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Droit de la famille
Visite médiatisée : des rencontres à encadrer !
Mots-clefs : Droit de visite, Aménagement, Assistance éducative, Espace de rencontre, Visite médiatisée, Durée, Périodicité, Office du juge
Le juge aux affaires familiales qui ordonne un droit de visite en lieu neutre doit fixer la durée et la fréquence des rencontres.
Un jugement, après avoir constaté l'exercice en commun de l'autorité parentale d’un enfant reconnu par ses deux parents, avait fixé la résidence de l'enfant au domicile du père, avec un seul droit de visite au profit de la mère. Un juge des enfants avait ensuite ordonné le placement de l’enfant à l'aide sociale à l'enfance et dit que les parents bénéficieraient d'un droit de visite médiatisé deux fois par mois. La mère avait enfin demandé que la résidence de son fils fût fixée à son domicile, avec suppression de tout droit de visite et d'hébergement pour le père. En appel, la cour, après avoir fixé la résidence de l'enfant chez la mère, décida que le père bénéficierait, jusqu'à ce qu'il soit statué définitivement sur son action en contestation de paternité et pour une durée maximale de six mois, d'un droit de visite médiatisé au sein d’un centre de médiation familiale.
Au visa de l'article 1180-5 du Code de procédure civile, cette décision est cassée par la première chambre civile de la Cour de cassation au motif que lorsqu’un juge décide qu'un droit de visite s'exercera dans un espace de rencontre, ce dernier doit déterminer la périodicité et la durée des rencontres.
Bien qu’il soit de l'intérêt de l'enfant d'être élevé par ses deux parents et, lorsqu'ils sont séparés, d'entretenir des relations personnelles avec chacun d'eux, dans la mesure où les conditions de l'hébergement ne sont pas satisfaisantes ou présentent des risques sérieux pour la sécurité, la santé ou les conditions de l'éducation de l'enfant, le juge n'accorde au parent chez lequel l’enfant ne réside pas habituellement qu'un simple droit de visite, sans hébergement. C’était bien le cas en l’espèce, le père de l’enfant, outre le fait d’avoir engagé une action en contestation de sa paternité, ayant manifesté un désintérêt certain pour lui. Seul un droit de visite lui fut donc octroyé.
La loi n° 2007-293 du 5 mars 2007 a reconnu au juge, lorsque la résidence de l'enfant est fixée au domicile de l'un des parents, le pouvoir de décider que le droit de visite accordé à l’autre parent sera exercé dans un espace de rencontre qu'il désigne (C. civ., art. 373-2-9, al. 3) ou lorsque la remise directe de l'enfant à l'autre parent présente un danger pour l'un d'eux, d'en organiser les modalités pour qu'elle présente toutes les garanties nécessaires (C. civ., art. 373-2-9, al. 4). La loi du 14 mars 2016 n° 2016-297 a complété l'alinéa 3 de cet article en précisant que le juge doit rendre une décision spécialement motivée, s'il décide de cette mesure. Ce droit de visite s’exerce dans le cadre de « visites médiatisées », généralement ordonnées par le JAF (C. civ., art. 373-2-1 et 373-2-9) : elles se déroulent alors dans un lieu neutre, appelé aussi « espace de rencontre », que le juge désigne, avec l'assistance éventuelle d'un tiers de confiance ou du représentant d'une personne morale qualifiée (C. civ., art. 373-2-9, al. 4 issu de la Loi n° 2010-769, 9 juill. 2010).
Elles peuvent également être ordonnées, comme en l’espèce, par le juge des enfants (C. civ., art. 375-7, al. 4). Dans cette hypothèse, le droit de visite du ou des parents de l'enfant placé ne peut être exercé qu'en présence d'un tiers désigné par l'établissement ou le service auquel il est confié. Ce droit de visite médiatisé a pour but, tout en protégeant l'enfant, de lui permettre de maintenir des liens avec chacun de ses parents. Ce dernier doit toutefois être rigoureusement encadré. Ainsi la Cour de cassation rappelle-t-elle dans la décision rapportée qu'il appartient au juge de fixer non seulement la durée de la mesure mais également celle des rencontres organisées, ainsi que leur périodicité, conformément aux dispositions de l'article 1180-5 du Code de procédure civile (V. Civ. 1re, 28 janv. 2015, n° 13-27.983 – Civ. 1re, 10 juin 2015, n° 14-12.592). La détermination de celles-ci dépend de divers éléments d’appréciation, visant à tenir compte à la fois des besoins de l’enfant et de la nécessité de le protéger, ce qui implique fatalement pour le juge d’aménager, de limiter et de restreindre l'autorité parentale détenue par principe par les deux parents de l’enfant. Quoi qu’il en soit, la cour d’appel ne pouvait pas, en l’espèce, se contenter de juger que le droit de visite du père s'exercerait dans un centre de médiation familiale pour une durée maximale de six mois à l'issue de laquelle il lui appartiendrait de saisir à nouveau le juge aux affaires familiales pour qu'il soit statué sur un éventuel élargissement de son droit de visite et d'hébergement, sans fixer les modalités d'exercice de ce droit.
Civ. 1re, 4 mai 2017, n° 16-16.709
Références
■ Civ. 1re, 28 janv. 2015, n° 13-27.983 P; D. 2015. 1919, obs. P. Bonfils et A. Gouttenoire ; ibid. 2016. 674, obs. M. Douchy-Oudot ; AJ fam. 2015. 162, obs. S. Thouret ; RTD civ. 2015. 369, obs. J. Hauser.
■ Civ. 1re, 10 juin 2015, n° 14-12.592, D. 2016. 674, obs. M. Douchy-Oudot ; AJ fam. 2015. 398, obs. S. Thouret ; RTD civ. 2015. 600, obs. J. Hauser.
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