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Contrats spéciaux
Vente sous condition suspensive de non-exercice du droit de préemption
Mots-clefs : Vente immobilière, Condition suspensive, Bail rural, Droit de préemption (statutaire), Action en fixation du prix (désistement, effets), Promesse de vente
Le preneur qui agit en fixation du prix puis se désiste ne remet pas en cause sa décision d'exercer son droit de préemption, entraînant la défaillance de la condition suspensive prévue dans la promesse de vente.
À la suite de la conclusion, en août 2002, d’une promesse synallagmatique de vente de terres agricoles conclue sous la condition de la purge de tous les droits de préemption, les preneurs se virent notifier, en application de l’article L. 412-8 du Code rural, le prix ainsi que les charges, conditions et modalités de la vente fixée. En retour, ils notifièrent leur décision d’exercer leur droit — statutaire — de préempter mais saisirent néanmoins le tribunal paritaire des baux ruraux pour qu’il fixe, après enquête et expertise, la valeur vénale des biens et les conditions de la vente (art. L. 412-7 C. rur.). En mai 2003, ils se désistèrent de leur instance. Le propriétaire leur vendit une partie des terres et une autre à un tiers. Le bénéficiaire de la promesse de vente assigna le vendeur aux fins de faire dire que la promesse conclue en août 2002 valait vente, laquelle était parfaite, et faire condamner les vendeurs à leur verser des dommages-intérêts. Il fut débouté de sa demande devant les juges du fond. Cette solution est ici confirmée par la Cour de cassation dans l’arrêt du 14 octobre 2009.
En l’espèce, la promesse de vente était assortie d’une condition suspensive de non-exercice du droit de préemption par son bénéficiaire. Or, les preneurs ont précisément exercé leur droit de préemption dans les délais et formes requis par le Code rural, indépendamment de l’action en fixation du prix qu’ils ont intentée et dont ils se sont, par la suite, désistés. Le désistement des preneurs n’ayant pas remis en cause leur décision d’exercer leur droit de préemption, la troisième chambre civile estime que la cour d’appel en a justement déduit que la condition suspensive de non-exercice du droit de préemption n’avait pas été levée. La défaillance de la condition suspensive (tenant à l’absence de réalisation de l’événement prévu dans le délai imparti) entraînait donc la caducité de la promesse de vente.
Civ. 3e, 14 oct. 2009
Références
■ Caducité
« État d’un acte juridique valable mais privé d’effet en raison de la survenance d’un fait postérieurement à sa création. C’est ainsi que le testament est caduc si le légataire meurt avant le testateur. »
■ Condition
« (…) Modalité d’un acte juridique faisant dépendre l’existence d’un droit d’un événement futur dont la réalisation est incertaine.
En fonction de ses effets, on distingue la condition suspensive et la condition résolutoire : si la condition est suspensive, le droit ne naît, rétroactivement, que si l’événement se produit. Si la condition est résolutoire, la survenance de l’événement fait disparaître le droit rétroactivement.
En fonction du rôle éventuel de la volonté dans la réalisation de la condition, on distingue la condition casuelle, potestative et mixte :
• La condition casuelle est celle qui dépend uniquement des circonstances, du hasard.
• La condition potestative est celle qui dépend de la volonté de l’une des parties à l’acte juridique ou au contrat.
- Elle est valable lorsque la volonté dont elle dépend est celle du créancier de l’obligation.
- Elle ne l’est pas lorsqu’elle dépend de la seule volonté du débiteur (je paierai si je veux), condition dite purement potestative.
- La condition simplement potestative, dépendant de la volonté du débiteur et d’une circonstance indépendante de sa volonté, est licite.
• Est valable également la condition mixte qui dépend à la fois de la volonté de l’une des parties et de la volonté d’un tiers. »
■ Droit de préemption
« (…) [En droit civil]
Faculté de substitution conférée à un tiers grâce à laquelle le tiers peut évincer l’acquéreur choisi par le vendeur et acquérir le bien mis en vente par préférence à lui aux mêmes prix et conditions. »
■ Promesse synallagmatique de vente
« Avant-contrat par lequel une personne s’engage à vendre un bien déterminé à des conditions, notamment de prix, qui sont acceptées par le bénéficiaire. Cette promesse vaut vente, sauf si la réalisation du contrat définitif est subordonnée par la loi ou par la convention des parties, à l’accomplissement d’une formalité ou à la réalisation d’un événement. »
Source : Lexique des termes juridiques 2010, 17e éd., Dalloz, 2009.
■ Code rural
Article L. 412-7
« Si le bénéficiaire du droit de préemption estime que le prix et les conditions demandées de la vente sont exagérées, il peut en saisir le tribunal paritaire qui fixe, après enquête et expertise, la valeur vénale des biens et les conditions de la vente. Dans le cas de vente, les frais d'expertise sont partagés entre le vendeur et l'acquéreur.
Si le propriétaire n'accepte pas les décisions du tribunal paritaire, il peut renoncer à la vente. Dans le cas où la vente n'a pas lieu, les frais d'expertise sont à la charge de la partie qui refuse la décision du tribunal paritaire. »
Article L. 412-8
« Après avoir été informé par le propriétaire de son intention de vendre, le notaire chargé d'instrumenter doit faire connaître au preneur bénéficiaire du droit de préemption, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception ou par acte d'huissier de justice, le prix, les charges, les conditions et les modalités de la vente projetée, ainsi que, dans l'hypothèse prévue au dernier alinéa du présent article, les nom et domicile de la personne qui se propose d'acquérir.
Cette communication vaut offre de vente aux prix et conditions qui y sont contenus. Les dispositions de l'article 1589, alinéa 1er, du code civil sont applicables à l'offre ainsi faite.
Le preneur dispose d'un délai de deux mois à compter de la réception de la lettre recommandée ou de l'acte d'huissier pour faire connaître, dans les mêmes formes, au propriétaire vendeur, son refus ou son acceptation de l'offre aux prix, charges et conditions communiqués avec indication des nom et domicile de la personne qui exerce le droit de préemption. Sa réponse doit être parvenue au bailleur dans le délai de deux mois ci-dessus visé, à peine de forclusion, son silence équivalant à une renonciation au droit de préemption.
En cas de préemption, celui qui l'exerce bénéficie alors d'un délai de deux mois à compter de la date d'envoi de sa réponse au propriétaire vendeur pour réaliser l'acte de vente authentique ; passé ce délai, sa déclaration de préemption sera nulle de plein droit, quinze jours après une mise en demeure à lui faite par acte d'huissier de justice et restée sans effet. L'action en nullité appartient au propriétaire vendeur et à l'acquéreur évincé lors de la préemption.
Le tiers acquéreur peut, pendant le délai d'exercice du droit de préemption par le preneur, joindre à la notification prévue à l'alinéa 1er ci-dessus une déclaration par laquelle il s'oblige à ne pas user du droit de reprise pendant une durée déterminée. Le notaire chargé d'instrumenter communique au preneur bénéficiaire du droit de préemption cette déclaration dans les mêmes formes que la notification prévue à l'alinéa 1er. Le preneur qui n'a pas exercé son droit de préemption pourra se prévaloir de cette déclaration aux fins d'annulation de tout congé portant reprise avant l'expiration de cette période. »
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