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Droit constitutionnel
Vous avez dit 47-1 ?
Pour la première fois depuis le début de la Constitution de 1958, l’exécutif a décidé de présenter une réforme des retraites en utilisant un projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale défini à l’article 47-1 de la Constitution.
■ L’origine des lois de financement de la sécurité sociale
La loi constitutionnelle n° 96-138 du 22 février 1996 a institué les lois de financement de la sécurité sociale (LFSS) afin de renforcer les pouvoirs du Parlement en matière de finances sociales. Elle a ainsi inséré un alinéa à l’article 34 de la Constitution (article relatif au domaine de la loi), selon lequel « les lois de financement de la sécurité sociale déterminent les conditions générales de son équilibre financier et, compte tenu de leurs prévisions de recettes, fixent ses objectifs de dépenses, dans les conditions et sous les réserves prévues par une loi organique » (CSS, art. L. O. 111-3 à L.O. 111-10-2). Elle a également créé un article 47-1 qui précise les spécificités des LFSS.
A noter que le terme de loi de financement de la sécurité sociale est utilisé pour la LFSS de l’année ainsi que pour les lois de financement rectificatives de la sécurité sociale, LFRSS, (CSS, art L. O. 111-3).
Par ailleurs, si les lois de financement de la sécurité sociale présentent des similitudes avec les lois de finances (Const. 58, art. 47), elles ne peuvent être assimilées à des «lois de finances sociales» car elles n’autorisent pas la perception des recettes des organismes de sécurité sociale, ni leurs dépenses. Elles restent, en dehors de leurs dispositions fiscales, d'une normativité limitée et n'ont pas de caractère contraignant.
■ L’article 47-1 de la Constitution
L’article 47-1 prévoit un délai très strict : le Parlement a 50 jours pour se prononcer sur un PLFSS. L’utilisation de cet article permet donc au Gouvernement de limiter les débats au Parlement.
Le texte est présenté en priorité à l’Assemblée nationale qui a 20 jours pour se prononcer en première lecture après le dépôt du projet.
Soit l’Assemblée nationale vote le texte en première lecture dans le délai imparti - le Gouvernement peut ici faire usage de l’article 49, alinéa 3 de la Constitution- et le texte voté est transmis au Sénat ; soit elle ne se prononce pas sur l'ensemble du projet dans ce délai et le Gouvernement saisit alors le Sénat du texte qu'il a initialement présenté, modifié le cas échéant, par les amendements votés par l'Assemblée nationale qu’il souhaite reprendre.
Le Sénat doit se prononcer, en première lecture, dans un délai de 15 jours après avoir été saisi.
La procédure accélérée s’applique de droit pour l’article 47-1. Ainsi, après son passage au Sénat, si le texte n’est pas voté en termes identiques, celui-ci est soumis à une commission mixte paritaire (CMP), composée de 7 députés et de 7 sénateurs, qui est chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion (Const. 58, art. 45). Ensuite l’Assemblée nationale vote ou non le texte, le Gouvernement peut utiliser là encore l’article 49, alinéa 3 de la Constitution. L’engagement de la responsabilité du Gouvernement sur un PLFSS depuis 1958, n'a eu lieu que deux fois, en 1979 et en 2023, mais jamais à notre connaissance pour une LFRSS.
Enfin, si le Parlement ne s'est pas prononcé dans un délai de 50 jours, le Gouvernement peut décider de mettre en œuvre les dispositions du projet par ordonnance, qui, contrairement à celles prévues à l'article 38 de la Constitution, opèrent un transfert définitif des pouvoirs du législatif vers l'exécutif ; elles n'ont pas à être soumises à la ratification du Parlement.
■ Un usage détourné de l’article 47-1 pour la mise en œuvre de la réforme des retraites ?
L’article 47-1 sert en principe à adopter le budget de la sécurité sociale (PLFSS) et à le modifier si nécessaire (PLFRSS). Un PLFSS ou un PLFRSS est un texte financier les mesures du projet visant à garantir l’équilibre de la branche « retraite » de la sécurité sociale peuvent donc y trouver leur place. En revanche des mesures purement sociales ne devraient pas y avoir leur place.
Le Conseil constitutionnel, s’il est saisi pour la réforme des retraites, pourrait donc déclarer contraire à la Constitution ces mesures purement sociales en les considérant comme « des cavaliers sociaux » (ex. : pénibilité au travail ; index de l’emploi des seniors, …), c'est-à-dire comme ne relevant pas du champ des lois de financement de la sécurité sociale défini par les articles L.O. 111-3-2 à L.O. 111-3-8 du code de la sécurité sociale.
La notion de « des cavaliers sociaux » a été utilisée pour la première fois par le Conseil constitutionnel dans sa décision du 21 décembre 1999 (n° 99-422 DC).
S’agissant par exemple de la dernière LFSS, le Conseil constitutionnel a censuré 11 cavaliers sociaux (2021-832 DC : ex : sanction des pharmaciens ne respectant pas les règles relatives à la sérialisation ; lutte contre les pénuries de dispositifs médicaux indispensables ; limite de la possibilité, pour certains établissements de santé, laboratoires de biologie médicale et établissements médico-sociaux, de recourir à l'intérim avec des personnels en début de carrière ; …).
Toutefois, la censure de cavaliers sociaux par le Conseil constitutionnel ne préjuge pas de la conformité de leur contenu aux autres exigences constitutionnelles. Ainsi, le législateur, s'il le juge utile, pourrait adopter à nouveau de telles mesures, en utilisant un projet de loi ordinaire.
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