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À vos copies !
Droit de la consommation
Charge de la preuve du devoir d’informer
Chaque mois, retrouvez le commentaire d’une décision de justice issue de l’actualité jurisprudentielle.
Ce mois-ci, Dalloz Actu Étudiant vous propose de commenter l’arrêt Civ. 1re, 21 oct. 2020, n° 19-18.971.
Travail préparatoire
Rappel de méthodologie
Un commentaire d’arrêt est un exercice qui comprend deux temps : l’explication de l’arrêt et son appréciation.
En d’autres termes, il faut, en premier lieu, expliquer le sens de l’arrêt. Ce qui suppose d’abord de le lire très attentivement, pour bien le comprendre. Ensuite, et c’est un temps essentiel de votre commentaire, il vous faut identifier la question que l’arrêt à commenter a résolue. En outre, il vous faut détecter la ou les règles de droit qui fondent la décision qui vous est soumise. Enfin, il vous faut faire un exercice de mémoire (si vous composez votre commentaire dans le cadre d’un examen) ou de recherche (si vous composez librement votre commentaire), non seulement pour découvrir le thème général dans lequel s’inscrit l’arrêt à commenter, mais encore pour trouver des éléments bibliographiques qui vous permettront de mieux comprendre l’arrêt que vous devez commentez et donc de mieux l’expliquer.
En second lieu, après avoir expliqué le sens de l’arrêt et démontrer que vous l’avez compris, vous devez apprécier l’arrêt à commenter, donner une opinion sur la façon dont la Cour de cassation a tranché le litige et répondu à la question de droit, au fond, il vous faut juger les juges, vous prononcer sur la valeur de la décision, ce qui sera d’autant plus simple que vous pourrez la situer dans le temps, c’est-à-dire en déterminer la portée. Dans cette perspective d’appréciation de la valeur de l’arrêt, il vous faut exploiter des éléments bibliographiques qui vous permettront de recueillir les diverses opinions doctrinales qui se sont prononcées sur la question de droit réglée par la Cour de cassation, et de vous prononcer sur la pertinence des diverses thèses en présence à propos de la question de droit, celle que soutenaient les juges du fond, celle du demandeur au pourvoi et puis celle retenue par la Cour de cassation qui sera fatalement peu ou prou une des deux précédentes.
Analyse de l’arrêt
Analyser l’arrêt conduit à s’en tenir à le présenter en vue d’introduire votre commentaire. Voici la démarche à suivre :
– d’abord, il vous faut sélectionner les faits qui seront utiles dans la perspective de votre commentaire ;
– en outre, il convient de qualifier les faits, ce qui revient à les faire entrer dans une catégorie juridique donnée ;
– ensuite, il faut exposer les différentes étapes de la procédure, à savoir la décision des juges du fond, puis le moyen du pourvoi ;
– de plus, il vous faut énoncer la question de droit que l’arrêt a tranchée ;
– enfin, il convient d’exposer la solution que la Cour de cassation a finalement retenue.
Dans l’arrêt qu’il vous faut ici commenter, reprenons cette démarche :
Sélection des faits : Le 5 février 2013, la banque A. avait consenti à M. X. un crédit à la consommation. À la suite d’échéances demeurées impayées et du placement sous curatelle de l'emprunteur, la banque l’avait assigné ainsi que l’UDAF des Hautes-Pyrénées, prise en qualité de curateur, en paiement du solde du prêt. L’emprunteur avait notamment demandé que la banque soit déchue de son droit aux intérêts, en l’absence de remise du bordereau de rétractation prévu dans le Code de la consommation.
Qualification des faits : Une banque consent à un emprunteur un crédit à la consommation. À la suite d’échéances demeurées impayées et du placement sous curatelle de l’emprunteur, la banque l’a assigné, ainsi que son curateur, en paiement du solde du prêt. De son côté, l’emprunteur demandé que la banque, faute de lui avoir remis un bordereau de rétractation comme le prévoit l’article L. 311-12 du Code de la consommation, soit déchue de son droit aux intérêts.
Procédure: La cour d’appel rejette la demande de l’emprunteur au motif que la reconnaissance écrite, dans le corps de l’offre préalable, de la remise d’un bordereau de rétractation détachable et joint à cette offre laissait présumer sa remise effective et que l’emprunteur ne rapporte pas la preuve inverse.
Enoncé du moyen : En vertu de la règle selon laquelle il appartient au prêteur de rapporter la preuve qu’il a remis à l’emprunteur le formulaire de rétractation visé par l’article L. 311-12 du Code de la consommation, si l’existence d’une clause au sein de l’offre de prêt aux termes de laquelle l’emprunteur reconnaît avoir reçu le formulaire de rétractation peut être considérée comme un indice probatoire de la réalité de sa réception, il appartient au prêteur de fournir d’autres éléments à l’effet de prouver la remise effective de ce bordereau de rétractation.
Problème de droit : Une clause type par laquelle l’emprunteur reconnaît avoir reçu un formulaire de rétractation peut-elle avoir pour effet d’inverser la charge incombant en principe au prêteur de la preuve de son obligation d’informer le consommateur du droit de repentir que lui confère la loi ?
Solution : A cette question, la Cour de cassation répond, et de manière particulièrement étayée, par la négative. Elle rappelle tout d’abord qu’il résulte des articles L. 311-12 et L. 311-48 du Code de la consommation, dans leurs rédactions antérieures à celles issues de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016 que pour permettre à l’emprunteur d’exercer son droit de rétractation, un formulaire détachable est joint à son exemplaire du contrat de crédit et que le prêteur qui accorde un crédit sans remettre à l’emprunteur un contrat comportant un tel formulaire est déchu du droit aux intérêts en totalité ou dans la proportion fixée par le juge.
Elle précise ensuite que ces dispositions sont issues de la transposition par la France de la Directive n° 2008/48/CE du Parlement européen et du Conseil du 28 avril 2008, concernant les contrats de crédit aux consommateurs et abrogeant la Directive n° 87/102/CEE.
Elle ajoute que par son arrêt du 18 décembre 2014 (CJUE 18 déc. 2014, CA Consumer Finance, C-449/13), la Cour de justice de l’Union européenne a dit pour droit que les dispositions de la directive précitée devaient être interprétées en ce sens qu’elles s’opposent à ce qu’en raison d'une clause type, le juge doive considérer que le consommateur a reconnu la pleine et correcte exécution des obligations précontractuelles incombant au prêteur, cette clause entraînant ainsi un renversement de la charge de la preuve de l’exécution des obligations en question de nature à compromettre l’effectivité des droits reconnus par la directive n° 2008/48. Plusieurs règles déclinant la règle d’interprétation ainsi dégagée par la CJUE dans cette même décision sont également indiquées par la Cour de cassation. Et celle-ci de conclure « qu’il incombe au prêteur de rapporter la preuve de ce qu'il a satisfait à ses obligations précontractuelles et que, contrairement à ce qu’a précédemment jugé la Cour de cassation (Civ. 1re, 16 janv. 2013, n° 12-14.122), la signature par l'emprunteur de l’offre préalable comportant une clause selon laquelle il reconnaît que le prêteur lui a remis le bordereau de rétractation constitue seulement un indice qu’il incombe à celui-ci de corroborer par un ou plusieurs éléments complémentaires ». Elle casse en conséquence la décision des juges du fond qui, en statuant comme ils l’ont fait, ont violé les textes précités
L’élaboration du commentaire
L’analyse de l’arrêt est désormais effectuée. Reste à bâtir et nourrir le commentaire.
Il est de bonne méthode de rechercher alors dans quelle thématique générale s’inscrit l’arrêt à commenter, ce qu’une parfaite identification des questions de droit tranchée par l’arrêt vous permet aisément de découvrir. En l’occurrence, l’arrêt porte sur la charge de la preuve du devoir d’informer.
La structure du commentaire
Pour construire votre commentaire, en clair pour élaborer son plan, il convient d’expliquer l’arrêt et d’apprécier sa solution. Ce qui consiste :
– à en restituer clairement le sens ;
– à en déterminer la portée ;
– et à en discuter la valeur,
étant entendu que ces trois éléments sont ici d’égale importance.
Proposition de plan détaillé
Avant l’analyse de l’arrêt proprement dite qui compose le cœur de l’introduction, il faut insister sur son contexte. Après quoi, vous pouvez intégrer l’analyse de l’arrêt proprement dite.
Enfin, après avoir exposé la décision retenue par la Cour de cassation, vous devez annoncer le plan de votre commentaire.
I. La recherche de la preuve de la remise du bordereau de rétractation
A. L’enjeu de la recherche : l’effectivité du droit de rétractation du consommateur
· Reconnaissance à l’emprunteur souscrivant un crédit à la consommation d’un droit de rétractation, sans motifs et dans un délai de 14 jours (C. consom., art. L. 312-19, anc. art. L. 311-12) : règle de faveur au consommateur, dérogatoire au droit commun, issue d’une directive européenne (Dir. 2008/48/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 avr. 2008 concernant les contrats de crédit aux consommateurs).
· Nécessité d’assurer l’effectivité de ce droit, d’où l’obligation faite au prêteur de joindre à l’exemplaire du contrat de crédit remis à l’emprunteur un formulaire de rétractation détachable (C. consom., art. L. 312-21, anc. art. L. 311-12) ; bordereau établi conformément au modèle type joint en annexe à l’article R. 312-9 du code.
· Dans un même souci d’effectivité, sanctions lourdes et multiples en l’absence de remise du bordereau par le prêteur : déchéance du droit aux intérêts, en totalité ou dans la proportion fixée par le juge (C. consom., art. L. 341-4, anc. art. L. 311-48) et amende prévue pour les contraventions de la 5e classe (C. consom., art. R. 341-4).
- Le moyen de la recherche : la question préjudicielle à la CJUE
· CJUE 18 déc. 2014, CA Consumer Finance SA c/Ingrid Bakkaus e.a., C-449/13, visée dans la solution : question posée par les juges français et soulevée également en l’espèce de savoir si une clause type par laquelle l’emprunteur reconnaît avoir reçu la fiche d’informations due par le prêteur (art. 5 Dir., renvoyant à son annexe II), permet à ce dernier de justifier devant le juge de la bonne exécution de son obligation d’information= Réponse négative, rappelée dans l’arrêt : ce type de clauses pré-rédigées ne peut constituer qu’un indice de son exécution, à charge pour le prêteur de le corroborer par un ou plusieurs éléments de preuve complémentaires.
· Fondement : La CJUE considère que si une telle clause suffisait à établir la pleine et correcte exécution de son obligation d’information par le prêteur, elle entraînerait un renversement de la charge de la preuve de nature à compromettre l’effectivité des droits reconnus par la directive.
II. La détermination de la charge de la preuve de la remise du bordereau de rétractation
A. L’annonce d’un revirement
· JP antérieure de la Cour de cassation contraire à la position de la CJUE : v. Civ. 1re, 16 janv. 2013, n° 12-14.122, cité dans la solution ; v. déjà, Civ. 1re, 22 sept. 2011, n° 10-30.828 ; Civ. 1re, 12 juill. 2012, n° 11-17.595.
· Évolution : Civ. 1re, 5 juin 2019, n° 17-27.066 : la signature par l’emprunteur d’une clause type de reconnaissance de la remise de la fiche précontractuelle d’informations ne constitue qu’un « indice » que cette fiche lui a été remise qu’il incombe au prêteur de corroborer par un ou plusieurs éléments de preuve pertinents.
· Influence de cette décision sur la question du bordereau de rétractation : division des juges du fond. La position de la Cour de la cassation était donc attendue. Elle est ici apportée.
B. La réalisation du revirement
· Par cet arrêt = la décision du 18 décembre 2014 de la CJUE, ne se limitant pas à la fiche précontractuelle d’informations, est également applicable au bordereau de rétractation.
· Une simple clause figurant dans une convention de crédit, stipulant que l’emprunteur reconnait que le prêteur lui a bien remis le bordereau, ne peut avoir qu’une portée limitée. Le prêteur devra en toute hypothèse être en mesure de démontrer positivement qu’il a effectivement accompli son obligation d’information.
· Appréciation : solution conforme à la position de la CJUE, ainsi qu’à la jurisprudence de la Cour de cassation concernant la charge de la preuve de l’obligation d’information (Civ. 1re, 9 déc. 1997, n° 95-16.923) ; signe, également, de l’influence de la jurisprudence de la CJUE en matière de protection des consommateurs.
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