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[ 26 février 2013 ] Imprimer

Droit administratif général

Voie de fait et juge administratif du référé-liberté

Mots-clefs : Voie de fait, Compétence du juge administratif du référé, Référé-liberté

Dans une ordonnance du 23 janvier 2013, le juge des référés du Conseil d’État, saisi sur le fondement de l’article L. 521-2 CJA, accepte de statuer sur une demande de voie de fait.

De construction jurisprudentielle, la voie de fait consiste en une atteinte à une liberté fondamentale ou à un droit de propriété par l’administration. Cette atteinte existe dans deux cas : 

– lorsque l’administration prend une décision, et ce indépendamment des conditions dans lesquelles elle est exécutée. Dans ce cas, la décision est manifestement insusceptible d’être rattachée à l’exécution d’un texte législatif ou réglementaire, ou plus généralement, à un pouvoir appartenant à l’administration ;

– lorsque l’administration a procédé, dans des conditions irrégulières, à l’exécution d’une décision, même régulière, portant atteinte au droit de propriété ou à une liberté fondamentale (v. T. confl. 8 avr. 1935, Action française T. confl. 23 oct. 2000, Boussadar).

Lorsque la voie de fait résulte d’une décision, le Tribunal des conflits considère que la nullité de la décision peut être constatée par la juridiction judiciaire ou par la juridiction administrative (T. confl. 27 juin 1966, Guignon). Dans les autres cas de voie de fait, seul le juge judiciaire, gardien du droit de propriété et des libertés fondamentales, est compétent pour « sanctionner l’administration ».

Dans la décision rendue le 23 janvier 2013, le juge du référé-liberté du Conseil d’État avait à se prononcer sur l’existence d’une voie de fait.

En l’espèce, la commune de Chirongui, à Mayotte, avait entrepris des travaux sur une parcelle dont une personne estimait être propriétaire en vertu d’une opération de régularisation foncière. Le juge des référés du tribunal administratif de Mamoudzou, statuant sur le fondement de l’article L. 521-2 CJA (référé-liberté) avait enjoint à la commune de faire cesser immédiatement les travaux. Cette commune demande au juge des référés du Conseil d’État d’annuler l’ordonnance du tribunal administratif.

L’intérêt de l’ordonnance du 23 janvier 2013 réside dans ce considérant : « Sous réserve que la condition d’urgence soit remplie, il appartient au juge administratif des référés, saisi sur le fondement de l’article L. 521-2 du code de justice administrative, d’enjoindre à l’administration de faire cesser une atteinte grave et manifestement illégale au droit de propriété, lequel a le caractère d’une liberté fondamentale, quand bien même cette atteinte aurait le caractère d’une voie de fait ».

Ainsi, le juge administratif du référé-liberté peut faire cesser une atteinte grave et manifestement illégale au droit de propriété caractérisée par une voie de fait.

Le Conseil d’État avait déjà admis cette possibilité en ce qui concerne le référé mesure utile. En effet, le juge du référé, saisi sur le fondement de l'article L. 521-3 CJA, est compétent pour enjoindre à l'administration de faire cesser une voie de fait (CE, 12 mai 2010, Alberigo).

CE, ord., 23 janv. 2013, Commune de Chirongui, n°365262

 

Références

 Code de justice administrative

Article L. 521-2

« Saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. Le juge des référés se prononce dans un délai de quarante-huit heures. »

Article L. 521-3

« En cas d'urgence et sur simple requête qui sera recevable même en l'absence de décision administrative préalable, le juge des référés peut ordonner toutes autres mesures utiles sans faire obstacle à l'exécution d'aucune décision administrative. »

 T. confl. 8 avr. 1935, n°00822, Action française, Lebon 1226.

 T. confl. 23 oct. 2000Boussadar, req. n° 3227, Lebon 775 ; D. 2001. 2332, concl. Sainte-Rose.

 T. confl. 27 juin 1966, n°01889, GuignonLebon 830.

 CE 12 mai 2010, Alberigo, req. n° 333565, Lebon T. 694 ; AJDA 2010. 1057.

 

Auteur :C. G.

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