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À vos copies !
Droit des obligations
Charge et administration de la preuve
Chaque mois, retrouvez le commentaire d’une décision de justice issue de l’actualité jurisprudentielle.
Ce mois-ci, Dalloz Actu Étudiant vous propose de commenter l’arrêt Com. 22 mars 2011, n°09-72.426, sur les thèmes de la charge de la preuve et de l’administration de la preuve d’un acte juridique.
Arrêt
« Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Bourges, 24 septembre 2009), que la société Alternagro, spécialisée dans le commerce d'aliments pour le bétail, a allégué que la société du Haut Verneuil, par trois appels téléphoniques en date des 5, 12 et 23 novembre 2007, lui aurait passé trois commandes d'aliments pour le bétail pour des montants respectifs hors taxe de 1 696,80 euros, 1 702,40 euros et 1 696,80 euros ; que, par ordonnance du 13 mai 2008, le président du tribunal a enjoint à la société du Haut Verneuil de payer à la société Alternagro la somme de 5 376,72 euros ; que, sur opposition, le tribunal, réformant l'ordonnance, a rejeté la demande de la société Alternagro ;
Attendu que la société du Haut Verneuil fait grief à l'arrêt de l'avoir condamnée à payer à la société Alternagro la somme de 5 376,27 euros, alors, selon le moyen :
1°/ qu'il résulte de l'article 1315 du code civil, que nul ne peut se constituer une preuve à soi-même ; que cette règle doit recevoir application toutes les fois que la preuve d'un acte juridique n'est pas imputable à celui auquel on l'oppose ; qu'il doit en aller ainsi même lorsque le demandeur fonde sa prétention sur des documents qui n'émanent pas de lui mais de son propre sous-traitant ; que pour condamner l'Earl du Haut Verneuil à payer la somme de 5 376,27 euros à la Sa Alternagro, la cour d'appel s'est fondée sur les bons de commandes adressés par la Sa Alternagro à son mandataire, la société agricole du Vexin Normand, ainsi que sur des bons de fabrication et de livraisons établis par la société Agricole du Vexin Normand ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
2°/ que l'article 1315 du code civil, impose à celui qui se prévaut d'une obligation d'en rapporter la preuve ; que le simple silence opposé à l'affirmation d'un fait ne vaut pas en lui-même, reconnaissance de ce fait ; que pour reconnaître l'existence des trois ventes, la cour d'appel s'est fondée sur l'absence de contestation de la part de l'Earl du Haut Verneuil dans sa lettre adressée à la Sa Alternagro ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve et violé le texte susvisé ;
3°/ que selon l'article 1341 du code civil, la preuve d'un acte juridique conclu après le 1er janvier 2005, d'une valeur supérieure à 1 500 euros, doit être rapportée par écrit ; qu'en outre, cet écrit doit répondre à la formalité du double original de l'article 1325 du code civil, lorsque l'acte juridique est un contrat synallagmatique ; que selon l'article L. 110-3 du code de commerce, ces règles s'appliquent dans les actes mixtes lorsque c'est la partie commerçante qui entend prouver contre la partie non commerçante ; que si la société anonyme est effectivement une société commerciale par la forme, l'article L. 324-1 du code rural fait de l'Earl une société civile ; que dès lors, lorsqu'une société anonyme entend rapporter la preuve d'un acte juridique d'une valeur supérieure à 1 500 euros à l'encontre d'une Earl, seul l'écrit est admissible ; que pour faire droit à la demande de la Sa Alternagro et condamner l'Earl du Haut Verneuil à payer à celle-ci la somme de 5 376,27 euros, la cour d'appel s'est fondée sur des éléments qui ne constituent pas des écrits, mais qui s'apparentent, au mieux, à un aveu extrajudiciaire ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé l'article 1341 du code civil, ensemble les articles L. 110-3 du code de commerce et L. 324-1 du code rural ;
Mais attendu, en premier lieu, que c'est dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation des éléments de preuve qui lui étaient soumis et sans se fonder exclusivement sur des pièces émanant de la société Alternagro que la cour d'appel a statué comme elle a fait ;
Et attendu, en second lieu, qu'ayant relevé que les trois commandes litigieuses invoquées par la société Alternagro à l'encontre de la société du Haut Verneuil portaient sur des ventes d'aliments pour le bétail, la cour d'appel, usant de son pouvoir souverain d'appréciation de l'impossibilité morale de se procurer une preuve littérale de l'acte juridique résultant de l'usage en matière agricole qui autorise les parties à conclure verbalement les ventes d'aliments pour le bétail, a estimé que ces commandes pouvaient être faites par téléphone et ne pas être concrétisées par un écrit daté et signé par le client, la société du Haut Verneuil ;
D'où il suit que le moyen ne peut être accueilli en aucune de ses branches ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ; »
Travail préparatoire
Rappel de méthodologie
Un commentaire d’arrêt est un exercice qui comprend deux temps : l’explication de l’arrêt et son appréciation.
En d’autres termes, il faut, en premier lieu, expliquer le sens de l’arrêt. Ce qui suppose d’abord de le lire très attentivement, pour bien le comprendre. Ensuite, et c’est un temps essentiel de votre commentaire, il vous faut identifier la question que l’arrêt que vous devez commenter a résolue. En outre, il vous faut détecter la ou les règles de droit qui fondent la décision qui vous est soumise. Enfin, il vous faut faire un exercice de mémoire (si vous composez votre commentaire dans le cadre d’un examen) ou de recherche (si vous composez librement votre commentaire), non seulement pour découvrir le thème général dans lequel s’inscrit l’arrêt à commenter, mais encore pour trouver des éléments bibliographiques qui vous permettront de mieux comprendre l’arrêt que vous devez commenter et donc de mieux l’expliquer.
En second lieu, après avoir expliqué le sens de l’arrêt et démontré que vous l’avez compris, vous devez apprécier l’arrêt à commenter, donner une opinion sur la façon dont la Cour de cassation a tranché le litige et répondu à la question de droit, au fond, il vous faut juger les juges, vous prononcer sur la valeur de la décision, ce qui sera d’autant plus simple que vous pourrez la situer dans le temps, c’est-à-dire en déterminer la portée. Dans cette perspective d’appréciation de la valeur de l’arrêt, il vous faut exploiter des éléments bibliographiques qui vous permettront de recueillir les diverses opinions doctrinales qui se sont prononcées sur la question de droit réglée par la Cour de cassation, et de vous prononcer sur la pertinence des diverses thèses en présence à propos de la question de droit, celle que soutenaient les juges du fond, celle du demandeur au pourvoi et puis celle retenue par la Cour de cassation qui sera fatalement peu ou prou une des deux précédentes.
Analyser l’arrêt conduit à s’en tenir à le présenter en vue d’introduire votre commentaire. Voici la démarche à suivre :
– d’abord, il vous faut sélectionner les faits qui seront utiles dans la perspective de votre commentaire ;
– en outre, il convient de qualifier les faits, ce qui revient à les faire entrer dans une catégorie juridique donnée ;
– ensuite, il faut exposer les différentes étapes de la procédure, à savoir la décision des juges du fond, puis le moyen du pourvoi ;
– de plus, il vous faut énoncer la question de droit que l’arrêt a tranchée ;
– enfin, il convient d’exposer la solution que la Cour de cassation a finalement retenue.
Dans l’arrêt qu’il vous faut ici commenter, reprenons cette démarche :
■ Sélection des faits : Une société spécialisée dans le commerce d’aliments pour le bétail soutient qu’une autre société lui a passé trois commandes pour un montant total de 5 376,72 euros et elle lui en réclame le paiement.
■ Qualification des faits : Une société commerciale prétend qu’elle a conclu avec une société civile trois contrats de vente en qualité de vendeur et réclame à celle-ci le paiement du prix de ces ventes qui s’élève à 5 376,72 euros.
■ Exposé de la procédure : La société commerciale agit en paiement du paiement des prétendus contrats de vente dont la société civile conteste l’existence. Après rejet de sa demande en première instance, la société commerciale obtient satisfaction en appel. La société civile, condamnée par la cour d’appel à payer le prix des contrats qu’elle nie avoir conclu, forme un pourvoi qui repose sur des arguments tirés du droit de la preuve.
■ Énoncé de la question de droit : En l’espèce, deux questions de droit étaient posées :
– en premier lieu, la question de la charge de la preuve de l’existence des actes juridiques, dont l’existence même a été contestée par le demandeur au pourvoi ;
– en second lieu, la question de l’administration de la preuve de ces actes juridiques.
■ Exposé de la décision : La Cour de cassation rejette le pourvoi aux motifs, d’une part, que la cour d’appel ne s’était pas exclusivement fondée sur des éléments de preuve émanant du demandeur à l’action en paiement, d’autre part, que l’impossibilité morale de se préconstituer un écrit était avérée en l’espèce.
L’élaboration du commentaire
L’analyse de l’arrêt est désormais effectuée. Reste à bâtir et nourrir le commentaire.
Il est de bonne méthode de rechercher alors dans quelle thématique générale s’inscrit l’arrêt à commenter, ce qu’une parfaite identification des questions de droit tranchées par l’arrêt vous permet aisément de découvrir. En l’occurrence, l’arrêt a ceci de spécifique que tant le pourvoi que sa motivation sont articulés autour de deux thèmes : la charge de la preuve et l’administration de la preuve d’un acte juridique.
Dans la perspective de l’élaboration de votre commentaire, il convient que vous exploitiez :
– d’abord, les Précis Dalloz d’Introduction générale au droit de M. Terré, pour la question de la preuve, puis le Droit des obligations de MM. Terré, Simler et Lequette, qui comporte des développements sur le droit de la preuve ;
– ensuite, l’ouvrage Les grands arrêts de la jurisprudence civile de MM. Terré et Lequette qui contient des commentaires d’un arrêt rendus sur ces questions.
La structure du commentaire
Pour construire votre commentaire, en clair pour élaborer son plan, il convient d’expliquer l’arrêt et d’apprécier les deux règles qu’il rappelle. Ce qui consiste à :
– en restituer clairement le sens ;
– à en déterminer la portée ;
– et à en discuter la valeur,
étant entendu que ces trois éléments sont ici d’égale importance.
Proposition de plan détaillé
Introduction
Avant l’analyse de l’arrêt proprement dite qui compose le cœur de l’introduction (v. supra), il faut insister sur l’importance absolument fondamentale de la preuve d’un droit subjectif : « la preuve est la rançon des droits ». En outre, il convient de bien expliquer l’articulation des questions relatives à la charge et à l’administration de la charge de la preuve.
Après quoi, vous pouvez intégrer l’analyse de l’arrêt proprement dite (v. supra).
Enfin, après avoir exposé la décision retenue par la Cour de cassation, vous devez annoncer le plan de votre commentaire, lequel épousera nécessairement les deux réponses apportées aux deux questions qui étaient posées.
I. La charge de la preuve
A. Le prétendu renversement de la charge de la preuve
Dans cette première sous-partie, il conviendra d’expliquer les principes qui gouvernent la charge de la preuve et d’exposer les arguments du pourvoi tendant à dénoncer un renversement de la charge de la preuve.
– Le demandeur au pourvoi soutient que la cour d’appel a violé l’article 1315 du Code civil, texte dont on a induit les principes qui régissent la charge de la preuve, parce que les juges du fond auraient permis au demandeur à l’action en paiement, qui se prévalait donc de l’existence des actes juridiques litigieux, de se constituer une preuve à soi-même, et qu’il n’apportait aucune preuve de l’existence de sa créance de prix.
– Rappel et explication des règles légales et jurisprudentielles qui gouvernent la charge et le risque de la preuve.
– Retour sur la règle selon laquelle « nul ne peut se constituer une preuve à soi-même ».
B. L’application rigoureuse des règles sur la charge de la preuve
Dans cette seconde sous-partie, il convient d’exposer, d’expliquer et d’apprécier l’arrêt de la chambre commerciale au regard des règles exposées ci-dessus et des arguments du pourvoi.
– Mise en œuvre libérale en l’espèce de l’adage « nul ne peut se constituer une preuve à soi-même ». Appréciation critique de l’arrêt sur de point et rappel de la jurisprudence rendue à ce sujet.
– Exposé et explication de l’arrêt quant au pouvoir souverain d’appréciation du juge du fond à propos des modes de preuves produits par le demandeur.
– Appréciation critique de la décision au regard du droit positif sur la charge de la preuve.
II. L’administration rigoureuse des règles sur la charge de la preuve
A. La preuve sans écrit
– Explication de la décision de la Cour de cassation qui admet en l’espèce que la preuve des actes juridiques litigieux n’est pas soumise au principe de la preuve par écrit des actes juridiques (art. 1341 C. civ.). Impossibilité morale de se préconstituer un écrit, alors même qu’en l’occurrence c’était un commerçant qui entendait apporter la preuve d’un acte juridique à l’encontre d’un non commerçant, situation soumise au principe de la preuve par écrit.
– Exposer les règles générales qui président à l’impossibilité morale de se préconstituer un écrit et expliquer en l’espèce quelle était la cause de cette impossibilité, à savoir « l’usage en matière agricole qui autorise les parties à conclure verbalement les ventes d’aliments pour le bétail ».
– Revenir sur les autres cas de preuve sans écrit des actes juridiques : commencement de preuve par écrit ; impossibilité de produire l’écrit préconstitué ; copie fidèle et durable d’un acte instrumentaire.
B. Les modes de preuves admissibles
– Exposer et expliquer l’administration de la preuve d’un acte juridique en cas d’impossibilité de préconstituer un écrit : la preuve est alors libre et peut se faire par tous moyens : témoignages, présomptions du fait de l’homme, aveu extrajudiciaire, serment supplétoire.
– Dans ces cas de preuve sans écrit d’un acte juridique, le juge est libre alors qu’il est lié lorsqu’une preuve écrite préconstituée et régulière d’un acte juridique est pro
Références
■ www.dalloz-fiches. fr
Les modes de preuves : http://fiches.dalloz-etudiant.fr/introduction-au-droit/detail/fiche/138/h/1579114756.html
Objet et charge de la preuve : http://fiches.dalloz-etudiant.fr/introduction-au-droit/detail/fiche/137/h/0ef17eb120.html
■ Preuve
« Dans un sens large, établissement de la réalité d’un fait ou de l’existence d’un acte juridique. Dans un sens plus restreint, procédé utilisé à cette fin (écrit, témoignage…).
Lorsque les moyens de preuve sont préalablement déterminés et imposés par la loi, la preuve est dite légale. Dans le cas contraire, elle est dite libre ou morale. Il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention. »
■ Commencement de preuve par écrit
« Tout titre signé, émanant de celui contre lequel la demande est formée, mais qui ne peut, pour des raisons de fond ou de forme, constituer un écrit nécessaire à la preuve des actes juridiques (ex. : une reconnaissance d’enfant naturel faite sous seing privé, et non en la forme authentique n’est qu’un commencement de preuve par écrit); la production d’un tel document, s’il rend vraisemblable le fait allégué, autorise l’audition des témoins. »
Source : Lexique des termes juridiques 2011, 18e éd., Dalloz, 2010.
■ Code civil
« Celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver.
Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation. »
« Il doit être passé acte devant notaires ou sous signatures privées de toutes choses excédant une somme ou une valeur fixée par décret, même pour dépôts volontaires, et il n'est reçu aucune preuve par témoins contre et outre le contenu aux actes, ni sur ce qui serait allégué avoir été dit avant, lors ou depuis les actes, encore qu'il s'agisse d'une somme ou valeur moindre.
Le tout sans préjudice de ce qui est prescrit dans les lois relatives au commerce. »
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