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Droit des obligations
Vices du consentement : sans la preuve de leurs éléments constitutifs, leur influence sur la validité du contrat est nulle.
Mots-clefs : Droit des contrats, Vices du consentement, Erreur, Dol, Caractère déterminant, Caractère intentionnel, Charge de la preuve, Nécessité de la preuve
En l’absence de preuve de l’influence déterminante du procédé traditionnel de construction de l’immeuble vendu sur le consentement de l’auteur d’une erreur et de l’intentionnalité du silence gardé par les vendeurs sur cet élément, l’erreur comme le dol ne peuvent être retenus.
Estimant avoir été trompé sur la qualité substantielle de la maison d’habitation qu’il avait achetée, un couple d’acquéreurs avait assigné leurs vendeurs, ainsi que le notaire et l'agence immobilière, en nullité de la vente pour erreur, ou subsidiairement pour dol, ainsi qu’en restitution d'une partie du prix et en paiement de dommages-intérêts. La cour d’appel rejeta l’ensemble de leurs demandes. Le pourvoi formé par les acheteurs est rejeté par la Cour en ces termes : « ayant retenu, par une appréciation souveraine des éléments de fait et de preuve qui lui étaient soumis, qu'il n'était établi ni que les acquéreurs eussent fait du caractère traditionnel de la construction un élément déterminant de leur engagement, ni que les vendeurs leur eussent sciemment caché le fait que l'immeuble se composait d'une partie bois pour un tiers de sa surface, la cour d'appel, procédant à la recherche prétendument omise, a légalement justifié sa décision ».
L'erreur sur la substance, qui s'apprécie au moment de la conclusion du contrat, ne peut entraîner la nullité de la convention que si cette erreur porte sur une condition substantielle de la chose objet de ce contrat. Traditionnellement, l’erreur sur la substance vise l’erreur sur la chose, corporelle ou incorporelle, qui fait l’objet de l’obligation de l’une des parties. Très objective et donc très restrictive, cette conception traditionnelle, qui ne voit en l’erreur substantielle qu’une erreur sur la matière qui compose la chose, est désormais dépassée.
L’erreur sur la substance est depuis longtemps vue plus largement. Selon une jurisprudence constante, l’erreur sur la substance s’entend non seulement de celle qui porte sur la matière même dont la chose est composée mais aussi plus généralement de celle qui a trait à ses qualités substantielles, en considération desquelles les parties ont contracté. Cette conception subjective de l’erreur sur la substance conduit à ne pas seulement tenir compte d’une différence objective entre la chose vendue et la chose voulue mais aussi à ce que les parties ont considéré comme déterminant de leur consentement. Une qualité substantielle est donc celle qui a subjectivement déterminé la victime à contracter. Par exemple, dans le cas d’une vente d’un terrain non constructible, alors que la conception objective de l’erreur interdirait de prononcer la nullité de la vente dès lors que, même non constructible, un terrain reste un terrain, la conception subjective de l’erreur substantielle au contraire le permet car on peut alors considérer que la non-constructibilité du terrain, si elle avait été connue du cocontractant, aurait dissuadé celui-ci à contracter.
Conformément à cette approche, l’erreur, pour emporter la nullité du contrat, doit avoir été déterminante, c’est-à-dire avoir conduit la partie à conclure le contrat. Et la charge de la preuve de l’erreur commise pèse, conformément à l’article 1315 alinéa 1er du Code civil, sur l’auteur de l’erreur qui demande la nullité du contrat. Ainsi, en l’espèce, il appartenait aux acquéreurs d'établir que la nature « traditionnelle » de la construction était une condition déterminante de leur engagement. En effet, ces derniers n’ont su produire aucune pièce établissant qu'ils avaient fait des procédés de construction qualifiés de traditionnels la condition de leur engagement. Aussi n’ont-ils pas su davantage établir que les vendeurs aient été mis au courant de cette exigence préalable relative au mode de construction de l’immeuble ou encore de leur volonté d'extension ou de surélévation de ce dernier, en sorte que les acquéreurs ne pouvaient pas davantage prétendre que les vendeurs leur avaient sciemment caché le fait que l'immeuble se composait pour un tiers de sa surface d'une partie bois, les deux tiers restants étant bien, quant à eux, édifiés en matériaux traditionnels, et ce d'autant qu'il n’est pas certain que cet état de fait rend l'immeuble insusceptible d’extension. En effet, le dol, qui est une cause de nullité de la convention lorsque les manœuvres pratiquées par l’une des parties, ou le silence qu’elle a gardé sur un élément déterminant du consentement de son cocontractant (depuis Civ. 3e, 15 janv. 1971, n° 69-12.180), ont conduit indûment l’autre partie à contracter. Caractéristique du dol, l’intentionnalité de tromper fait logiquement défaut lorsque, comme en l’espèce, celui à qui on l’impute ignorait que l’information tue était déterminante du consentement de son cocontractant. Également pris en compte par le juge, le caractère déterminant du dol, c’est-à-dire son influence manifeste sur le consentement de la victime, était de surcroît contredit par l’une des clauses de l’acte notarié de vente aux termes de laquelle les acquéreurs ont déclaré n'avoir jamais fait « de la possibilité d'exécuter des travaux nécessitant l'obtention préalable d'un permis de construire une condition (de leur engagement) ». Principale comme subsidiaire, la demande des acquéreurs en nullité de la vente fondée sur les vices du consentement devait donc être rejetée.
Rabelais proposait de rompre l’os pour en extraire la substantifique moelle. Sans aller jusque là les juges doivent extraire les désirs et les préoccupations ou mieux les fantasmes les plus secrets des acquéreurs.
Civ. 3e, 2 juin 2015, n° 14-11.744
Références
■ Code civil
Article 1315, al. 1er
« Celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver. »
■ Civ. 3e, 15 janv. 1971, n° 69-12.180.
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