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À vos copies !
Clause de non-garantie et action directe exercée au sein d’une chaîne de contrats
Chaque mois, retrouvez le commentaire d’une décision de justice issue de l’actualité jurisprudentielle.
Ce mois-ci, Dalloz Actu Étudiant vous propose de commenter l’arrêt Civ. 3e, 22 juin 2011, pourvoi n°08-21.804, relatif au régime de l’action exercée au sein d’une chaîne de contrats translatifs de propriété.
Arrêt
« Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 10 septembre 2008), que, par acte du 28 novembre 1988, la société Ogic, aux droits de laquelle se trouve la société Ogimmo, et la société des parkings de la ZAC Saint-Lucie ont vendu en l'état futur d'achèvement divers locaux et des emplacements de stationnement à la société Sofic, aux droits de laquelle sont venues la société Socodem, puis la société Socofinance ; que la société Sofic les a revendus pour partie le 27 décembre 1988 à la société Natiocrédimurs et pour une autre partie le 30 décembre 1988 à la société SDIF, devenue Trema Promotion puis Lesseps Promotion, laquelle a revendu certains lots à la société Natiocrédimurs ; que, par actes des 22 décembre 1988 et 30 octobre 1991, la société Natiocrédimurs a conclu avec la société Parissy des contrats de crédit-bail portant sur les biens dont elle était propriétaire, qu'elle a, le 31 juillet 1995, revendus à la société Natiocrédibail ; que, par acte du même jour, cette société et la société Auchan, venant aux droits de la société Parissy, ont résilié les conventions précédemment signées et conclu un nouveau contrat de crédit-bail ; qu'auparavant, à la suite de l'apparition de désordres et de non-conformités, les sociétés Natiocrédimurs et Parissy avaient assigné les vendeurs et les constructeurs en garantie ;
Sur le premier moyen, ci-après annexé :
Attendu qu'ayant, d'une part, relevé que l'acte de vente du 27 décembre 1988, auquel était intervenue la société Parissy, aux droits de laquelle venait la société Auchan, mentionnait que la société Natiocrédimurs reconnaissait que son rôle se bornait à assurer le financement de l'ensemble immobilier construit et que la société Parissy "assurera seule l'ensemble des droits qu'elle pourrait avoir lieu d'exercer à l'encontre de qui il appartiendra quant aux vices de l'ensemble immobilier" et qu'elle "fera seule, à ses frais exclusif, son affaire des procédures à engager", et, d'autre part, constaté qu'il était rappelé dans le contrat de crédit-bail du 31 juillet 1995 signé entre la société Natiocrédibail et la société Auchan que le rôle du bailleur se limitait au financement de l'investissement et que le nouveau contrat n'apportait aucune novation aux obligations résultant de toute convention passée précédemment, la cour d'appel en a déduit, par une interprétation souveraine, exclusive de dénaturation, que le rapprochement des termes des deux conventions rendait nécessaire, que la société Auchan avait qualité pour agir ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le deuxième moyen, après avis donné aux parties :
Attendu que la société Socofinance fait grief à l'arrêt d'évoquer le fond du litige et de la condamner à payer diverses sommes à la société Auchan, alors, selon le moyen, qu'il résulte de l'article 568 du code de procédure civile que lorsqu'elle est saisie d'un appel, la cour d'appel ne peut évoquer le fond du litige que si le jugement a ordonné une mesure d'instruction ou si, statuant sur une exception de procédure, celui-ci a mis fin à l'instance ; qu'en l'espèce, le jugement avait accueilli la fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité à agir de la société Auchan ; qu'en évoquant néanmoins le fond du litige, après avoir rejeté cette fin de non-recevoir, bien que le jugement n'avait pas ordonné une mesure d'instruction et n'avait pas statué sur une exception de procédure, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
Mais attendu que la dévolution s'opère pour le tout lorsque l'appel n'est pas limité à certains chefs ; que c'est à bon droit que la cour d'appel, après avoir infirmé le jugement ayant accueilli la fin de non-recevoir et, statuant à nouveau, déclaré la demande recevable, a statué sur le fond du litige ; que par ce motif de pur droit, substitué à ceux critiqués, l'arrêt se trouve légalement justifié ;
Sur le troisième moyen :
Attendu que la société Socofinance fait grief à l'arrêt de la condamner à payer diverses indemnités à la société Auchan en réparation de son préjudice, alors, selon le moyen, que le sous-acquéreur ne peut agir en responsabilité délictuelle ou contractuelle contre le vendeur d'origine s'il a déclaré prendre le bien en l'état précis où il se trouve au moment de la vente, s'il renonce à toute action en garantie contre son vendeur et s'il ne se réserve pas expressément l'éventuelle action dont disposerait son vendeur contre le vendeur d'origine ; qu'en l'espèce la société Socodem faisait expressément valoir dans ses conclusions d'appel que la société Natiocrédibail avait déclaré prendre les biens en l'état où ils se trouvaient et renoncer à toute action en garantie contre son vendeur la société Nationcrédimurs ; que l'acte de vente ne prévoyait pas davantage une cession, de la société Natiocrédimurs à la société Natiocrédibail, de l'action contre le vendeur d'origine pour les vices ou malfaçons affectant l'ouvrage ; que la société Auchan, crédit-preneur de la société Natiocrédibail ne pouvait pas davantage avoir d'action que son auteur contre le vendeur d'origine ; qu'en affirmant que les clauses de non-garantie prévues dans l'acte de vente conclu entre la société Natiocrédimurs et la société Natiocrédibail ne les privaient pas du droit d'agir contre le vendeur d'origine sans relever l'existence d'une clause de substitution d'action au profit de la société Natiocrédibail et la société Auchan contre la Sofic devenue Socodem, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134, 1604, 1641, 1642, 1646-1, 1382, 1792 et 2270 du code civil ;
Mais attendu, d'une part, que la cour d'appel n'a pas dit que les clauses de non-garantie figurant au contrat de vente conclu entre la société Natiocrédimurs et la société Natiocréditbail ne privaient pas la société Auchan du droit d'agir contre le vendeur d'origine ; que le moyen manque en fait de ce chef ;
Attendu, d'autre part, qu'une clause de non-garantie opposable par un vendeur intermédiaire à son propre acquéreur ne pouvant faire obstacle à l'action directe de l'acquéreur final contre le vendeur originaire, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de procéder à une recherche relative à l'existence d'une clause de substitution d'action au profit de la société Natiocrédibail, a légalement justifié sa décision en retenant que les clauses de non-garantie figurant au contrat de vente conclu entre la société Natiocrédimurs et la société Natiocrédibail ne privaient pas ces sociétés du droit d'agir contre le vendeur d'origine ;
Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur les quatrième, cinquième et sixième moyens qui ne seraient pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le pourvoi incident éventuel :
REJETTE les pourvois ;»
Travail préparatoire
Rappel de méthodologie
Un commentaire d’arrêt est un exercice qui comprend deux temps : l’explication de l’arrêt et son appréciation.
En d’autres termes, il faut, en premier lieu, expliquer le sens de l’arrêt. Ce qui suppose d’abord de le lire très attentivement, pour bien le comprendre. Ensuite, et c’est un temps essentiel de votre commentaire, il vous faut identifier la question que l’arrêt à commenter a résolue. En outre, il vous faut détecter la ou les règles de droit qui fondent la décision qui vous est soumise. Enfin, il vous faut faire un exercice de mémoire (si vous composez votre commentaire dans le cadre d’un examen) ou de recherche (si vous composez librement votre commentaire), non seulement pour découvrir le thème général dans lequel s’inscrit l’arrêt à commenter, mais encore pour trouver des éléments bibliographiques qui vous permettront de mieux comprendre l’arrêt que vous devez commenter et donc de mieux l’expliquer.
En second lieu, après avoir expliqué le sens de l’arrêt et démontré que vous l’avez compris, vous devez apprécier l’arrêt à commenter, donner une opinion sur la façon dont la Cour de cassation a tranché le litige et répondu à la question de droit, au fond, il vous faut juger les juges, vous prononcer sur la valeur de la décision, ce qui sera d’autant plus simple que vous pourrez la situer dans le temps, c’est-à-dire en déterminer la portée. Dans cette perspective d’appréciation de la valeur de l’arrêt, il vous faut exploiter des éléments bibliographiques qui vous permettront de recueillir les diverses opinions doctrinales qui se sont prononcées sur la question de droit réglée par la Cour de cassation, et de vous prononcer sur la pertinence des diverses thèses en présence à propos de la question de droit, celle que soutenaient les juges du fond, celle du demandeur au pourvoi et puis celle retenue par la Cour de cassation qui sera fatalement peu ou prou une des deux précédentes.
Analyser l’arrêt conduit à s’en tenir à le présenter en vue d’introduire votre commentaire. Voici la démarche à suivre :
– d’abord, il vous faut sélectionner les faits qui seront utiles dans la perspective de votre commentaire ;
– en outre, il convient de qualifier les faits, ce qui revient à les faire entrer dans une catégorie juridique donnée ;
– ensuite, il faut exposer les différentes étapes de la procédure, à savoir la décision des juges du fond, puis le moyen du pourvoi ;
– de plus, il vous faut énoncer la question de droit que l’arrêt a tranchée ;
– enfin, il convient d’exposer la solution que la Cour de cassation a finalement retenue.
Dans l’arrêt qu’il vous faut ici commenter, reprenons cette démarche :
■ Sélection des faits : Deux ventes sont successivement conclues sur un seul et même bien.
■ Qualification des faits : La propriété d’un bien est transférée par un contrat de vente intégré dans une chaîne de contrats translatifs de propriété.
■ Exposé de la procédure : L’acquéreur de ce bien exerce une action en garantie contre le vendeur originaire de ce bien, partie à la vente conclue avec son propre contractant, le vendeur intermédiaire. Le vendeur originaire oppose, pour faire obstacle à cette action directe, une clause de non-garantie stipulée dans le contrat qui unissait l’acquéreur au vendeur intermédiaire. La cour d’appel le déboute. Le vendeur originaire forme alors un pourvoi.
■ Énoncé de la question de droit : Pour faire échec à l’action directe exercée contre lui, le vendeur originaire peut-il opposer au sous-acquéreur une clause stipulée dans le contrat que celui-ci avait conclu avec le vendeur intermédiaire ?
■ Exposé de la décision : La Cour de cassation a rejeté le pourvoi au motif que « Une clause de non-garantie opposable par un vendeur intermédiaire à son propre acquéreur ne peut pas faire obstacle à l’action directe de l’acquéreur final contre le vendeur originaire».
L’élaboration du commentaire
L’analyse de l’arrêt est désormais effectuée. Reste à bâtir et nourrir le commentaire.
Il est de bonne méthode de rechercher alors dans quelle thématique générale s’inscrit l’arrêt à commenter, ce qu’une parfaite identification des questions de droit tranchée par l’arrêt vous permet aisément de découvrir. En l’occurrence, l’arrêt concerne le régime de l’action exercée au sein d’une chaîne de contrats.
Dans la perspective de l’élaboration de votre commentaire, vous devez rechercher dans vos ouvrages de droit des obligations et dans les revues juridiques les développements et les décisions consacrés à cette question.
La structure du commentaire
Pour construire votre commentaire, en clair pour élaborer son plan, il convient d’expliquer l’arrêt et d’apprécier sa solution. Ce qui consiste à :
– en restituer clairement le sens ;
– à en déterminer la portée ;
– et à en discuter la valeur,
étant entendu que ces trois éléments sont ici d’égale importance.
Proposition de plan détaillé
Introduction
Avant l’analyse de l’arrêt proprement dite qui compose le cœur de l’introduction, il faut revenir sur l’autonomie de principe des contrats qui composent un groupe contractuel.
Après quoi, vous pouvez intégrer l’analyse de l’arrêt proprement dite (v. supra).
Enfin, après avoir exposé la décision retenue par la Cour de cassation, vous devez annoncer le plan de votre commentaire, lequel doit toujours consister à expliquer puis à apprécier la décision.
■ ■ ■
La Cour se prononce d’une part, explicitement sur la portée de la clause stipulée dans un contrat intégré dans une chaîne de contrats, et confirme ainsi, d’autre part, le régime de l’action exercée au sein d’un tel groupe contractuel.
I. La portée de la clause stipulée dans un contrat intégré dans une chaîne de contrats
La Cour de cassation, dans un premier temps, décide que la clause litigieuse est inopposable, solution qui procède de la nature de l’action exercée au sein d’une chaîne de contrats, ce sur quoi on s’arrêtera, dans un second temps.
A. L’inopposabilité de la clause
Inopposabilité par le vendeur originaire de la clause de non-garantie, stipulée dans le contrat conclu par le demandeur à l’action directe.
Solution qui s’inscrit dans une jurisprudence constante. La Cour de cassation a, en effet, déjà décidé que le vendeur originaire, défendeur à une action directe en responsabilité exercée par le sous-acquéreur, ne peut pas faire échec à cette action en se prévalant d’une clause stipulée dans le contrat conclu entre celui-ci et le vendeur intermédiaire (Civ. 3e, 16 nov. 2005).
Dans le cadre d’une action directe exercée dans une chaîne de contrats, la clause de garantie ou de responsabilité stipulée dans le contrat conclu par le sous-acquéreur, demandeur à cette action, ne peut donc lui être opposée que par son propre contractant, à l’exclusion du défendeur à cette action.
B. La nature de l’action exercée au sein d’un groupe de contrat
Depuis de célèbres décisions de la Cour de cassation rendues en 1979, 1986 et 1991, il est désormais acquis que l’action exercée par un sous-acquéreur contre le vendeur originaire, de même que celle exercée par le maître de l’ouvrage contre le fabricant, est de nature nécessairement contractuelle. En somme, toutes les actions en garantie ou en responsabilité exercées au sein des groupes de contrats translatifs de propriété sont de nature contractuelle, alors même que les parties à cette action ne sont pas cocontractants.
C’est un motif de technique juridique qui fonde la nature contractuelle de l’action en garantie ou en responsabilité, laquelle est transmise accessoirement au bien dont la propriété est transférée au sous-acquéreur ou au maître de l’ouvrage. Le tiers, demandeur à l’action, jouit, en vertu de la théorie de l’accessoire, de tous les droits et actions, garantissant la qualité, la conformité et la sécurité du bien vendu, qui appartenaient à son auteur et que celui-ci tenait lui-même du contrat conclu avec le défendeur à l’action.
II. Le régime de l’action exercée au sein d’un groupe de contrats translatifs de propriété
Après avoir exposé le principe qui gouverne son régime, on en exposera les applications.
A. Le principe
C’est le contrat du défendeur à l’action directe qui constitue la source de l’action contractuelle qu’exerce contre lui le tiers victime, il est donc logique que le régime de cette action soit nécessairement et exclusivement déterminé par référence au contrat conclu par celui-là.
C’est donc le contrat de vente conclu entre le vendeur originaire, défendeur à l’action directe, et le vendeur intermédiaire, qui régit l’action contractuelle directe exercée par le demandeur, à savoir le sous-acquéreur. L’action dont est titulaire son auteur, le vendeur intermédiaire, est celle-là même dont celui-ci est titulaire à l’égard du vendeur originaire. Par conséquent, le régime de l’action du sous-acquéreur contre le vendeur originaire est décalqué sur celui de l’action du vendeur intermédiaire contre celui-ci. En clair, l’action du sous-acquéreur est la copie fidèle de celle du vendeur intermédiaire.
B. Applications
Puisque la mesure de la prétention du sous-acquéreur est déterminée par référence à la situation juridique du vendeur originaire :
– à la suite de l’action rédhibitoire exercée par le sous-acquéreur, le vendeur initial ne doit lui restituer que le prix qu’il avait reçu de son propre contractant et non pas le prix que le sous-acquéreur avait lui-même payé à son cocontractant (Civ. 1re, 27 janv. 1993) ;
– le vendeur originaire peut opposer au sous-acquéreur tous les moyens de défense qu’il aurait pu opposer à son propre cocontractant. Il peut donc opposer une clause limitative de réparation ou de garantie (Civ. 1re, 7 juin 1995), une clause attributive de compétence territoriale (Civ. 3e, 30 oct. 1991) ou une clause compromissoire (Civ. 1re, 27 mars 2007), stipulées dans le contrat qu’il avait conclu ;
– en revanche, seules les clauses stipulées dans le contrat du vendeur originaire sont opposables au sous-acquéreur. Ainsi, comme le rappelle l’arrêt commenté, une clause limitative de réparation stipulée dans le contrat conclu par le sous-acquéreur peut seulement lui être opposée par son propre contractant. Il en va donc exactement de même pour une clause de non-garantie stipulée dans son contrat, elle ne peut en aucun cas l’empêcher d’exercer son action contractuelle directe contre le vendeur originaire, dont le contrat qu’il a lui-même conclu constitue la source de cette action et détermine, à l’exclusion de tous les autres contrats de la chaîne, son régime.
Références
■ Y. Lequette, Fr. Terré, Ph. Simler, Droit civil. Les obligations, 10e éd., Dalloz, coll. « Précis », 2009.
[Droit civil]
« Action en justice exercée par un créancier, en son nom personnel et directement contre le tiers contractant de son propre débiteur. C’est ainsi que le bailleur peut exercer l’action en paiement du loyer contre le sous-locataire. On oppose l’action directe à l’action oblique (…).
Source : Lexique des termes juridiques 2012, 19e éd., Dalloz, 2011.
■ Civ. 3e, 16 nov. 2005, D. 2006. 971, note R. Cabrillac ; RDC 2006, 330, obs. D. Mazeaud.
■ Civ. 1re, 27 janv. 1993, Defrénois, 1993. 1437, obs. G. Vermelle
■ Civ. 1re, 7 juin 1995, CCC 1995, comm. n°159, obs. L. Leveneur ; D. 1996. 395, note D. Mazeaud ; JCP1995. I. 3892 , obs. G. Viney.
■ Civ. 3e, 30 oct. 1991, JCP 1992. I. 3570, obs. Ch. Jamin.
■ Civ. 1re, 27 mars 2007, D. 2007. 2077, S. Bollée.
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