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Libertés fondamentales - droits de l'homme
Zemmour, RTL et le CSA
La mise en demeure du CSA contre RTL concernant une chronique d’Éric Zemmour vient d’être annulée par le Conseil d’État. En effet, l’engagement par cette radio de promouvoir les valeurs d'intégration et de solidarité, et de contribuer à lutter contre les discriminations doit se combiner avec le principe de la liberté de communication des pensées et des opinions.
Le Conseil supérieur de l’audiovisuel avait été saisi au sujet de la diffusion de propos tenus par d’Éric Zemmour au cours de l’émission RTL Matin du 2 février 2017, dans sa chronique intitulée « On n’est pas forcément d’accord » où il avait commenté de manière critique l'application faite selon lui par la Cour suprême des États-Unis de ce qu'il a appelé le « principe de non-discrimination » et dénoncé l'influence de cette jurisprudence sur la Cour européenne des droits de l'homme, le Conseil constitutionnel et le Conseil d'État, accusés de perpétrer un « putsch judiciaire ».
Par décision du 14 juin 2017, le CSA a considéré que la gravité et le caractère provocateur des propos tenus par le chroniqueur, qui constituent un éloge de la discrimination et la critique de toutes les institutions judiciaires qui contribuent à lutter contre celles-ci, alors que ces propos n’ont fait l’objet d’aucune contradiction ni mise en perspective à l’antenne, constituaient un manquement caractérisé aux stipulations de la convention du 2 octobre 2012 de RTL.
Le CSA a ainsi adressé à RTL, une mise en demeure de respecter à l'avenir les obligations qui résultent pour elle de l'article 2-4 de cette convention aux termes duquel : « Le titulaire veille dans son programme (...) à promouvoir les valeurs d'intégration et de solidarité qui sont celles de la République. (...) Le titulaire contribue aux actions en faveur de la cohésion sociale et à la lutte contre les discriminations ».
Le Conseil d’État vient de faire droit à la demande de RTL d’annuler cette mise en demeure.
En effet, « les principes républicains, notamment le principe d'égalité devant la loi, qui interdit les discriminations et exige que des différences de traitement soient justifiées par des différences de situation objectives et pertinentes ou par l'intérêt général, confèrent une place éminente aux valeurs d'intégration et de solidarité ainsi qu'à l'objectif de cohésion sociale. » L'engagement par RTL de promouvoir ces valeurs et de contribuer à lutter contre les discriminations doit se combiner avec le principe de la liberté de communication des pensées et des opinions, consacré et protégé par les dispositions de valeur constitutionnelle de la Déclaration de 1789 et rappelé par les dispositions de l'article 1er de la loi du 30 septembre 1986. Il s’ensuit que cet engagement « ne saurait être interprété comme imposant à l'éditeur du service de prohiber sur son antenne toute critique des principes et des valeurs républicains. »
Le principe de la liberté de communication des pensées et des opinions.
Selon l’article 11 de la Déclaration de 1789, « La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l'homme; tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l'abus de cette liberté dans les cas déterminés par la loi ». Ce pluralisme des courants d'opinions et de pensées est un objectif à valeur constitutionnelle (Cons. const. 27 juill. 1982, n° 82-141 DC, § 5). Par ailleurs, le respect de ce pluralisme est une des conditions de la démocratie et l'objectif à réaliser est que les auditeurs et les téléspectateurs qui sont au nombre des destinataires essentiels de la liberté proclamée par l'article 11 soient à même d'exercer leur libre choix sans que ni les intérêts privés ni les pouvoirs publics puissent y substituer leurs propres décisions ni qu'on puisse en faire les objets d'un marché (Cons. const. 21 janv. 1994, n° 93-333 DC, § 3).
Le CSA
Pour rappel, le CSA est l’autorité publique française de régulation de l’audiovisuel. Il assure notamment le respect de l'expression pluraliste des courants de pensée et d'opinion dans les programmes des services de radio et de télévision, en particulier pour les émissions d'information politique et générale. Il a le pouvoir de mettre en demeure les éditeurs et distributeurs de services de communication audiovisuelle et les opérateurs de réseaux satellitaires. En cas de non-respect de cette mise en demeure, le CSA peut prononcer une des sanctions suivantes : la suspension de l'édition, de la diffusion ou de la distribution du ou des services d'une catégorie de programme, d'une partie du programme, ou d'une ou plusieurs séquences publicitaires pour un mois au plus ou la réduction de la durée de l'autorisation ou de la convention dans la limite d'une année ou une sanction pécuniaire assortie éventuellement d'une suspension de l'édition ou de la distribution du ou des services ou d'une partie du programme ou encore le retrait de l'autorisation ou la résiliation unilatérale de la convention (V. L. n° 86-1067 du 30 sept. 1986 relative à la liberté de communication, art. 4 s.)
Références
■ Fiche d’orientation Dalloz : Objectif à valeur constitutionnelle
■ Cons. const. 27 juill. 1982, n° 82-141 DC
■ Cons. const. 21 janv. 1994, n° 93-333 DC : D. 1995. 301, obs. A. Roux ; ibid. 342, obs. F. Mélin-Soucramanien ; RFDA 1994. 1170, étude J. Morange
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