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À vos copies !

Droit des obligations
Durée de l’obligation d’information annuelle due à la caution personne physique
Chaque mois, retrouvez le commentaire d’une décision de justice issue de l’actualité jurisprudentielle.
Ce mois-ci, Dalloz Actu Étudiant vous propose de commenter l’arrêt Civ. 2e, 30 avr. 2025, n° 22-22.033.
Travail préparatoire
Rappel de méthodologie
Un commentaire d’arrêt est un exercice qui comprend deux temps : l’explication de l’arrêt et son appréciation.
En d’autres termes, il faut, en premier lieu, expliquer le sens de l’arrêt. Ce qui suppose d’abord de le lire très attentivement, pour bien le comprendre. Ensuite, et c’est un temps essentiel de votre commentaire, il vous faut identifier la question que l’arrêt à commenter a résolue. En outre, il vous faut détecter la ou les règles de droit qui fondent la décision qui vous est soumise. Enfin, il vous faut faire un exercice de mémoire (si vous composez votre commentaire dans le cadre d’un examen) ou de recherche (si vous composez librement votre commentaire), non seulement pour découvrir le thème général dans lequel s’inscrit l’arrêt à commenter, mais encore pour trouver des éléments bibliographiques qui vous permettront de mieux comprendre l’arrêt que vous devez commentez et donc de mieux l’expliquer.
En second lieu, après avoir expliqué le sens de l’arrêt et démontrer que vous l’avez compris, vous devez apprécier l’arrêt à commenter, donner une opinion sur la façon dont la Cour de cassation a tranché le litige et répondu à la question de droit, au fond, il vous faut juger les juges, vous prononcer sur la valeur de la décision, ce qui sera d’autant plus simple que vous pourrez la situer dans le temps, c’est-à-dire en déterminer la portée. Dans cette perspective d’appréciation de la valeur de l’arrêt, il vous faut exploiter des éléments bibliographiques qui vous permettront de recueillir les diverses opinions doctrinales qui se sont prononcées sur la question de droit réglée par la Cour de cassation, et de vous prononcer sur la pertinence des diverses thèses en présence à propos de la question de droit, celle que soutenaient les juges du fond, celle du demandeur au pourvoi et puis celle retenue par la Cour de cassation qui sera fatalement peu ou prou une des deux précédentes.
Analyse de l’arrêt
Analyser l’arrêt conduit à s’en tenir à le présenter en vue d’introduire votre commentaire. Voici la démarche à suivre :
– d’abord, il vous faut sélectionner les faits qui seront utiles dans la perspective de votre commentaire ;
– en outre, il convient de qualifier les faits, ce qui revient à les faire entrer dans une catégorie juridique donnée ;
– ensuite, il faut exposer les différentes étapes de la procédure, à savoir la décision des juges du fond, puis le moyen du pourvoi ;
– de plus, il vous faut énoncer la question de droit que l’arrêt a tranchée ;
– enfin, il convient d’exposer la solution que la Cour de cassation a finalement retenue.
Dans l’arrêt qu’il vous faut ici commenter, reprenons cette démarche :
■ Sélection des faits : : Un prêt conclu sous la forme notariée le 23 avril 2004 est cautionné par un couple. Le débiteur principal se révélant défaillant, la banque demande aux deux cautions de s’exécuter. Sa demande restant infructueuse, l’établissement bancaire demande l’exécution forcée de biens immobiliers appartenant au couple.
■ Qualification des faits : Un prêt est conclu par acte notarié du 23 avril 2004. Deux personnes physiques s’engagent, en qualité de cautions, envers la banque prêteuse de deniers. Le débiteur principal devenu défaillant, les cautions sont appelées en paiement. L’établissement bancaire ne parvient toutefois pas à obtenir le règlement de la créance promise à l’égard de ses garants. Il décide, par conséquent, d’emprunter les voies de droit qui lui sont offertes à l’aide d’une procédure civile d’exécution.
■ Procédure : Par ordonnance du 22 septembre 2009, une exécution forcée est dirigée sur certains immeubles des cautions. Le 26 janvier 2021, les cautions saisissent le tribunal judiciaire afin de voir constater la prescription et l’abandon de cette procédure d’exécution forcée immobilière. Une ordonnance du 15 juillet 2021 les déboute de cette demande. En outre, le tribunal juge irrecevable la demande complémentaire formée par les garants tendant à faire déchoir la banque des intérêts, frais et pénalités dans les rapports avec les cautions en raison d’un défaut d’exécution de son obligation d’information annuelle, sur le fondement des dispositions du Code de la consommation et de celles du Code monétaire et financier alors applicables.
En cause d’appel, la cour limite la déchéance de la banque de son droit aux pénalités et intérêts de retard à la période du 3 novembre 2006 – date de la défaillance du débiteur principal - au 6 août 2009, date du commandement de payer.
■ Moyens du pourvoi : Les cautions soutiennent que la juridiction du second degré aurait dû rechercher si l’information annuelle qui leur était due avait été délivrée postérieurement au commandement de payer. Selon les demanderesses au pourvoi, cette obligation d’information annuelle, qui incombe aux banques bénéficiaires d’un cautionnement depuis la date de conclusion du contrat jusqu’à l’extinction de la dette garantie, devait se poursuivre au-delà du commandement délivré, jusqu’au terme de l’obligation garantie.
■ Problème de droit : : L’obligation d’information annuelle due à la caution au titre de l’obligation garantie doit-elle se poursuivre alors que le débiteur principal est devenu défaillant ? Plus encore, doit-elle perdurer alors même qu’un commandement de payer a été délivré ?
■ Solution : À cette question, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation répond par l’affirmative. Elle casse alors la décision des juges du fond, au visa de l'article L. 313-22 du Code monétaire et financier et de l'article L. 341-6, devenu L. 333-2 et L. 343-6, du Code de la consommation, dans leur rédaction antérieure à leur abrogation par l'ordonnance n° 2021-1192 du 15 septembre 2021.
Tout d’abord, elle rappelle que selon le premier de ces textes, les établissements de crédit ou les sociétés de financement ayant accordé un concours financier à une entreprise, sous la condition du cautionnement par une personne physique ou une personne morale, sont tenus au plus tard avant le 31 mars de chaque année de faire connaître à la caution le montant du principal et des intérêts, commissions, frais et accessoires restant à courir au 31 décembre de l'année précédente au titre de l'obligation bénéficiant de la caution, ainsi que le terme de cet engagement. Le défaut d'accomplissement de cette formalité emporte, dans les rapports entre la caution et l'établissement tenu à cette formalité, déchéance des intérêts échus depuis la précédente information jusqu'à la date de communication de la nouvelle information.
Ensuite, elle ajoute que selon le second texte visé, le créancier professionnel est tenu de faire connaître à la caution personne physique, au plus tard avant le 31 mars de chaque année, le montant du principal et des intérêts, commissions, frais et accessoires restant à courir au 31 décembre de l'année précédente au titre de l'obligation garantie, ainsi que le terme de cet engagement. A défaut, la caution ne saurait être tenue au paiement des pénalités ou intérêts de retard échus depuis la précédente information jusqu'à la date de communication de la nouvelle information.
La Cour déduit de la combinaison de ces dispositions de droit spécial que l'obligation d'information annuelle de la caution se poursuit jusqu'à l'extinction de la dette garantie par le cautionnement. En conséquence, la défaillance du débiteur principal, dont la caution personne physique doit également être informée en application de l'article L. 341-1, devenu L. 333-1, du Code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à son abrogation par l'ordonnance n° 2021-1192 du 15 septembre 2021, dès le premier incident de paiement non régularisé, ne dispense pas le créancier professionnel de son obligation d'information annuelle prévue aux articles L. 313-22 et L. 341-6 précités.
I. L’information annuelle de la caution : une obligation étendue
A. Périmètre de l’obligation
- L’information due par le créancier professionnel bénéficiaire d’un cautionnement est double : obligation d’information annuelle relative à l’étendue de l’engagement de la caution ; obligation d’information relative à la défaillance du débiteur principal (C. civ., art. 2302 et 2303).
- Au cœur de la solution, l’obligation annuelle d’information de la caution s’applique à 2 catégories de cautionnements : cautionnements souscrits par une personne morale envers un établissement de crédit ou une société de financement en garantie d’un concours financier accordé à une entreprise ; cautionnements souscrits par de simples personnes physiques envers un créancier professionnel, ainsi qu’en l’espèce (pts 6 et 7).
- Concernant la seconde catégorie ici mobilisée, l’obligation s’étend à tout cautionnement, personnel ou réel, quelle que soit la nature de l’opération garantie (civile ou commerciale), et indépendamment du caractère profane ou averti du garant.
- L’obligation consiste à contraindre les banques à fournir à la caution, à la fin de chaque exercice, une information précise concernant à la fois le montant en principal de la dette garantie, mais également les intérêts et accessoires (et non pas, par ex., le montant global restant dû); au-delà de ces informations relatives au montant de l’engagement de caution, la banque doit également rappeler à la caution sa durée : v. art. 2302 du Code civil, unifiant les règles issues des anciennes dispositions du Code de la consommation et du Code monétaire et financier figurant au visa.
B. Durée de l’obligation
- L’obligation d’information annuelle s’étend du début du cautionnement jusqu’à l’extinction de la dette garantie.
- L’information due par le créancier professionnel doit être délivrée à la caution avant le 31 mars de chaque année ; elle doit être fournie dès lors que la dette cautionnée existe au 31 décembre de l’année précédente.
- Elle doit, en outre, être exécutée jusqu’à l’extinction de la dette ; délimitation temporelle de l’obligation d’information, figurant au cœur de la solution : « l’obligation d’information annuelle de la caution se poursuit jusqu’à l’extinction de la dette garantie par le cautionnement » (pt 8) ; rappel de l’extension de cette obligation à la date d’extinction de la dette principale v. déjà, Civ. 2e, 4 juill. 2007, n° 06-11.910 ; Com. 16 nov. 2010, n° 09-71.935 ; Com. 13 déc. 2017, n°16-14.404).
- Justification : volonté de protection des cautions ayant intérêt à suivre l’évolution des créances garanties jusqu’à ce que la dette soit définitivement éteinte.
II. L’information annuelle de la caution : une obligation continue
A. L’indifférence à la défaillance du débiteur principal
-La continuité de cette obligation explique que la banque reste tenue d’informer la caution après la défaillance du débiteur principal ; comme le rappelle la Cour, la défaillance du débiteur principal non régularisée ne vient pas dispenser le créancier professionnel de son obligation d’information (pt 9) : ce n’est pas parce que le débiteur devient défaillant que l’obligation d’information annuelle doit cesser, ni même s’estomper.
-Règle transposable au droit nouveau, qui reste par ailleurs silencieux sur ce point ; il va cependant de soi que la défaillance du débiteur est sans incidence sur la poursuite de l’exécution de l’obligation d’information incombant à la banque, l’information trouvant dans ce cas encore plus d’intérêt à être délivrée de manière continue.
B. L’indifférence aux poursuites du créancier
-La continuité de cette obligation explique encore que la banque reste tenue d’informer la caution même après la délivrance d’un commandement de payer ; de façon générale, l’information étant due jusqu’à l’extinction de la dette, peu importe qu’une mise en demeure ou des poursuites aient été engagées par le créancier. D’où l’indifférence affichée par la Cour au commandement de payer délivré le 6 août 2009 : la cour d’appel aurait, en tout état de cause, dû vérifier si une information annuelle avait bien été délivrée, d’année en année, de 2009 à 2021, date de la nouvelle assignation introductive (pt 11).
-L’opportunité de cette solution pour les cautions est illustrée par les circonstances de l’espèce : en douze ans, la dette a pu avoir notablement évolué, et la protection des intérêts de la caution personne physique justifie la permanence de son information annuelle, dont la banque reste débitrice nonobstant la délivrance d’un commandement de payer. La Cour d’appel de renvoi devra en conséquence s’appuyer sur les données factuelles du litige pour déterminer si l’information due aux cautions a effectivement été délivrée (ou non) après 2009 ; l’absence éventuelle d’une information annuelle la conduira le cas échéant à constater une nouvelle déchéance du droit aux intérêts et des pénalités ou intérêts de retard échus pour la période postérieure à 2009.
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