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[ 24 janvier 2018 ] Imprimer

Droit des obligations

Vice caché : fonction de la réduction du prix et des dommages et intérêts

Mots-clefs : Civil, Vente, Garantie des vices cachés, Action estimatoire, Réduction du prix, Fonction, Coût des travaux (non), Préjudice indemnisable (non)

En cas d’action estimatoire engagée pour vice caché, la réduction de prix ne correspond pas au coût des travaux mais à la perte de valeur du bien due aux vices et ne constitue pas un préjudice indemnisable.

Par l'intermédiaire d'un agent immobilier, un propriétaire avait vendu, au prix de 98 000 euros, une maison d'habitation entachée de fissures anciennes. Par jugement irrévocable, sa démolition puis sa reconstruction avaient, en raison des désordres compromettant la solidité de l'immeuble et du refus de délivrance du certificat de conformité exigé, été ordonnées. Se plaignant de l'apparition de nouvelles fissures et d’autres déformations, les acquéreurs avaient assigné en garantie des vices cachés le vendeur ainsi que le notaire ayant instrumenté la vente. Plus précisément, ils avaient engagé une action estimatoire ainsi qu’une action indemnitaire. Rappelons en effet que l'acheteur qui invoque un vice caché a le choix de rendre la chose et de se faire restituer intégralement le prix (action rédhibitoire), ou de garder la chose et de se faire rendre une partie du prix (action estimatoire) et que lorsque le vendeur en connaissait l’existence lors de la vente, il est tenu, outre la restitution du prix qu'il en a reçu, de verser des dommages et intérêts à l'acheteur déçu. 

La cour d'appel condamna le vendeur à indemniser les acquéreurs à hauteur de 238 291,08 euros au titre de la restitution d'une partie du prix d'achat de la maison et du coût de la démolition et de la reconstruction enjointes en conséquence, outre l’indemnisation des divers préjudices invoqués ; elle avait aussi condamné le notaire et l'agent immobilier à supporter chacun 10 % des sommes mises à la charge du vendeur, en ce compris la somme de 60 000 euros au titre de la restitution de la partie correspondant au coût de la maison hors terrain. La décision est partiellement cassée. 

Ayant constaté que le notaire avait omis de joindre à l'acte de vente le jugement qui devait permettre aux acquéreurs de prendre connaissance de l'ampleur réelle du sinistre telle que relevée par l'expert et des préconisations de démolition et de reconstruction retenues pour y remédier, la cour d'appel avait valablement pu retenir la responsabilité du notaire

Ayant retenu que l'agent immobilier avait seulement mentionné dans la promesse de vente que les acquéreurs avaient pris connaissance du sinistre résolu relatif à des fissures et que le dossier avait été clôturé sans solliciter du vendeur plus d'information et de justificatif et sans effectuer plus de recherches, la cour d'appel avait également pu déduire, de ces seuls motifs, que l'agent immobilier avait failli à ses obligations et que sa responsabilité devait être retenue

En revanche, la décision est cassée au visa du principe de la réparation intégrale du préjudice et de l’article 1644 du Code civil. Pour condamner le vendeur, la cour d’appel avait retenu que les acquéreurs avaient choisi de conserver l'immeuble et que le vendeur, qui connaissait les vices affectant le bien, devait être tenu, non seulement à la restitution du prix qu'il en avait reçu, mais également aux dommages et intérêts sollicités par les acquéreurs ; en effet, si la garantie est indépendante de la faute et qu’en principe, la bonne ou mauvaise foi du vendeur est en principe indifférente à sa mise en œuvre, la faute de ce dernier, lorsqu’il est de mauvaise foi, c’est-à-dire lorsqu’il connaissait, au moment de la vente, l’existence du vice, conduit toutefois à ajouter au dispositif de la garantie celui de la responsabilité civile (C. civ., art. 1645). 

Or en statuant comme elle l’a fait, la cour d’appel a violé le principe de la réparation intégrale dès lors que la restitution d'une partie du prix de vente et l'indemnité allouée pour la démolition et la reconstruction compensaient, selon la Haute cour, l'une et l'autre la perte de l'utilité de la chose. 

Autrement dit, les juges du fond avaient confondu le mécanisme de l'indemnisation et celui de la réduction du prix, et ce en violation du principe de la réparation intégrale du préjudice

En effet, en vertu de ce principe, l'indemnité accordée à la victime doit replacer celle-ci dans la situation dans laquelle elle se serait trouvée sans la faute retenue ; or, en accordant aux acquéreurs la somme de 60 000 € au titre de la restitution d'une partie du prix d'achat de la maison, qu'ils conservaient par ailleurs, outre la somme de 144 853, 08 € au titre du coût de démolition et de reconstruction complète de la maison et de 33 438 € au titre de préjudices annexes, sans préciser dans quelle hypothèse ces derniers auraient pu, sans les fautes qui avaient été commises, se trouver en possession d'une somme de 238 291, 08 €, soit bien plus que le prix qu'ils avaient payé pour la propriété du bien litigieux (98 000 €), la cour d’appel avait en fait placé les acheteurs dans une situation plus favorable que celle qui aurait été la leur si la chose n’avait pas été atteinte du vice. 

Ainsi cette décision vient-elle éclairer, sous l’angle du principe de la réparation intégrale du préjudice, la fonction de la réduction du prix dans le cadre de l’action estimatoire engagée pour vice caché de la chose. Dans cette perspective, il convient en effet de tenir compte de la lettre de l'article 1641 du Code civil, qui énonce que l'acheteur n'aurait donné qu'un moindre prix s'il avait connu les vices de la chose. Cette réduction de prix ne se confond donc pas avec l'indemnisation du coût des travaux à laquelle la cour d’appel avait condamné le vendeur. En leur octroyant des sommes correspondant au prix de démolition et de reconstruction à neuf de la maison litigieuse, conservée par les acquéreurs, et dont la perte de valeur ou d'utilité induite par les vices dont elle était affectée avait pourtant d'ores et déjà été compensée par la restitution de plus de 60 % de son prix de vente, la cour d’appel avait ainsi indemnisé les acquéreurs au-delà du préjudice que leur ont, dans ces conditions, causé les vices affectant la maison qu'ils ont conservée moyennant restitution de son coût d'acquisition. Or, dans le cadre d’une action estimatoire, la diminution du prix doit correspondre à la seule différence entre la valeur de la chose entachée du vice et le prix payé par l’acheteur dans l’ignorance du vice, à l’exclusion, donc, du coût des travaux nécessaires pour remédier au vice (Civ. 3e, 8 avr. 2009, n °07-19.690 ; Civ. 1re, 27 avr.2017, n°16-11.653 ; V. cpdt contra, Civ. 3e, 1er févr. 2006, n° 05-10.845 ). La cassation est également prononcée au motif que la restitution du prix de vente, à laquelle un vendeur est condamné à la suite de la réduction prévue à l’article 1644 du Code civil, ne constitue pas par elle-même un préjudice indemnisable ouvrant droit à réparation au profit de l'acquéreur. Rappelons que le vendeur sera toujours débiteur de dommages et intérêts si sa mauvaise foi est, comme en l’espèce, établie. Cette indemnisation se fonde sur l’article 1147 du Code civil et sanctionne le manquement par le vendeur à son obligation d'information. Pour autant, le préjudice indemnisé ne sera pas la perte de valeur du bien, déjà réparée par la réduction de prix, mais un préjudice extrinsèque atteignant l'acheteur ailleurs que dans le bien vendu, tel que le temps perdu suite à la procédure par exemple... 

La réduction du prix à laquelle le vendeur se trouve tenu en vertu de l'article 1644 du Code civil ne constitue donc pas, en elle-même, la réparation d’un préjudice indemnisable, l'action estimatoire, qui n'a pas un caractère indemnitaire, ayant pour seul objet de rétablir l'équilibre contractuel voulu par l'acquéreur en compensant, par la restitution d'une partie du prix de vente, la perte d'utilité du bien résultant de l'existence d'un vice caché au jour de la vente. 

Au surplus et pour ce qui concerne le vendeur lui-même, la Cour de cassation avait déjà eu l’occasion de lui refuser l’allocation de dommages-intérêts en raison d'une action estimatoire dont il se disait lui-même victime, au motif que « la restitution à laquelle un contractant est condamné à la suite de la réduction du prix de vente prévue à l'article 1644 du Code civil, ne constitue pas par elle-même un préjudice indemnisable ouvrant droit à réparation au profit de ce cocontractant » (Civ. 3e, 8 avr. 2009, n° 07-19.690). Dans cette affaire comme dans celle rapportée, la demande de dommages-intérêts était formée par le vendeur contre le notaire qui avait instrumenté la vente de son immeuble, auquel il était ici reproché d’avoir concouru par sa faute à la nécessaire mise en œuvre de la garantie du vendeur.

Civ. 3e, 14 déc. 2017, n° 16-24.170

Références

■ V. Fiche d’orientation Dalloz : Garantie des vices cachés

■ Civ. 3e, 8 avr. 2009, n° 07-19.690 P : D. 2009. 1356, obs. G. Forest

■ Civ. 1re, 27 avr. 2017, n° 16-11.653.

■ Civ. 3e, 1er févr. 2006, n° 05-10.845 P : D. 2006. 1213, obs. I. Gallmeister, note L. Eyrignac.

 

Auteur :M. H.

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