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Procédure civile
Vente forcée d’un bien commun par le créancier poursuivant : le rappel des conditions
Mots-clefs : Procédure civile, Voies d’exécution, Conditions de l'exécution des jugements, Notification préalable, Titre exécutoire, Régimes matrimoniaux, Cautionnement, Biens communs, Nécessité du consentement du conjoint du souscripteur
L’arrêt de condamnation de l’époux caution, à la condition d’avoir été régulièrement signifié à son épouse, lui est opposable dans son exécution en sorte que leur bien immobilier commun, engagé par le mari s’étant seul porté caution mais après avoir obtenu le consentement de son épouse, pouvait valablement faire l’objet d’une exécution forcée.
Par jugement, un époux avait été condamné, en sa qualité de caution d’une société, à payer à une société d'affacturage une certaine somme. Celle-ci, détentrice d’un titre exécutoire, avait engagé des poursuites aux fins de saisie immobilière à l'encontre des deux membres du couple ; en effet, le titre exécutoire permet au créancier impayé, sans avoir à recourir au juge, de diligenter des voies d’exécution contre le débiteur défaillant. Le couple avait contesté la vente forcée de leur bien, en vain puisque la cour d’appel se contenta de constater que la société avait agi à leur encontre en vertu d'un titre exécutoire et, en conséquence, ordonné la vente forcée de l'immeuble saisi. Le couple forma un pourvoi en cassation pour soutenir « que les jugements ne peuvent être exécutés contre ceux auxquels ils sont opposés qu'après leur avoir été notifiés, notamment en matière de saisie immobilière, alors qu'en l'espèce, la décision de condamnation du mari fondant les poursuites aux fins de saisie immobilière n'avait jamais été signifiée à l'épouse, de sorte qu'en retenant que cette décision permettait au créancier poursuivant de mettre en œuvre, à l'encontre de cette dernière, la procédure d'exécution et de saisir l'immeuble commun, la cour d'appel aurait violé l'article 503 du Code de procédure civile ». Le pourvoi est rejeté par la Cour de cassation au motif d’une part, que l'arrêt ayant condamné l’époux en sa qualité de caution avait été régulièrement signifié, d'autre part, que s’il résulte de l'article 1415 du Code civil que chacun des époux ne peut engager que ses biens propres et ses revenus par un cautionnement ou un emprunt, sauf accord exprès de l'autre conjoint, l'acte de cautionnement litigieux était bien revêtu de la mention du consentement de l’épouse, suivie de sa signature. La Cour d'appel en a à bon droit déduit que la société, qui agissait en vertu d'un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible régulièrement signifié, était fondée à en poursuivre l'exécution forcée sur le bien immobilier commun que l’époux, son seul débiteur, avait engagé par le cautionnement souscrit.
S'agissant des décisions des juridictions de l'ordre judiciaire, la liste limitative dressée par l'article L. 111-3 du Code des procédures civiles d'exécution doit être conjuguée avec les règles générales relatives à l'exécution forcée de ces titres, prévues par les articles 500 et suivants du Code de procédure civile. Aux termes de l'article 501 de ce code, les jugements ne sont exécutoires qu'à partir du moment où ils passent en force de chose jugée, c’est-à-dire lorsqu'ils ne sont susceptibles d’aucun recours suspensif d'exécution, ou lorsqu’ils ne sont plus susceptibles d'un tel recours, ceux-ci ayant été exercés ou les délais de recours étant expirés.
En outre, la possibilité de faire procéder à l'exécution forcée d'un jugement dépend de la réunion de deux conditions cumulatives : la notification préalable de la décision et l'absence de voies de recours suspensives (C. pr. civ., art. 503). La notification préalable de la décision constitue donc un préliminaire indispensable pour celui qui se prévaut d'un titre exécutoire, quand bien même ce titre ne serait plus susceptible d'un recours suspensif d'exécution. Par exemple, l'existence d'un trop perçu ne peut valoir titre exécutoire de la restitution de la somme indûment versée à défaut de sa signification préalable, le commandement aux fins de saisie-vente délivré ne pouvant alors qu'être frappé de nullité.
L'obligation de signification de la décision s'impose d'autant plus que, dans certains cas, le créancier ne peut plus bénéficier de l'effet substantiel attaché au jugement frappé de péremption. C'est notamment le cas pour le jugement réputé contradictoire, car étant susceptible d'appel, il sera atteint par la caducité pour ne pas avoir été signifié dans les six mois de sa date, ce qui aura pour conséquence l’annulation de la saisie-vente pratiquée.
C’est la raison pour laquelle en l’espèce, l’argument des demandeurs ne pouvait prospérer, l’arrêt de condamnation de l’époux ayant été régulièrement signifié à sa femme. En outre, la règle de l’article 1415 du Code civil, interdisant à chacun des époux d’engager des biens communs par un cautionnement à moins que son conjoint y consente expressément, avait bien été respectée par les juges du fond, lesquels ont, en application de cette règle, admis que le créancier eut poursuivi le recouvrement de sa créance sur l’immeuble litigieux, certes commun aux deux époux, mais donné en garantie par le mari avec le consentement exprès de son épouse, accompagné de sa signature, lors de la souscription de son engagement de caution.
Civ. 2e, 15 oct. 2015, n° 14-22.684
Références
■ Code civil
■ Code de procédure civile
■ Code des procédures civiles d’exécution
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