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À vos copies !
Droit des obligations
Devoir d’information des professionnels à l’égard de l’acquéreur à l'occasion d'une opération d’investissement immobilier
Chaque mois, retrouvez le commentaire d’une décision de justice issue de l’actualité jurisprudentielle.
Ce mois-ci, Dalloz Actu Étudiant vous propose de commenter l’arrêt Civ. 1re, 10 octobre 2019, n° 18-21.594 et 18-23.169.
« Vu leur connexité, joint les pourvois n° U 18-21.594 et F 18-23.169 ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. Q..., désireux de réaliser un investissement immobilier dans un but de défiscalisation, est entré en relation avec la société Cincinnatus assurance, conseiller en gestion de patrimoine, qui, au terme d'une étude personnalisée, lui a conseillé d'investir dans un programme immobilier dénommé La Grange le Roy, développé sous l'égide de la société Financière Barbatre (le promoteur-vendeur) et présenté comme éligible au dispositif de défiscalisation institué par la loi n° 62-903 du 4 août 1962 ; que, par acte du 1er mars 2003, M. Q... et son épouse ont constitué la société civile immobilière Aviva MH (l'acquéreur) ; que, suivant acte notarié établi par M. N..., membre associé de la société civile professionnelle N...-U...-T...- V..., devenue la société civile professionnelle U...-T...- V..., titulaire d'un office notarial (la SCP notariale), l'acquéreur a acheté un local à usage d'habitation, constituant un des lots de l'ensemble immobilier ; que le promoteur-vendeur et ses filiales chargées de la réalisation des travaux et de l'exploitation de la future résidence hôtelière ont été placés en redressement judiciaire, puis en liquidation judiciaire avant la réalisation des travaux de réhabilitation ; que M. Q... et l'acquéreur, soutenant que le lot acquis avait perdu toute valeur, ont assigné la société Cincinnatus assurance et la SCP notariale en responsabilité et indemnisation ;
Sur le moyen unique du pourvoi n° F 18-23.169 :
Attendu que la société Cincinnatus assurance fait grief à l'arrêt de la condamner, in solidum avec la SCP notariale, à payer à la SCI Aviva MH la somme de 311 377 euros, alors, selon le moyen :
1°/ que l'obligation de renseignement, de conseil et de mise en garde incombant au conseil en gestion de patrimoine ne s'étend pas aux aléas juridiques ou financiers susceptibles de survenir pendant le cours normal de l'investissement qu'il a proposé à son client, lorsque ces aléas ne présentent aucune spécificité et sont de la connaissance de tous ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a considéré que la société Cincinnatus ne pouvait s'exonérer de son défaut d'information sur les risques et aléas du projet par l'affirmation péremptoire selon laquelle l'aléa est inhérent à un tel programme d'investissement et connu de tous, tandis que cet aléa avait été exclu « de sa proposition totalement sécurisée » ; qu'en se prononçant ainsi, tandis que la société Cincinnatus n'était pas tenue de mettre en garde M. Q... sur le fait que toute opération d'investissement immobilier aux fins de défiscalisation est susceptible d'échouer en cas de défaillance ultérieure de l'un des participants au projet de construction, risque inhérent à toute opération immobilière et de la connaissance de tous, et qui ne présentait aucune spécificité au regard du placement proposé, la cour d'appel a violé les articles 1147 du code civil, devenu l'article 1231 du même code en ce qui concerne M. Q..., et 1382 du code civil, devenu l'article 1240 du même code en ce qui concerne l'acquéreur ;
2°/ que l'obligation de renseignement, de conseil et de mise en garde incombant au conseil en gestion de patrimoine ne s'étend pas aux aléas juridiques ou financiers susceptibles de survenir pendant le cours de l'investissement qu'il a proposé à son client, dès lors qu'à la date à laquelle il a conseillé ce placement, il ne disposait d'aucun élément de nature à l'alerter sur le risque d'un échec prévisible de l'opération d'investissement ; qu'en l'espèce, la société Cincinnatus faisait valoir que, lorsque le placement litigieux avait été proposé à M. Q... en 2003, elle avait préalablement procédé à des investigations sur la santé financière des sociétés du groupe Barbatre et sur l'état d'avancement du projet, sans disposer de la moindre information permettant de douter du succès de l'opération projetée, qui répondait notamment à l'ensemble des critères permettant de bénéficier des dispositions défiscalisantes de la loi Malraux ; que la cour d'appel a néanmoins retenu que la société Cincinnatus avait manqué à son devoir de conseil et de mise en garde envers M. Q..., dans la mesure où la commercialisation du programme à plus de 70 % ne suffisait pas en soi à garantir le succès de l'opération, qu'une proposition de livraison du bien en juillet 2005 tandis qu'il n'était pas contesté que le permis de construire n'était pas encore délivré, aurait dû l'alerter, et que la remise de la documentation commerciale afférente au programme et aux statuts de l'ASL ne pouvait valoir fourniture d'un conseil adapté compte tenu de la complexité des mécanismes proposés ; qu'en se prononçant ainsi par des motifs impropres à caractériser en quoi la société Cincinnatus, qui n'est pas un professionnel de la construction immobilière, avait pu identifier le moindre élément révélant un risque d'échec de l'opération à la date de la décision d'investir de M. Q..., la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1147 du code civil, devenu l'article 1231 du même code en ce qui concerne M. Q..., et 1382 du code civil, devenu l'article 1240 du même code en ce qui concerne l'acquéreur ;
3°/ que l'obligation de renseignement, de conseil et de mise en garde incombant au conseil en gestion de patrimoine ne s'étend pas aux aléas juridiques ou financiers susceptibles de survenir pendant le cours de l'investissement qu'il a proposé à son client, dès lors qu'à la date à laquelle il a conseillé ce placement, il ne disposait d'aucun élément de nature à l'alerter sur le risque d'un échec prévisible de l'opération d'investissement ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté, par motifs propres comme adoptés, que la faisabilité de l'opération n'avait pas été mise en péril avant le mois de janvier 2004, date à laquelle M. Q... avait déchargé la société Cincinnatus de toutes ses obligations ; qu'en décidant néanmoins que la société Cincinnatus avait manqué à son devoir de conseil envers M. Q... pour ne pas l'avoir alerté sur les risques d'échec de l'investissement immobilier proposé, après avoir constaté que de tels risques n'étaient pas caractérisés à la date à laquelle M. Q... avait décidé d'investir ni même à la date à laquelle il avait déchargé la société Cincinnatus de son mandat, la cour d'appel a violé la cour d'appel a violé les articles 1147 du code civil, devenu l'article 1231 du même code en ce qui concerne M. Q..., et 1382 du code civil, devenu l'article 1240 du même code en ce qui concerne l'acquéreur ;
Mais attendu qu'après avoir constaté que la présentation de l'opération conseillée se conclut ainsi : « votre montage sera totalement sécurisé » et que la société Cincinnatus assurance n'a émis aucune réserve sur l'existence d'un éventuel aléa, l'arrêt retient que la présentation ne comporte aucune explication sur l'opération de restauration immobilière, qu'il n'existe aucune mention au titre des obligations de l'investisseur, telle que celle tenant à la réalisation des travaux, aléa qui conditionnait pourtant la défiscalisation recherchée, et que ne figure aucune indication sur les risques encourus en cas de retard dans le démarrage des travaux ou d'inexécution de ceux-ci, alors qu'une date de fin de chantier est expressément indiquée, que ces risques n'étaient pas de la « connaissance de tous » et que cette information lui était due, même s'il pouvait être admis que la société Cincinnatus assurance n'avait pas de raison de douter de la fiabilité des entreprises du promoteur-constructeur ; que la cour d'appel a ainsi caractérisé les manquements de la société Cincinnatus à son obligation de conseil et d'information à l'égard de l'acquéreur sur l'aléa essentiel de l'opération de défiscalisation ; que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le moyen unique du pourvoi n° U 18-21.594 :
Vu l'article 1382, devenu 1240 du code civil ;
Attendu que, pour condamner la SCP notariale, in solidum avec la société Cincinnatus assurance, à payer à l'acquéreur la somme de 311 377 euros à titre de dommages-intérêts en réparation de ses préjudices, l'arrêt retient que la SCP notariale aurait dû attirer l'attention de l'acquéreur sur l'aléa essentiel de cette opération que représentait l'absence de garantie de bonne fin des travaux, dont le succès était économiquement subordonné à la réhabilitation complète de l'immeuble ;
Qu'en statuant ainsi, alors que le notaire, non soumis à une obligation de conseil et de mise en garde concernant la solvabilité des parties ou l'opportunité économique d'une opération en l'absence d'éléments d'appréciation qu'il n'a pas à rechercher, n'était pas tenu d'informer l'acquéreur du risque d'échec du programme immobilier, qu'il ne pouvait suspecter au jour de la signature de la vente, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
Et attendu qu'en application des articles L. 411-3 du code de l'organisation judiciaire et 1015 du code de procédure civile, la Cour de cassation est en mesure de statuer au fond, dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la SCP U...-T...-V..., in solidum avec la société Cincinnatus, à payer à la société civile immobilière Aviva MH la somme de 311 377 euros à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
Rejette les demandes formées par la société Aviva MH à l'encontre de la SCP U...-T...-V... ;
Condamne la société Cincinnatus assurance aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;»
Travail préparatoire
Rappel de méthodologie
Un commentaire d’arrêt est un exercice qui comprend deux temps : l’explication de l’arrêt et son appréciation.
En d’autres termes, il faut, en premier lieu, expliquer le sens de l’arrêt. Ce qui suppose d’abord de le lire très attentivement, pour bien le comprendre. Ensuite, et c’est un temps essentiel de votre commentaire, il vous faut identifier la question que l’arrêt à commenter a résolue. En outre, il vous faut détecter la ou les règles de droit qui fondent la décision qui vous est soumise. Enfin, il vous faut faire un exercice de mémoire (si vous composez votre commentaire dans le cadre d’un examen) ou de recherche (si vous composez librement votre commentaire), non seulement pour découvrir le thème général dans lequel s’inscrit l’arrêt à commenter, mais encore pour trouver des éléments bibliographiques qui vous permettront de mieux comprendre l’arrêt que vous devez commentez et donc de mieux l’expliquer.
En second lieu, après avoir expliqué le sens de l’arrêt et démontrer que vous l’avez compris, vous devez apprécier l’arrêt à commenter, donner une opinion sur la façon dont la Cour de cassation a tranché le litige et répondu à la question de droit, au fond, il vous faut juger les juges, vous prononcer sur la valeur de la décision, ce qui sera d’autant plus simple que vous pourrez la situer dans le temps, c’est-à-dire en déterminer la portée. Dans cette perspective d’appréciation de la valeur de l’arrêt, il vous faut exploiter des éléments bibliographiques qui vous permettront de recueillir les diverses opinions doctrinales qui se sont prononcées sur la question de droit réglée par la Cour de cassation, et de vous prononcer sur la pertinence des diverses thèses en présence à propos de la question de droit, celle que soutenaient les juges du fond, celle du demandeur au pourvoi et puis celle retenue par la Cour de cassation qui sera fatalement peu ou prou une des deux précédentes.
Analyse de l’arrêt
Analyser l’arrêt conduit à s’en tenir à le présenter en vue d’introduire votre commentaire. Voici la démarche à suivre :
– d’abord, il vous faut sélectionner les faits qui seront utiles dans la perspective de votre commentaire ;
– en outre, il convient de qualifier les faits, ce qui revient à les faire entrer dans une catégorie juridique donnée ;
– ensuite, il faut exposer les différentes étapes de la procédure, à savoir la décision des juges du fond, puis le moyen du pourvoi ;
– de plus, il vous faut énoncer la question de droit que l’arrêt a tranchée ;
– enfin, il convient d’exposer la solution que la Cour de cassation a finalement retenue.
Dans l’arrêt qu’il vous faut ici commenter, reprenons cette démarche :
Sélection des faits : Un homme désireux de réaliser un investissement dans un but de défiscalisation était entré en relation avec une société d’assurance. Suivant les préconisations de cette dernière, il avait investi dans un programme immobilier pour la réalisation duquel il s’était rapproché d’une SCP notariale en vue d’obtenir le financement nécessaire à l’achat d’un lot dans l’ensemble visé ainsi que des travaux de réhabilitation exigés, confiés à un promoteur, lequel avait été placé en liquidation judiciaire.
Qualification des faits : Sur les conseils d’une société spécialisée dans la gestion de patrimoine, un investisseur avait, par acte notarié, acheté un lot dans une résidence hôtelière à construire. Après que le promoteur chargé de la réalisation des travaux ait été, avant leur achèvement, placé en liquidation judiciaire, l’investisseur reprocha à son conseiller en gestion de patrimoine ainsi qu’à son notaire ne pas l’avoir alerté sur le risque de perte de l'investissement du fait de la faillite d'un intervenant. Il assigna donc ces deux professionnels en responsabilité et en indemnisation de la perte de chance de ne pas avoir contracté.
Procédure et thèses en présence : La cour d’appel accueillit ses demandes et condamna les deux professionnels in solidum. Ces derniers formèrent un pourvoi en cassation. Le conseiller en gestion de patrimoine (CGP) soutenait que son obligation de conseil et de mise en garde ne s’étendait pas aux aléas juridiques ou financiers susceptibles de survenir pendant le cours normal de l’investissement qu’il avait présenté à son client, lorsque ces aléas ne présentent aucune spécificité et sont de la connaissance de tous et qu’à la date à laquelle il a conseillé ce placement, il ne disposait d’aucun élément de nature à l’alerter sur le risque d’un échec prévisible de l’opération d’investissement. Le notaire invoquait quant à lui qu’en sa seule qualité d’authentificateur d’actes, il n’était pas tenu d’une obligation de conseil et de mise en garde concernant la faisabilité et l’opportunité économique d’une opération globale dans laquelle s’insérait l’acte qu’il avait instrumente.
Problème de droit : Dans le cadre d’une opération d’optimisation fiscale, l’obligation de conseil et de mise en garde incombant au conseiller en gestion de patrimoine et au notaire instrumentaire s’étend-elle au risque de sa non-réalisation et, plus particulièrement, au risque de faillite d’un tiers intervenant ?
Solution : La Cour de cassation juge le moyen du CGP infondé ; elle confirme l’analyse de la cour d’appel qui, après avoir constaté que ce dernier avait exclu tout risque inhérent à l’opération conseillée, en présentant un « montage totalement sécurisé » et en mentionnant une date de fin de chantier, ce qui conduisait à masquer l’aléa, dont dépendait pourtant la défiscalisation recherchée, lié à un éventuel retard dans le démarrage des travaux ou à une possible inexécution de ceux-ci, ces risques n’étant pas de la « connaissance de tous », en sorte que se trouvaient ainsi caractérisés les manquements du CGP à son obligation de conseil et d’information à l’égard de l’acquéreur sur l’aléa essentiel de l’opération de défiscalisation.
En revanche, elle a jugé que le notaire n'était pas responsable de l'absence de conseil et de mise en garde concernant aussi bien la solvabilité des intervenants que l'opportunité économique de l'opération. Par principe, ce dernier n'a pas à informer l'acquéreur sur le risque d'échec du projet immobilier qu’il ne peut, en l’absence d’éléments d’appréciation qu’il n’a pas à rechercher, suspecter au jour de la signature de la vente.
L’élaboration du commentaire
L’analyse de l’arrêt est désormais effectuée. Reste à bâtir et nourrir le commentaire.
Il est de bonne méthode de rechercher alors dans quelle thématique générale s’inscrit l’arrêt à commenter, ce qu’une parfaite identification des questions de droit tranchée par l’arrêt vous permet aisément de découvrir. En l’occurrence, l’arrêt porte sur le devoir d’information des professionnels à l’égard de l’acquéreur à l'occasion d'une opération d’investissement immobilier.
La structure du commentaire
Pour construire votre commentaire, en clair pour élaborer son plan, il convient d’expliquer l’arrêt et d’apprécier sa solution. Ce qui consiste :
– à en restituer clairement le sens ;
– à en déterminer la portée ;
– et à en discuter la valeur,
étant entendu que ces trois éléments sont ici d’égale importance.
Proposition de plan détaillé
Avant l’analyse de l’arrêt proprement dite qui compose le cœur de l’introduction, il faut insister sur son contexte. Après quoi, vous pouvez intégrer l’analyse de l’arrêt proprement dite.
Enfin, après avoir exposé la décision retenue par la Cour de cassation, vous devez annoncer le plan de votre commentaire.
I. Limite au devoir d’information du notaire
A. L’opportunité économique de l’opération, objet exclu du devoir d’information
- Principe : absence d’obligation pour le notaire de rechercher l’opportunité économique d’une opération dont il reçoit l’acte et de conseiller ses clients en conséquence. La réponse apportée à la question, légitime, de l’obligation pour le notaire de rechercher les intentions des parties à l’acte et, notamment, des éventuelles répercussions économiques d’une opération à laquelle il participe, est désormais constante : Civ. 3e, 5 juill. 2011, n° 09-72.368 ; Civ. 1re, 18 févr. 2015, n° 14-11.557.
- Limite : si le notaire a été effectivement en possession d’informations de nature à le faire douter de la viabilité économique de l’opération, il doit en informer les parties et les conseiller en conséquence. S’il est libre de chercher à les obtenir, il n’est pas libre de taire des informations qu’il sait déterminantes sur le consentement des parties à une opération de ce type (Civ. 1re, 17 juin 2015, n° 13-19.759 ; Civ. 1re, 15 juin 2016, n° 15-14.192).
B. Les raisons de l’exclusion
- Le statut particulier du notaire, représentant l’Etat et non les seuls intérêts des parties en présence, semblerait être à l’origine de cette solution.
- Pour la confirmer en l’espèce, les juges considèrent, sous un angle plus technique, que le notaire est libre de tenir compte des motifs économiques des parties comme l’état de solvabilité des intervenants, qui sont autant d’éléments extrinsèques à l’acte qu’il instrumente. Il s’agit de ne pas reprocher au notaire de ne pas avoir alerté son client des risques financiers encourus par une opération globale pour laquelle il ne disposait pas de l’ensemble des données nécessaires à son appréciation, en l’occurrence, de ne pas avoir fait état de l’éventuelle insolvabilité du promoteur.
II. Etendue du devoir d’information du CGP
A. La bonne fin de l’opération, objet principal de la mission du CGP
- Objet de sa mission : gestion et optimisation du patrimoine de ses clients. Celle-ci suppose de mettre à sa charge une obligation d’investigation dont le notaire est dispensé. La recherche, l’évaluation et la prise en compte des éléments extérieurs à l’opération globale dont il prend la charge (fluctuations et variations du marché immobilier, difficultés financières et solvabilité des sociétés parties prenantes à l’opération), ainsi que de l’ensemble des mobiles de ses clients, financiers, fiscaux etc., se trouvent au cœur de sa mission.
- Dans le cadre d’opérations d’optimisation fiscale, il est ainsi tenu de tout mettre en œuvre pour obtenir le succès de celles-ci (même s’il n’est donc tenu qu’à une obligation de moyens en la matière).
B. L’opportunité économique de l’opération, objet naturel de son devoir d’information
- Le CGP doit informer son client des conditions auxquelles le succès de l’opération financière projetée est soumis et des risques qui découlent du défaut de réalisation de ces conditions. C’est pourquoi en l’espèce, les juges sanctionnent les manquements caractérisés de la société à son devoir d’information sur l’aléa essentiel de l’opération de défiscalisation
- Confirmation d’une jurisprudence bien établie concernant les obligations du CGP (V. Civ. 1re, 17 juin 2015, préc. ; la Cour de cassation a censuré l’arrêt de la Cour au motif que cette dernière n’avait pas recherché si l’investisseur X « avait été informé que l’acquisition conseillée ne lui garantissait pas la bonne fin de l’opération, dont le succès était économiquement subordonné à la commercialisation rapide et à la réhabilitation complète de l’immeuble destiné à être exploité en résidence hôtelière, ce qui constituait un aléa essentiel de cet investissement immobilier de défiscalisation à finalité touristique »)
- Plus largement, la Haute juridiction considère tout professionnel concourant à une opération d’investissement immobilier tenu, à l’égard de ses clients, d’une obligation d’information et de conseil sur les caractéristiques du produit proposé et les risques susceptibles de compromettre la rentabilité escomptée (V, à propos du « commercialisateur » d’un produit de défiscalisation qui n’avait pas alerté l’investisseur sur les risques et la fragilité du montage proposé, Civ. 1re, 30 avr. 2014, n° 13-10.582 ; préc., à propos d’un agent immobilier, Civ. 3e, 8 févr. 2018, n° 17-11.051).
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