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[ 20 février 2018 ] Imprimer

Droit des obligations

Vente d’une chose viciée : précisions sur l’apparence du vice

Mots-clefs : Civil, Vente, Vices cachés, Vice, Notion, Apparence, Ignorance, Garantie, Conditions

Si l’apparence du vice exclut la garantie du vendeur, son ignorance légitime la maintient à moins qu’une clause l’ait exclue et sous réserve de sa bonne foi.

Le vice n’est pas toujours puni. Tel est l’enseignement, désolant pour les vertueux, des deux décisions rapportées.

Dans la première espèce (n° 16-26.558), un acheteur profane avait acheté une maison, à l’intérieur de laquelle il avait constaté des traces d’humidité dans l’une des pièces et remarqué des poutrelles supportant la terrasse mais qui se trouvaient sans appui, ce qui en compromettait la solidité. Il avait alors assigné le couple de vendeurs en garantie des vices cachés. La cour d’appel rejeta ses demandes, rejet confirmé par la troisième chambre civile au motif qu’ayant relevé que l’acquéreur avait, avant la vente, visité les lieux à plusieurs reprises et accédé au vide sanitaire, qu’il avait été à même de prendre en considération les désordres qui préexistaient à la vente et qui présentaient, en raison de leur situation en un lieu accessible, un caractère apparent, et souverainement retenu, sans dénaturation, que le mur de clôture et la terrasse ne présentaient pas de désordres, que la construction respectait les normes parasismiques et que la réalisation non-conforme au permis de construire n’entraînait pas une non-conformité aux règles de l’art et un désordre, la cour d’appel a pu, par ces seuls motifs, en déduire que l’immeuble n’était pas affecté de vices cachés et que les demandes de l’acquéreur devaient être rejetées. 

Dans la seconde espèce (n° 17-11.627), un couple d’acquéreurs, également profane, après avoir relevé que le sol de la maison et les terrains attenant étaient contaminés par la présence de déchets toxiques, avait assigné les vendeurs en résolution de la vente et en dommages-intérêts. La cour d’appel rejeta leurs demandes, ce que confirme, là encore, la Haute Cour au motif qu’ayant retenu que la clause d’exclusion de garantie stipulée dans l’acte de vente, susceptible de s’appliquer au vice concernant l’état du sol, devait trouver application en l’espèce dans la mesure où les juges du fond avaient relevé que le vice résultait de la diffusion dans le sol de substances toxiques contenues dans les déchets dont la mise en évidence avait requis des analyses en laboratoire, ce qui excluait la connaissance du vice par les vendeurs de la chose vendue.

Il résulte des dispositions des articles 1641 et suivants du Code civil que le vendeur est tenu à garantie en cas de vices cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l’usage auquel on la destine ou qui diminuent tellement cet usage que l’acheteur ne l’aurait pas acquise, ou n’en aurait donné qu’un moindre prix, s’il les avait connus. Le vice est ainsi caractérisé par sa conséquence, l'inaptitude à l'usage que l'on attend de la chose. À l'évidence, le fait que la chose ne soit pas conforme à des normes existantes, et qu'elle n'ait donc pas été réalisée dans les règles de l'art, est constitutif d'un vice engageant la garantie du vendeur ; par exemple, une canalisation d'écoulement des eaux non conforme aux règles de l'art implique l’impropriété de la chose vendue à son usage et justifie l’indemnisation de l'acquéreur devant engager d'importants travaux pour obtenir un certificat de conformité (Com. 30 mars 1981, n° 79-15.685). Mais l'existence d'un vice caché peut être constatée alors même que le produit est conforme aux normes existantes (V. Com. 30 mars 1978, n° 76-13.958). 

Cependant, dans la première espèce, malgré la conformité de la maison aux normes en vigueur, les désordres relevés n’ont pas été considérés par les juges comme suffisamment importants pour rendre la maison inapte, en termes de dangerosité, à son habitation. En outre, ces désordres étaient apparents. Or, le vendeur n'est pas tenu des vices apparents dont l'acheteur a pu se convaincre lui-même (C. civ., art. 1642). L’apparence du vice exclut naturellement la garantie du vendeur pour les vices cachés de la chose ! De manière générale, on considère comme apparent aux yeux de l’acheteur profane (la jurisprudence se montrant évidemment bien plus rigoureuse à l’endroit de l’acheteur professionnel), le vice évidemment visible, manifeste, celui que l'examen le plus élémentaire permet d'apercevoir, ou bien, un peu moins souplement, celui qu'une diligence moyenne, ne nécessitant pas de compétence spéciale (V. T. civ. Seine, 21 déc. 1956. Cass. req., 18 mars 1924), permet de découvrir. Dans la première décision rapportée, le vice, situé dans un endroit facile d’accès, était parfaitement visible. Il pouvait d’autant moins passer inaperçu aux yeux de l’acheteur que ce dernier avait multiplié les visites de la maison avant l’achat. Son caractère apparent, indéniable, excluait donc la garantie du vendeur. 

En revanche, on ne saurait qualifier d'apparent, comme l’enseigne la seconde décision rapportée, le vice que seules des investigations exceptionnelles permettraient de découvrir. Le vice sera alors considéré comme indécelable. Certes, le vendeur reste tenu des vices cachés de la chose vendue quand bien même il n’aurait pu les connaître, à moins que dans ce cas, qui est celui de l’espèce, il n’ait stipulé qu’il ne serait obligé à aucune garantie, étant précisé qu’une telle clause d’exclusion de garantie ne pourra recevoir application s’il est de mauvaise foi. Or en l’espèce, la bonne foi des vendeurs, qui est présumée, n’a pu être contredite par les acquéreurs, ce qui n’a rien de surprenant ; en supposant même que les vendeurs aient connu la présence des déchets litigieux, ils n’avaient pas les connaissances nécessaires pour mesurer le risque de contamination des sols vendus en découlant et leur dangerosité pour la santé des acquéreurs, que seules des analyses en laboratoire avaient en l’occurrence permis de révéler.

Civ. 3e, 25 janv. 2018, n° 16-26.558

Civ. 3e, 25 janv. 2018, n° 17-11.627

Références

■ Com. 30 mars 1981, n° 79-15.685 P.

■ Com. 30 mars 1978, n° 76-13.958 P.

■ T. civ. Seine, 21 déc. 1956 : D.1957, p. 47.

■ Cass. req., 18 mars 1924 : DH 1924, p. 261.

 

Auteur :M. H.


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