassation rappelle qu’il n’est pas imposé aux acquéreurs d’un bien immobilier de procéder à des investigations poussées lors de la visite du bien. Elle écarte également la mise en œuvre de la clause de non-garantie lorsque la mauvaise foi du vendeur est avérée. Dès lors, ce dernier ne pouvait échapper à sa condamnation à réparation sur le fondement de la garantie des vices cachés.
Suite à l’acquisition d’une maison d’habitation, les acquéreurs se plaignent, dès le mois suivant, de la survenance d’infiltrations. Ils assignent alors leur vendeur et l’entrepreneur ayant procédé à une réfection partielle de la toiture afin de les voir condamnés au paiement du coût des travaux de reprise et indemnisation de leurs préjudices.
La cour d’appel de Nouméa fait droit à ces demandes et condamne le vendeur, in solidum avec l’entrepreneur, à verser aux acquéreurs diverses sommes.
Le vendeur forme un pourvoi en cassation et développe trois moyens, lesquels seront tous rejetés par la Cour de cassation.
Dans un premier temps, le requérant reproche aux premiers juges d’avoir considéré que les désordres provenant de la toiture constituent un vice caché : la Haute juridiction approuve le raisonnement de la cour d’appel, cette dernière ayant considéré qu’il ne pouvait être imposé aux acquéreurs de s’être rendus sur le toit de la maison à l’aide d’une échelle pour y vérifier l’état de la couverture.
Une telle analyse n’est pas sans rappeler celle retenue par l’Assemblée plénière de la Cour de cassation, laquelle avait, dans une espèce similaire, censuré l’obligation faite à un acquéreur non professionnel d’avoir à mener des investigations approfondies : les acquéreurs se plaignaient de dégradations affectant la charpente et les tuiles de la toiture. La cour d’appel avait rejeté leurs demandes, considérant que ces désordres pouvaient être constatés depuis les combles (dont l’accès était difficile, mais pas impossible) et n’étaient donc pas « cachés » au sens de l’article 1641 du Code civil. L’arrêt avait été cassé, ces motifs étant impropres à caractériser un vice « dont l’acquéreur avait pu se convaincre lui-même » (Cass., ass. plén, 27 oct. 2006, n° 05-18.977 - V. C. civ. art. 1642).
De la même manière donc, et pour éviter la censure, la cour d’appel de Nouméa rappelait qu’il ne peut être reproché aux acquéreurs de n’avoir pas vérifié l’état de la toiture lors de leur visite. S’ils se doivent d’être diligents, ce devoir se limite, à l’évidence, aux vérifications élémentaires (V. obs. Trébulle, Vices cachés : appréciation des diligences devant être accomplies par l'acquéreur, RDI 2007. 256 – à rappr. également de : Civ. 3e, 3 nov. 2011, n° 10-21.052). Elle précisait de surcroît qu’en tout état de cause, l’examen de la toiture n’aurait pas permis aux acquéreurs, en leur qualité de néophytes, d’analyser l’ampleur des désordres affectant la toiture et son caractère non conforme. Ceci renvoie à l’apparence du vice, lequel doit s’être manifesté « dans toutes son ampleur et ses connaissances » pour écarter l’application de la garantie des vices cachés (Civ. 3e, 14 mars 2012, n° 11-10.861).
Dans un deuxième temps, le vendeur fait grief à l’arrêt de dire qu’il avait connaissance de l’état défectueux de la toiture : en effet, la cour d’appel de Nouméa avait relevé que les travaux, réalisés en août 2010, avaient été suivis de la mise en vente du bien en février 2011 et que le descriptif faisant apparaître ladite rénovation avait été transmis aux acquéreurs, de sorte que ceux-ci avaient légitimement pu croire que la toiture était dans un état correct.
Selon la Cour de cassation, les premiers juges ont pu, au regard de l’ensemble de ces éléments, retenir la mauvaise foi du vendeur. En effet, le temps écoulé entre les travaux et la mise en vente du bien permet de déduire qu’il avait « nécessairement » connaissance de la nécessité de reprendre la toiture. Il est toutefois resté taisant sur ces désordres, découverts par les acquéreurs (lesquels avaient été dupés par le descriptif de vente) quelques semaines après leur emménagement.
Sa malhonnêteté ainsi établie, elle l’empêche de se prévaloir de la clause de non-garantie insérée dans l’acte de vente : le vendeur est, sur le fondement de l’article 1641 du Code civil, condamné à verser aux acquéreurs diverses sommes à titre de réparation.
Dans un troisième temps, et sans que cet exposé n’appelle davantage de développement, le requérant conteste sa condamnation prononcée in solidum avec l’entrepreneur (dont le manquement à son devoir de conseil était caractérisé) ainsi que le partage de responsabilité opéré par la cour d’appel (90% pour le vendeur, 10% pour l’entreprise). La Cour de cassation rejette également ce moyen, considérant que les premiers juges avaient parfaitement relevé que les fautes de chacun ont contribué au dommage, dans des proportions relevant de leur appréciation souveraine.
L’arrêt commenté incite ainsi à la prudence : l’obligation de diligence de l’acquéreur se limitant à l’évidence, vendeur et entrepreneur se doivent, s’ils ne veulent pas voir leur responsabilité engagée, de délivrer à leurs cocontractants respectifs une complète et parfaite information sur l’objet de leur engagement.
Civ. 3e, 15 mars 2018, n° 16-23.953
Références
■ Fiche d’orientation Dalloz, Garantie des vices cachés
■ Cass., ass. plén, 27 oct. 2006, n° 05-18.977 P: D. 2006. 2812, obs. I. Gallmeister ; RDI 2007. 256, obs. F. G. Trébulle.
■ Civ. 3e, 3 nov. 2011, n° 10-21.052 P: D. 2011. 2795 ; RTD com. 2012. 185, obs. B. Bouloc.
■ Civ. 3e, 14 mars 2012, n° 11-10.861 P : D. 2012. 876 ; AJDI 2012. 378, obs. F. Cohet-Cordey.
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