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Garantie des vices cachés et actions possibles pour l’acquéreur

[ 21 décembre 2017 ] Imprimer

Droit des obligations

Garantie des vices cachés et actions possibles pour l’acquéreur

Chaque mois, retrouvez le commentaire d’une décision de justice issue de l’actualité jurisprudentielle.

Ce mois-ci, Dalloz Actu Étudiant vous propose de commenter l’arrêt Civ. 3e, 14 décembre 2017, n° 16-24.170 permettant de faire le point sur la garantie des vices cachés et les actions auxquelles cette garantie donne droit à l’acquéreur

"Attendu, selon l’arrêt attaqué (Bourges, 21 juillet 2016), que, par acte authentique du 20 juillet 2007, dressé par M. Z..., notaire membre de la société civile professionnelle A...(le notaire), M. X... (le vendeur) a vendu, au prix de 98 000 euros, par l’intermédiaire de la société Marc immobilier (l’agent immobilier), à M. et Mme Y... (les acquéreurs) une maison d’habitation atteinte de fissures anciennes ; qu’un jugement irrévocable du 25 septembre 1997 avait admis le principe de sa démolition et de sa reconstruction en raison des désordres compromettant la solidité de l’immeuble et du refus de délivrance du certificat de conformité ; que, se plaignant de l’apparition de nouvelles fissures et de déformations du gros oeuvre, les acquéreurs ont, après expertise, assigné en garantie des vices cachés le vendeur et le notaire ; que celui-ci a appelé en garantie l’agent immobilier ; que le vendeur a appelé en garantie M. B..., l’entrepreneur à qui il avait confié, en septembre 2003, des travaux de reprises ;

Sur le premier moyen du pourvoi incident du notaire, pris en première branche, ci-après annexé :

Attendu que le notaire fait grief à l’arrêt de déclarer l’action des acquéreurs bien fondée à son encontre et de le condamner à supporter 10 % des sommes mises à la charge du vendeur ;

Mais attendu qu’ayant constaté que le notaire avait omis de joindre à l’acte de vente le jugement du 25 septembre 1997, qui devait permettre aux acquéreurs de prendre connaissance de l’ampleur réelle du sinistre telle que relevée par l’expert et des préconisations de démolition et de reconstruction retenues pour y remédier, la cour d’appel, qui a répondu aux conclusions prétendument délaissées, a pu retenir la responsabilité du notaire dans une proportion qu’elle a souverainement appréciée ;

D’où il suit que le moyen n’est pas fondé ;

Sur le premier moyen du pourvoi incident de l’agent immobilier, ci-après annexé :

Attendu que l’agent immobilier fait grief à l’arrêt de déclarer l’action des acquéreurs bien fondée à son encontre et de le condamner à supporter 10 % des sommes mises à la charge du vendeur ;

Mais attendu qu’ayant retenu que l’agent immobilier avait seulement mentionné dans la promesse de vente que les acquéreurs avaient pris connaissance du sinistre résolu relatif à des fissures et que le dossier avait été clôturé sans solliciter du vendeur plus d’information et de justificatif et sans effectuer plus de recherches, la cour d’appel a pu déduire, de ces seuls motifs, que l’agent immobilier avait failli à ses obligations et que sa responsabilité devait être retenue dans une proportion qu’elle a souverainement appréciée ;

D’où il suit que le moyen n’est pas fondé ;

Mais sur le premier moyen du pourvoi principal:

Vu le principe de la réparation intégrale du préjudice ;

Attendu que, pour condamner le vendeur à indemniser les acquéreurs à hauteur de 238 291,08 euros au titre de la restitution d’une partie du prix d’achat de la maison et du coût de la démolition et de la reconstruction, outre les préjudices divers, l’arrêt retient qu’en application de l’article 1645 du code civil, les acquéreurs ont choisi de conserver l’immeuble et que le vendeur, qui connaissait les vices affectant le bien, est tenu, outre la restitution du prix qu’il en a reçu, de tous les dommages et intérêts envers les acquéreurs ;

Qu’en statuant ainsi, alors que la restitution d’une partie du prix de vente et l’indemnité allouée pour la démolition et la reconstruction compensaient l’une et l’autre la perte de l’utilité de la chose, la cour d’appel a violé le principe susvisé ;

Et sur le second moyen du pourvoi incident du notaire et le second moyen du pourvoi incident de l’agent immobilier, réunis:

Vu l’article 1644 du code civil ;

Attendu que, pour condamner le notaire et l’agent immobilier à supporter chacun 10 % des sommes mises à la charge du vendeur, en ce compris la somme de 60 000 euros au titre de la restitution de la partie correspondant au coût de la maison hors terrain, l’arrêt retient que la faute du notaire et de l’agent immobilier ont chacune produit le dommage à concurrence de 10 % ;

Qu’en statuant ainsi, alors que la restitution du prix de vente, à laquelle un vendeur est condamné à la suite de la réduction prévue à l’article 1644 du code civil, ne constitue pas par elle-même un préjudice indemnisable ouvrant droit à réparation au profit de l’acquéreur, la cour d’appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS:

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu’il fixe à 238 291,08 euros la somme allouée à M. et Mme Y... et en ce qu’il condamne la société civile professionnelle A... et la société Marc immobilier à supporter, chacune, partie de la réduction du prix de vente, l’arrêt rendu le 21 juillet 2016, entre les parties, par la cour d’appel de Bourges ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Lyon ;"

Travail préparatoire

Rappel de méthodologie

Un commentaire d’arrêt est un exercice qui comprend deux temps : l’explication de l’arrêt et son appréciation.

En d’autres termes, il faut, en premier lieu, expliquer le sens de l’arrêt. Ce qui suppose d’abord de le lire très attentivement, pour bien le comprendre. Ensuite, et c’est un temps essentiel de votre commentaire, il vous faut identifier la question que l’arrêt à commenter a résolue. En outre, il vous faut détecter la ou les règles de droit qui fondent la décision qui vous est soumise. Enfin, il vous faut faire un exercice de mémoire (si vous composez votre commentaire dans le cadre d’un examen) ou de recherche (si vous composez librement votre commentaire), non seulement pour découvrir le thème général dans lequel s’inscrit l’arrêt à commenter, mais encore pour trouver des éléments bibliographiques qui vous permettront de mieux comprendre l’arrêt que vous devez commentez et donc de mieux l’expliquer.

En second lieu, après avoir expliqué le sens de l’arrêt et démontrer que vous l’avez compris, vous devez apprécier l’arrêt à commenter, donner une opinion sur la façon dont la Cour de cassation a tranché le litige et répondu à la question de droit, au fond, il vous faut juger les juges, vous prononcer sur la valeur de la décision, ce qui sera d’autant plus simple que vous pourrez la situer dans le temps, c’est-à-dire en déterminer la portée. Dans cette perspective d’appréciation de la valeur de l’arrêt, il vous faut exploiter des éléments bibliographiques qui vous permettront de recueillir les diverses opinions doctrinales qui se sont prononcées sur la question de droit réglée par la Cour de cassation, et de vous prononcer sur la pertinence des diverses thèses en présence à propos de la question de droit, celle que soutenaient les juges du fond, celle du demandeur au pourvoi et puis celle retenue par la Cour de cassation qui sera fatalement peu ou prou une des deux précédentes.

Analyse de l’arrêt

Analyser l’arrêt conduit à s’en tenir à le présenter en vue d’introduire votre commentaire. Voici la démarche à suivre :

– d’abord, il vous faut sélectionner les faits qui seront utiles dans la perspective de votre commentaire ;

– en outre, il convient de qualifier les faits, ce qui revient à les faire entrer dans une catégorie juridique donnée ;

– ensuite, il faut exposer les différentes étapes de la procédure, à savoir la décision des juges du fond, puis le moyen du pourvoi ;

– de plus, il vous faut énoncer la question de droit que l’arrêt a tranchée ;

– enfin, il convient d’exposer la solution que la Cour de cassation a finalement retenue.

Dans l’arrêt qu’il vous faut ici commenter, reprenons cette démarche :

Sélection des faits : A la suite de la vente d’une maison atteinte de fissures anciennes, un jugement avait admis le principe de sa démolition et de sa reconstruction.

De nouvelles fissures sont apparues et l’acquéreur a assigné en garantie le vendeur et le notaire, lequel a appelé en garantie l’agent immobilier.

Qualification des faits : Une vente d’immeuble est conclue par l’intermédiaire d’un agent immobilier et instrumentée par un notaire.

L’immeuble est affecté d’un vice caché.

Exposé de la procédure : L’acquéreur a assigné en garantie des vices cachés le vendeur et le notaire, lequel a appelé en garantie l’agent immobilier.

Les juges du fond ont condamné, sur le fondement de l’article 1645 du Code civil, le vendeur à indemniser l’acquéreur au titre, d’abord, de la restitution partielle du prix et du coût de la démolition et de la reconstruction, ensuite, de préjudices divers, enfin.

Les juges du fond ont condamné le notaire et l’agent immobilier à supporter une partie des sommes mises à la charge du vendeur, au motif que leurs fautes respectives ont contribué à la réalisation du dommage subi par l’acquéreur.

Énoncé de la question de droit : Le vendeur peut-il être cumulativement condamné à la restitution partielle du prix de vente et à des dommages-intérêts sur le fondement l’article 1645 du Code civil ?

Le notaire et l’agent immobilier peuvent-ils, en raison de leur faute, supporter une partie de la restitution partielle du prix de vente ?

Exposé de la décision : La Cour de cassation censure la décision des juges du fond.

Elle décide, en premier lieu, que « la restitution d’une partie du prix de vente et l’indemnité allouée pour la démolition et la reconstruction compensaient l’une et l’autre la perte de l’utilité de la chose » et que, par conséquent, le principe de la réparation intégrale du préjudice interdisait de cumuler le paiement de ces deux sommes au profit de l’acquéreur.

Elle décide, en second lieu, que « la restitution du prix de vente, à laquelle un vendeur est condamné à la suite de la réduction prévue à l’article 1644 du code civil, ne constitue pas par elle-même un préjudice indemnisable ouvrant droit à réparation au profit de l’acquéreur ».

L’élaboration du commentaire 

L’analyse de l’arrêt est désormais effectuée. Reste à bâtir et nourrir le commentaire.

Il est de bonne méthode de rechercher alors dans quelle thématique générale s’inscrit l’arrêt à commenter, ce qu’une parfaite identification des questions de droit tranchée par l’arrêt vous permet aisément de découvrir. En l’occurrence, l’arrêt porte sur la garantie des vices cachés et les actions auxquelles cette garantie donne droit à l’acquéreur.

La structure du commentaire

Pour construire votre commentaire, en clair pour élaborer son plan, il convient d’expliquer l’arrêt et d’apprécier sa solution. Ce qui consiste :

– à en restituer clairement le sens ;

– à en déterminer la portée ;

– et à en discuter la valeur,

étant entendu que ces trois éléments sont ici d’égale importance.

Proposition de plan détaillé

Avant l’analyse de l’arrêt proprement dite qui compose le cœur de l’introduction (voir ci-dessus), il faut insister sur son contexte, à savoir la garantie des vices cachés et les actions auxquelles cette garantie donne droit à l’acquéreur. Après quoi, vous pouvez intégrer l’analyse de l’arrêt proprement dite (voir ci-dessus).

Enfin, après avoir exposé la décision retenue par la Cour de cassation, vous devez annoncer le plan de votre commentaire.

I.                 Le principe de la réparation intégrale

A.     L’autonomie des actions en cas de vice cachés

Quand un bien, objet d’un contrat de vente, est affecté d’un vice caché, l’acheteur peut :

- d’une part, (C. civ., art. 1644) choisir librement d’exercer une action rédhibitoire ou estimatoire. S’il exerce la première, il restitue le bien vendu au vendeur qui doit lui restituer le prix qu’il lui a versé.

- d’autre part, (C. civ., art. 1645) exercer une action en dommages-intérêts.

Ces actions sont autonomes. En effet, la recevabilité de l’action en réparation du préjudice fondée sur l’article 1645 du Code civil n’est pas subordonnée à l’exercice d’une action rédhibitoire ou estimatoire. Il suffit que ses conditions soient réunies, à savoir la connaissance par le vendeur du vice affectant le bien vendu.

B.     Le non-cumul des sommes dues au titre des actions

Quand l’acquéreur exerce une action estimatoire, il a droit à une restitution partielle du prix ; quand il exerce une action en réparation, il a droit à des dommages-intérêts compensatoires.

L’action estimatoire n’ouvre droit, au profit de l’acquéreur, qu’à une restitution partielle du prix de vente (Civ. 3e, 27 avr. 2017, n° 16-15.519). Elle a pour but de replacer l’acquéreur dans laquelle il se serait trouvé si le bien vendu n’avait pas été affecté d’un vice caché. Elle ne saurait emporter à la charge du vendeur le paiement, à titre de dommages-intérêts, d’une somme correspondant au coût des travaux nécessaires pour remédier au vice.

Mais, comme le décide la Cour, même si l’action estimatoire et l’action en dommages-intérêts ont des natures sensiblement distinctes, le principe de la réparation intégrale du préjudice s’oppose à ce que le vendeur soit condamné à verser à l’acquéreur non seulement une partie du prix de vente, mais encore une indemnité pour compenser les coûts de démolition et de reconstruction, car « l’une et l’autre (compensent) la perte de l’utilité de la chose » pour l’acquéreur.

Aussi, en dépit de leurs différences de nature, l’action estimatoire et l’action en réparation ne peuvent, en raison de la destination des sommes dont elles emportent le paiement au profit de l’acquéreur, se cumuler au profit de celui-ci.

II.              La nature de l’action estimatoire

A.     Une action non indemnitaire

L’action estimatoire n’ouvre droit qu’à une restitution partielle du prix. Elle n’a pas pour vocation de réparer un préjudice que le vice caché aurait causé à l’acquéreur.

La restitution partielle du prix à laquelle donne droit l’action estimatoire n’a pas pour objet de compenser les frais investis par l’acquéreur pour remédier au vice dont son bien est affecté.

Le calcul du montant du prix restitué à la suite de l’action estimatoire atteste de sa nature non indemnitaire : le montant de la restitution doit être fixé à la différence entre le prix payé lors de la vente et le prix que l’acquéreur aurait accepté de verser s’il avait connu le vice ;

B.     L’irresponsabilité du notaire et de l’agent immobilier

Puisque l’action estimatoire n’a pas une nature indemnitaire, la restitution du prix de vente ne donne pas lieu à des dommages-intérêts dus par le vendeur en réparation d’un préjudice subi par l’acquéreur.

Dès lors, le notaire et l’agent immobilier ne peuvent pas être condamnés à supporter une partie du paiement de la restitution partielle du prix de vente, en raison des fautes qu’ils ont commises lors de la conclusion de la vente.

Référence

 

■ Civ. 3e, 27 avr. 2017, n° 16-15.519 P : D. 2017. 983 ; RDI 2017. 294, obs. O. Tournafond et J.-P. Tricoire ; RTD civ. 2017. 630, obs. H. Barbier.

 

 


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