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À vos copies !
Droit des obligations
Cause et engagement unilatéral de volonté
Chaque mois, retrouvez le commentaire d’une décision de justice issue de l’actualité jurisprudentielle.
Ce mois-ci, Dalloz Actu Étudiant vous propose de commenter l’arrêt Civ. 1re, 10 sept. 2015, n° 14-20.498 permettant de faire le point sur l'engagement unilatéral de volonté.
Arrêt
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 12 juin 2014), rendu sur renvoi après cassation (2e Civ., 6 juin 2013, pourvoi n° 12-20.062), qu'à l'occasion d'un changement de direction survenu à la tête d'une société, M. X..., directeur général, s'est engagé à se répartir de manière égalitaire avec M. Y..., directeur financier, les actions de la société que la précédente direction avait promis de leur céder en récompense de leurs efforts et de leur implication dans le développement de l'entreprise ; que M. Y..., après avoir démissionné de la société, ayant appris que M. X... avait obtenu 125 000 actions nouvelles en s'abstenant de l'informer de cette cession, a assigné ce dernier aux fins de lui voir enjoindre, sous astreinte, de donner l'ordre de transfert à son profit de 62 500 actions ;
Sur le moyen unique :
Attendu que M. Y... fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes, alors, selon le moyen :
1°/ qu'aux termes du courriel du 26 novembre 2008, M. X... s'était engagé à partager par moitié avec M. Y... les 1 000 000 actions que les nouveaux dirigeants de la société Auplata offraient de leur attribuer gratuitement en récompense de leurs efforts passés et de leur implication dans le redressement de l'entreprise ; que par un courriel du 29 janvier 2009, M. X... a « redit sa position » de « partager à égalité avec M. Y... les « un million d'actions » proposés par « Z... » ; qu'en retenant, pour débouter M. Y... de sa demande, que l'engagement contracté par M. X... le 29 janvier 2009 portait sur le partage des 250 000 parts sociales cédées par le groupe Z..., quand M. X... avait pris l'engagement de partager à égalité la totalité des actions promises par le groupe Z..., soit un million d'actions, la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis des courriels susvisés, en méconnaissance de l'article 1134 du code civil ;
2°/ qu'aux termes du courriel du 26 novembre 2008, M. X... s'était engagé à partager par moitié avec M. Y... les 1 000 000 actions que les nouveaux dirigeants de la société Auplata offraient de leur attribuer gratuitement en récompense de leurs efforts passés et de leur implication dans le redressement de l'entreprise, sans condition ; qu'en subordonnant l'exécution de l'engagement au maintien de M. Y... dans l'entreprise, la cour d'appel a encore dénaturé les termes clairs et précis du courriel susvisé, en méconnaissance de l'article 1134 du code civil ;
3°/ que l'existence de la cause d'une obligation doit s'apprécier à la date où elle est souscrite, peu important les événements survenus postérieurement ; qu'en se fondant, pour retenir l'absence de cause de l'engagement contracté le 25 novembre 2008, sur la démission de M. Y... intervenue le 27 mars 2009, la cour d'appel, qui ne s'est pas placée pour apprécier l'existence de la cause de l'obligation au jour de la formation de l'engagement, a violé l'article 1131 du code civil ;
4°/ que l'engagement de partage égalitaire était causé par la distribution gratuite d'actions promise par les nouveaux actionnaires de la société Auplata et visant à récompenser les efforts passés de MM. Y... et X... qui avaient l'un et l'autre oeuvré au redressement de l'entreprise en 2007, en sorte que la démission ultérieure de M. Y... n'était pas de nature à priver de cause l'engagement souscrit par M. X... ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a encore violé l'article 1131 du code civil ;
5°/ que M. Y... faisait valoir dans ses conclusions que le fait qu'il ait démissionné de la société était sans conséquence sur la validité de l'engagement de M. X... dès lors qu'il s'agissait de récompenser le travail accompli dans le passé ; qu'en se bornant à affirmer que l'engagement de partage de M. X... était devenu caduc à compter de la démission de M. Y..., sans répondre à ce moyen, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;
Mais attendu que, procédant souverainement à la recherche de l'intention des parties par une interprétation, exclusive de dénaturation, que rendait nécessaire l'expression succincte de l'engagement consenti par M. X..., la cour d'appel a estimé qu'il avait voulu partager à parts égales avec M. Y... tous les avantages perçus de la société, afin de préserver une bonne entente avec un cadre dont il estimait la présence nécessaire pour le développement et le redressement de l'entreprise ; que, sans être tenue de répondre à une argumentation que ses constatations rendaient inopérantes, elle a pu en déduire que l'engagement unilatéral à durée indéterminée de M. X..., privé de cause à compter de la démission de M. Y... le 27 mars 2009, était devenu caduc à compter de cette date ;
Que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de M. Y... ; le condamne à payer à M. X... la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix septembre deux mille quinze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Piwnica et Molinié, avocat aux Conseils, pour M. Y...
Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir débouté M. Y... de ses demandes ;
AUX MOTIFS QUE après avoir analysé avec pertinence la commune intention des parties, résultant d'échanges de messages électroniques, le premier juge a considéré à juste titre, par des motifs détaillés que la cour adopte, que l'engagement unilatéral contracté par M. X... le 29 janvier 2009 portait sur le partage des 250. 000 parts sociales cédées par le groupe Z..., en tenant compte des 137. 588 actions précédemment perçues par M. Y..., et s'était trouvée exécutée par la cession de titres opérée au profit d'un tiers (l'épouse de M. Y...), selon les modalités convenues le 1er mars 2009 ; qu'il conviendra seulement d'ajouter que la cause ayant déterminé M. X... à partager selon un principe d'égalité les actions cédées par la direction à un prix symbolique ressort :- du message électronique du 25 novembre 2008 à 13h03, dans lequel il indique à M. Y... : « le principe d'un partage d'attribution gratuite à égalité doit tenir compte à mon sens du fait que nous sommes payés par Auplata pour faire notre boulot et qu'on a rien à exiger (¿). Si tu as tiré avantage de Auplata, tu dois le considérer » ;- du message électronique adressé le 26 novembre 2008 dans lequel il précise à Jean-Pierre et Raphaël Z..., nouveaux dirigeants de la société Auplata : « Je vous remercie à nouveau bien vivement pour votre proposition d'attribution gratuite de 1 million d'actions de Auplata, à partager avec Patrick. Comme je vous l'ai dit, il était prévu, au temps de la présidence par A..., que Patrick et moi partagions à égalité les 12 % d'actions que A... voulait nous donner. La bonne entente est indispensable pour avoir un maximum de chances de redresser l'entreprise. Je vous confirme donc que je partagerai à égalité avec Patrick ; la seule chose que je lui ai demandé étant d'intégrer dans le calcul pour ce partage les avantages qu'il a déjà tirés ou pourrait tirer des actions gratuites dont il a bénéficié et bénéficie encore » ;- du message électronique adressé le 29 janvier 2009 par M. X... à M. Y... dans les termes suivants : « Je te redis ma position, 1) je n'ai aucun droit pour exiger des actionnaires de Auplata attribution d'actions, 2) il était prévu du temps de A... que nous recevions tous les deux à égalité 12 % d'actions données par A..., 3) Z... se référant à cela nous a proposé 1 million d'actions, dont 750. 000 pour moi et 250. 000 pour toi, 4) j'ai écrit à Z... que je m'étais engagé à partager à égalité avec toit et que je le ferai. Et je t'ai mis en copie de ce message, 5) à ce jour, je n'ai reçu aucune action et Z... m'en a proposé 200. 000 au lieu de 250. 000, j'ai refusé et demandé à ce qu'il respecte ce qu'il m'avait dit. On en est là, 6) de ton côté, Z... t'a laissé entendre qu'il ne voulait plus te remettre 250. 000 actions car il veut en réserver 100 à 150. 000 à d'autres, 7) quoi que fasse Z..., je t'ai dit que nous ferions moitié moitié et Z... le sait : je lui ai redit hier. (¿) Pour terminer, je j'ai dit qu'il faut tenir compte dans notre partage des actions de ce que tu as déjà perçu et qui sont des euros et pas des bouts de papier (j'ai noté qu'il te reste encore des actions) ; que M. X... voulait donc mettre en commun et partager avec M. Y... sur une base égalitaire tous les avantages perçus de la part de la direction de la société Auplata par cession d'action à un prix symbolique, afin de préserver la bonne entente avec un cadre dont il estimait la présence nécessaire pour le développement et le redressement de la société ; qu'il s'agissait aussi d'une motivation économique, à laquelle M. Y... faisait d'ailleurs référence dans son courrier adressé le 7 septembre 2009 à M. X... ; qu'il est donc évident que ce dernier ne consentait au partage des actions qui lui étaient cédées par la direction qu'en considération des efforts et du travail commun au profit de la société, chacun d'eux se trouvant en situation d'égalité vis-à-vis de celle-ci comme ayant déjà reçu le même nombre d'actions ; que l'appelant ne peut sérieusement prétendre que M. X... aurait rompu son engagement avant même la démission, en démontrant ainsi qu'il ne faisait aucun lien entre le partage des actions et la présence de M. Y... au sein de la société ; qu'en effet, ce dernier a transmis sa démission par courrier électronique du 27 mars 2009 à 13h43 à Jean-Pierre Z... et Christian X... ; que c'est postérieurement, le 27 mars 2009, à 18h38, que ce dernier lui a fait connaître sa décision de ne plus partager avec lui « les actions Auplata qu'il recevrait », visant ainsi implicitement mais nécessairement uniquement les distributions à venir, et non celle déjà reçue en début du mois de mars 2009 ; que de même, le retard apporté au transfert des 56. 200 actions, en exécution de la convention signée le 9 mars 2009 ne peut être considéré comme révélateur de l'intention de M. X... de revenir sur le partage égalitaire et provient en réalité de difficultés rencontrées avec la banque Fortis pour l'exécution de l'ordre de transfert donné dès le 13 mars 2009 ; qu'ainsi que le soutient justement l'intimé, son engagement de partage des actions est devenu caduc à compter de la démission de M. Y... le 27 mars 2009 : que l'engagement unilatéral à durée indéterminée souscrit par M. X... était donc privé de cause à compter de cette même date ; qu'il convient en conséquence, par application de l'article 1131 du code civil, de confirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QU'il est constant que la société Auplata a fait appel fin 2007 à M. Christian X... en sa qualité d'expert en matière d'exploitation minière afin de redresser cette société spécialisée sans l'exploitation de sites miniers aurifères en Guyane française, alors en grande difficulté financière et industrielle ; qu'en contrepartie de l'investissement personnel de M. Christian X... et de M. Patrick Y..., directeur financier, en vue de redresser la société, l'actionnaire principal de l'époque, Christian A..., promettaient aux deux associés la cession d'actions de la société Auplata à parts égales ; que Christian A... devait par la suite céder la majorité du capital qu'il détenait au groupe Z... qui, valorisant la contribution apportée par M. Christian X... dans le développement de la société Auplata, proposait de lui céder une majorité d'actions au détriment de M. Patrick Y... ; que compte tenu de l'engagement initial pris par l'ancien actionnaire et dans le souci de maintenir une bonne entente entre les deux associés « indispensable au bon redressement de la société », selon les termes du courriel du 26 novembre 2008 adressé au groupe Z..., M. Christian X... informait cet actionnaire qu'il partagerait les actions cédées par ce nouvel actionnaire ; que par courrier du 29 janvier 2009, il confirmait cet engagement à M. Patrick Y..., le partage entre associés devant être opéré en tenant compte des actions déjà reçues par M. Patrick Y... ; que les modalités du partage entre M. Patrick Y... et M. Christian X... des 250. 000 actions cédées par le groupe Z... à M. Christian X... étaient formalisées par échange de courriels du 1er mars 2009 ; que M. Patrick Y... proposait ainsi « afin de faire notre répartition » qu'en tenant compte des 137. 588 actions qu'il avait antérieurement reçues, le nombre des actions restant à partager s'élevait à 112. 412, soit par moitié chacun 56. 206 actions que M. Christian X... devait donc céder à M. Y..., portant à égalité le nombre d'actions détenues par chacun (193. 794) ; qu'en retour, M. Christian X... acceptait cette proposition, s'engageant à céder à M. Christian X... 56. 206 actions ; que l'acte de cession des titres était formalisé le 9 mars 2009 moyennant la contre-valeur de 1 euro au profit d'un tiers, selon la volonté de M. Patrick Y..., et cette cession est effective ; que dès lors il convient de constater que l'engagement unilatéral contracté par M. Christian X... le 29 janvier 2009, selon les modalités convenues entre les parties le 1er mars 2009, a été exécuté, Monsieur Christian X... ayant rempli parfaitement son obligation ; que sauf à dénaturer l'engagement généreux pris par Monsieur Christian X... dans un souci de préserver les bonnes relations entretenues avec M. Y... à l'époque de leur collaboration dans la société, en lui impartissant des obligations qu'il ne renferme pas au-delà de cet accord, il ne saurait être fait obligation à M. Christian X... de céder indéfiniment à son ancien associé démissionnaire de la société depuis le 27 mars 2009, les fruits des efforts du défendeur récompensés courant 2010 par la nouvelle direction ; que l'engagement contracté par Monsieur X... ne peut en effet s'analyser à la lumière des attributions ultérieures d'actions dont Monsieur X... ignorait tant le principe que le montant, postérieures à la démission de M. Y..., par un actionnaire étranger à l'accord intervenu le 29 janvier 2009 ; qu'il convient d'observer au surplus que ce nouvel actionnaire, la Sas Pelican Venture a gratifié Monsieur Christian X... en lui cédant 125. 000 actions le 2 avril 2010, soit plus d'un an après la démission de M. Y..., en remerciement des bons résultats liés au nouveau procédé d'extraction de l'or par lixiviation mis au point exclusivement par Monsieur Christian X... (cf. résultats annuels second trimestre 2009 Auplata) et M. Y... ne saurait s'attribuer aucun mérite dans cette invention ; qu'en considération de l'ensemble de ces éléments d'appréciation, il sera débouté de ses prétentions ;
1°) ALORS QU'aux termes du courriel du 26 novembre 2008, M. X... s'était engagé à partager par moitié avec M. Y... les 1. 000. 000 actions que les nouveaux dirigeants de la société Auplata offraient de leur attribuer gratuitement en récompense de leurs efforts passés et de leur implication dans le redressement de l'entreprise ; que par un courriel du 29 janvier 2009, M. X... a « redit sa position » de « partager à égalité avec M. Y... les « un million d'actions » proposés par « Z... » ; qu'en retenant, pour débouter M. Y... de sa demande, que l'engagement contracté par M. X... le 29 janvier 2009 portait sur le partage des 250. 000 parts sociales cédées par le groupe Z..., quand M. X... avait pris l'engagement de partager à égalité la totalité des actions promises par le groupe Z..., soit un million d'actions, la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis des courriels susvisés, en méconnaissance de l'article 1134 du code civil ;
2°) ALORS QU'aux termes du courriel du 26 novembre 2008, M. X... s'était engagé à partager par moitié avec M. Y... les 1. 000. 000 actions que les nouveaux dirigeants de la société Auplata offraient de leur attribuer gratuitement en récompense de leurs efforts passés et de leur implication dans le redressement de l'entreprise, sans condition ; qu'en subordonnant l'exécution de l'engagement au maintien de M. Y... dans l'entreprise, la cour d'appel a encore dénaturé les termes clairs et précis du courriel susvisé, en méconnaissance de l'article 1134 du code civil ;
3°) ALORS QUE l'existence de la cause d'une obligation doit s'apprécier à la date où elle est souscrite, peu important les événements survenus postérieurement ; qu'en se fondant, pour retenir l'absence de cause de l'engagement contracté le 25 novembre 2008, sur la démission de M. Y... intervenue le 27 mars 2009, la cour d'appel, qui ne s'est pas placée pour apprécier l'existence de la cause de l'obligation au jour de la formation de l'engagement, a violé l'article 1131 du code civil ;
4°) ALORS QUE, subsidiairement, l'engagement de partage égalitaire était causé par la distribution gratuite d'actions promise par les nouveaux actionnaires de la société Auplata et visant à récompenser les efforts passés de MM. Y... et X... qui avaient l'un et l'autre oeuvré au redressement de l'entreprise en 2007, en sorte que la démission ultérieure de M. Y... n'était pas de nature à priver de cause l'engagement souscrit par M. X... ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a encore violé l'article 1131 du code civil ;
5°) ALORS QUE M. Y... faisait valoir dans ses conclusions que le fait qu'il ait démissionné de la société était sans conséquence sur la validité de l'engagement de M. X... dès lors qu'il s'agissait de récompenser le travail accompli dans le passé ; qu'en se bornant à affirmer que l'engagement de partage de M. X... était devenu caduc à compter de la démission de M. Y..., sans répondre à ce moyen, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile.
Travail préparatoire
Rappel de méthodologie
Un commentaire d’arrêt est un exercice qui comprend deux temps : l’explication de l’arrêt et son appréciation.
En d’autres termes, il faut, en premier lieu, expliquer le sens de l’arrêt. Ce qui suppose d’abord de le lire très attentivement, pour bien le comprendre. Ensuite, et c’est un temps essentiel de votre commentaire, il vous faut identifier la question que l’arrêt à commenter a résolue. En outre, il vous faut détecter la ou les règles de droit qui fondent la décision qui vous est soumise. Enfin, il vous faut faire un exercice de mémoire (si vous composez votre commentaire dans le cadre d’un examen) ou de recherche (si vous composez librement votre commentaire), non seulement pour découvrir le thème général dans lequel s’inscrit l’arrêt à commenter, mais encore pour trouver des éléments bibliographiques qui vous permettront de mieux comprendre l’arrêt que vous devez commentez et donc de mieux l’expliquer.
En second lieu, après avoir expliqué le sens de l’arrêt et démontrer que vous l’avez compris, vous devez apprécier l’arrêt à commenter, donner une opinion sur la façon dont la Cour de cassation a tranché le litige et répondu à la question de droit, au fond, il vous faut juger les juges, vous prononcer sur la valeur de la décision, ce qui sera d’autant plus simple que vous pourrez la situer dans le temps, c’est-à-dire en déterminer la portée. Dans cette perspective d’appréciation de la valeur de l’arrêt, il vous faut exploiter des éléments bibliographiques qui vous permettront de recueillir les diverses opinions doctrinales qui se sont prononcées sur la question de droit réglée par la Cour de cassation, et de vous prononcer sur la pertinence des diverses thèses en présence à propos de la question de droit, celle que soutenaient les juges du fond, celle du demandeur au pourvoi et puis celle retenue par la Cour de cassation qui sera fatalement peu ou prou une des deux précédentes.
Analyse de l’arrêt
Analyser l’arrêt conduit à s’en tenir à le présenter en vue d’introduire votre commentaire. Voici la démarche à suivre :
– d’abord, il vous faut sélectionner les faits qui seront utiles dans la perspective de votre commentaire ;
– en outre, il convient de qualifier les faits, ce qui revient à les faire entrer dans une catégorie juridique donnée ;
– ensuite, il faut exposer les différentes étapes de la procédure, à savoir la décision des juges du fond, puis le moyen du pourvoi ;
– de plus, il vous faut énoncer la question de droit que l’arrêt a tranchée ;
– enfin, il convient d’exposer la solution que la Cour de cassation a finalement retenue.
Dans l’arrêt qu’il vous faut ici commenter, reprenons cette démarche :
Sélection des faits : A la suite du changement à la tête d’une société, le directeur général d’une société promet au directeur financier de celle-ci de partager avec lui des actions que les nouveaux dirigeants de cette société offraient de leur attribuer gratuitement en récompense de leurs efforts passés et de leur implication dans le redressement de l'entreprise.
Qualification des faits : Le directeur général d’une société dont l’actionnariat a été modifié souscrit auprès du directeur financier de cette même société l’engagement unilatéral de partager avec lui des actions que les nouveaux actionnaires offrent de leur attribuer gratuitement en considération de leurs efforts passées et de leur implication persistante dans le redressement de l’entreprise.
Exposé de la procédure : Après avoir démissionné de la société, le directeur financier de l’entreprise apprend que le directeur général a reçu des actions supplémentaires. Il exerce une action en justice afin que ce dernier lui verse l’équivalent de la moitié des actions en question.
Il est débouté par les juges du fond qui considèrent que l'engagement de partage souscrit par le directeur général était devenu caduc à compter de la démission du directeur financier.
Le directeur financier forme un pourvoi au moyen que l'existence de la cause d'une obligation doit s'apprécier à la date où elle est souscrite, peu important les événements survenus postérieurement. En se fondant, pour retenir l'absence de cause de l'engagement, sur la démission de M. Y. intervenue postérieurement, la cour d'appel, qui ne s'est pas placée pour apprécier l'existence de la cause de l'obligation au jour de la formation de l'engagement, a violé l'article 1131 du Code civil.
Énoncé de la question de droit : La survenance d’un événement postérieur à la souscription d’un engagement unilatéral de volonté peut-il exercer une influence sur la cause de l’obligation créée par le dit engagement et sur le sort de celui-ci ?
Exposé de la décision : La Cour de cassation rejette le pourvoi. Les juges du fond, « procédant souverainement à la recherche de l'intention des parties par une interprétation, que rendait nécessaire l'expression succincte de l'engagement consenti » par le directeur général de la société, ont pu estimer qu'il avait voulu partager à parts égales avec le directeur financier tous les avantages perçus de la société, afin de préserver une bonne entente avec un cadre dont il estimait la présence nécessaire pour le développement et le redressement de l'entreprise. Ils ont donc pu en déduire que l'engagement unilatéral à durée indéterminée litigieux était privé de cause à compter de la démission du directeur financier et devenu caduc à compter de cette date.
L’élaboration du commentaire
L’analyse de l’arrêt est désormais effectuée. Reste à bâtir et nourrir le commentaire.
Il est de bonne méthode de rechercher alors dans quelle thématique générale s’inscrit l’arrêt à commenter, ce qu’une parfaite identification des questions de droit tranchée par l’arrêt vous permet aisément de découvrir. En l’occurrence, l’arrêt porte sur la cause et l'engagement unilatéral de volonté.
La structure du commentaire
Pour construire votre commentaire, en clair pour élaborer son plan, il convient d’expliquer l’arrêt et d’apprécier sa solution. Ce qui consiste :
– à en restituer clairement le sens ;
– à en déterminer la portée ;
– et à en discuter la valeur,
étant entendu que ces trois éléments sont ici d’égale importance.
Proposition de plan détaillé
Avant l’analyse de l’arrêt proprement dite qui compose le cœur de l’introduction (voir ci-dessus), il faut insister sur son contexte, à savoir l'engagement unilatéral de volonté et la cause de l'obligation. Après quoi, vous pouvez intégrer l’analyse de l’arrêt proprement dite (voir ci-dessus).
Enfin, après avoir exposé la décision retenue par la Cour de cassation, vous devez annoncer le plan de votre commentaire.
I. La reconnaissance de l’engagement unilatéral de volonté
A. Le débat persistant sur l’engagement unilatéral de volonté, source d’obligations en doctrine
- Arguments défavorables : théorie et politique juridique
- Arguments favorables : théorie et politique juridique
(NB Ces développements, a priori théoriques, doivent d’une façon ou d’une autre être rattachés à l’arrêt à commenter, lequel doit rester le contexte de votre commentaire et non un prétexte à des propos qui en seraient déconnectés)
B. La place de l’engagement unilatéral de volonté en droit positif
- En droit du travail (engagements unilatéraux souscrits par l’employeur) et en droit commercial (Entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée)
- En droit civil : décisions passées (promesse d’exécuter une obligation naturelle); l’arrêt commenté
II. Le régime de l’engagement unilatéral à durée indéterminée
A. L’existence d’une cause
- La cause de l’engagement unilatéral souscrit par le directeur général apparaît comme assez subjective. Elle réside dans le fait « qu'il avait voulu partager à parts égales avec le directeur financier tous les avantages perçus de la société, afin de préserver une bonne entente avec un cadre dont il estimait la présence nécessaire pour le développement et le redressement de l'entreprise ». A y regarder d’un peu plus près, on peut néanmoins considérer que cette cause réside dans les prestations que le directeur financier effectuera au profit de la société, et la cause s’objectivise.
- Parallèle à établir avec les conditions de validité du contrat (exigence d’une cause objective de l’engagement) qui conduit à « banaliser » l’engagement unilatéral de volonté.
B. La disparition de la cause
- Sur ce point, deux thèses : celle du demandeur au pourvoi pour lequel l’existence de la cause de l’obligation s’apprécie une fois pour toutes au jour de la création de l’obligation; celle de la Cour de cassation qui décide que, dans un engagement unilatéral de volonté à durée indéterminée, l’existence de la cause peut être remise en cause par la survenance d’un événement postérieur à sa souscription.
- La disparition de la cause, par suite de la survenance d’un événement postérieur à la souscription d’un engagement unilatéral de volonté à durée indéterminée emporte sa caducité, sanction qui frappe les actes juridiques dont une des conditions essentielles de validité, par exemple la cause, disparaît postérieurement à leur formation.
Références
■ Code civil
Article 1131
« L'obligation sans cause, ou sur une fausse cause, ou sur une cause illicite, ne peut avoir aucun effet. »
Article 1134
« Les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites.
Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise.
Elles doivent être exécutées de bonne foi. »
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