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GPA et transcription de l’acte de naissance de l’enfant

[ 5 janvier 2021 ] Imprimer

Droit de la famille

GPA et transcription de l’acte de naissance de l’enfant

Chaque mois, retrouvez le commentaire d’une décision de justice issue de l’actualité jurisprudentielle.

Ce mois-ci, Dalloz Actu Étudiant vous propose de commenter l’arrêt Civ. 1re, 18 nov. 2020, n° 19-50.043 

Travail préparatoire

Rappel de méthodologie

Un commentaire d’arrêt est un exercice qui comprend deux temps : l’explication de l’arrêt et son appréciation.

En d’autres termes, il faut, en premier lieu, expliquer le sens de l’arrêt. Ce qui suppose d’abord de le lire très attentivement, pour bien le comprendre. Ensuite, et c’est un temps essentiel de votre commentaire, il vous faut identifier la question que l’arrêt à commenter a résolue. En outre, il vous faut détecter la ou les règles de droit qui fondent la décision qui vous est soumise. Enfin, il vous faut faire un exercice de mémoire (si vous composez votre commentaire dans le cadre d’un examen) ou de recherche (si vous composez librement votre commentaire), non seulement pour découvrir le thème général dans lequel s’inscrit l’arrêt à commenter, mais encore pour trouver des éléments bibliographiques qui vous permettront de mieux comprendre l’arrêt que vous devez commentez et donc de mieux l’expliquer.

En second lieu, après avoir expliqué le sens de l’arrêt et démontrer que vous l’avez compris, vous devez apprécier l’arrêt à commenter, donner une opinion sur la façon dont la Cour de cassation a tranché le litige et répondu à la question de droit, au fond, il vous faut juger les juges, vous prononcer sur la valeur de la décision, ce qui sera d’autant plus simple que vous pourrez la situer dans le temps, c’est-à-dire en déterminer la portée. Dans cette perspective d’appréciation de la valeur de l’arrêt, il vous faut exploiter des éléments bibliographiques qui vous permettront de recueillir les diverses opinions doctrinales qui se sont prononcées sur la question de droit réglée par la Cour de cassation, et de vous prononcer sur la pertinence des diverses thèses en présence à propos de la question de droit, celle que soutenaient les juges du fond, celle du demandeur au pourvoi et puis celle retenue par la Cour de cassation qui sera fatalement peu ou prou une des deux précédentes.

Analyse de l’arrêt

Analyser l’arrêt conduit à s’en tenir à le présenter en vue d’introduire votre commentaire. Voici la démarche à suivre :

– d’abord, il vous faut sélectionner les faits qui seront utiles dans la perspective de votre commentaire ;

– en outre, il convient de qualifier les faits, ce qui revient à les faire entrer dans une catégorie juridique donnée ;

– ensuite, il faut exposer les différentes étapes de la procédure, à savoir la décision des juges du fond, puis le moyen du pourvoi ;

– de plus, il vous faut énoncer la question de droit que l’arrêt a tranchée ;

– enfin, il convient d’exposer la solution que la Cour de cassation a finalement retenue.

Dans l’arrêt qu’il vous faut ici commenter, reprenons cette démarche :

Sélection des faits : Deux français se rendent au Canada pour réaliser une gestation pour autrui (GPA), à l’issue de laquelle l’acte de naissance de l’enfant mentionne les deux hommes comme étant ses parents. De retour en France avec l’enfant, le couple demande la transcription de l’acte de naissance.

Qualification des faits : Un couple d’hommes de nationalité française s’était rendu dans un pays étranger pour avoir recours, légalement, à une gestation pour autrui (GPA). A l’issue de celle-ci, ils avaient été désignés, dans l’acte de naissance, comme les parents de l’enfant. Une fois rentré en France, le couple avait demandé la transcription de l’acte de naissance dressé à l’étranger sur les registres d’état civil français. 

Procédure: Alors que le tribunal de grande instance avait admis la transcription complète de cet acte au nom de l’intérêt supérieur de l’enfant, la cour d’appel la limita à celle relative à la désignation du père biologique de l’enfant. Cette transcription partielle reposait sur le constat que « les faits déclarés [dans l’acte de naissance de l’enfant] ne correspondaient pas à la réalité biologique de l’enfant » et sur la nécessité d’apporter une limite à la reconnaissance de ce type de filiation, résidant dans « le refus de transcription de la filiation paternelle d’intention, lorsque l’enfant est né à l’étranger à l’issue d’une convention de gestation pour autrui, (qui) résulte de la loi et poursuit un but légitime en ce qu’il tend à la protection de l’enfant et de la mère porteuse et vise à décourager cette pratique prohibée », la juridiction du second degré ajoutant enfin « que l’accueil de l’enfant au sein du foyer constitué par son père et son compagnon n’est pas remis en cause par les autorités françaises et que ce dernier aura la possibilité de créer un lien de filiation avec l’enfant par un biais autre que la transcription, n’étant pas établi que la voie de l’adoption serait fermée au motif qu’il figure dans l’acte de naissance comme parent ».

Enoncé du moyen : Devant la Cour de cassation, le couple dénonça une atteinte disproportionnée au respect de leur vie familiale garanti par l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme et la contrariété de la décision attaquée à l’intérêt supérieur de l’enfant tel qu’il est protégé par l’article 3-1 de la Convention internationale des droits de l’enfant.

Problème de droit : La transcription intégrale de l’acte de naissance d’un enfant né d’une GPA régulièrement réalisée à l’étranger et indiquant les deux pères d’intention comme parents juridiques de l’enfant peut-elle être ordonnée ?

Solution : Au visa des textes précités dans l’exposé du moyen et de l’article 47 du Code civil, la Cour de cassation casse sans renvoi l’arrêt d’appel, ce qui revient à ordonner la transcription complète de l’acte de naissance étranger sur les registres d’état civil français

La Cour de cassation confirme ainsi que lorsqu’un enfant est issu d’une GPA régulièrement réalisée à l’étranger et que son acte de naissance a été dressé conformément aux règles du droit étranger considéré, la transcription complète de l’acte de naissance désignant les deux pères d’intention comme étant les parents juridiques de cet enfant peut être ordonnée. Conforme à sa jurisprudence antérieure, aussi récente qu’abondante, la réponse de la Cour à la question soulevée par ce litige était prévisible. Elle soulève néanmoins une autre question, celle de savoir si la transcription intégrale ici ordonnée serait non plus seulement admise, mais érigée en règle de principe. 

Le rappel de la solution (I) implique alors d’interroger immédiatement la portée de cette solution (II).

L’élaboration du commentaire 

L’analyse de l’arrêt est désormais effectuée. Reste à bâtir et nourrir le commentaire.

Il est de bonne méthode de rechercher alors dans quelle thématique générale s’inscrit l’arrêt à commenter, ce qu’une parfaite identification des questions de droit tranchée par l’arrêt vous permet aisément de découvrir. En l’occurrence, l’arrêt porte sur GPA et transcription de l’acte de naissance de l’enfant.

La structure du commentaire

Pour construire votre commentaire, en clair pour élaborer son plan, il convient d’expliquer l’arrêt et d’apprécier sa solution. Ce qui consiste :

– à en restituer clairement le sens ;

– à en déterminer la portée ;

– et à en discuter la valeur,

étant entendu que ces trois éléments sont ici d’égale importance.

Proposition de plan détaillé

Avant l’analyse de l’arrêt proprement dite qui compose le cœur de l’introduction, il faut insister sur son contexte. Après quoi, vous pouvez intégrer l’analyse de l’arrêt proprement dite.

Enfin, après avoir exposé la décision retenue par la Cour de cassation, vous devez annoncer le plan de votre commentaire.

 

I.               GPA et transcription de l’acte de naissance de l’enfant : le rappel de solution

A.     Les précédents jurisprudentiels recensés

·       Jurisprudence antérieure recensée par la Cour elle-même à l’appui de sa décision. (V.la nouvelle méthode de rédaction (enrichie) de la Cour de cassation.)

·       Liste de ses précédents ainsi dressée : 

*4 arrêts du 5 juill. 2017 (§ 12 = Civ. 1re, n° 15-28.59716-16.901, 16-50.025 et 16-16.455 ;

*Cass., ass. plén., 4 oct. 2019 (§ 10 et 13 ; n° 10-19.053), rendu après avis de la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH, avis, 10 avr. 2019, n° P16-2018-001) ;

*Enfin et surtout, 2 arrêts rendus le 18 déc. 2019 dans des circonstances similaires à la présente espèce (couple d’hommes ayant eu recours à une GPA à l’étranger et dont les noms figuraient sur l’acte de naissance de l’enfant) (§ 11 et 14 ; Civ. 1re, n° 18-12.327 et 18-11.815).

·       Inscription de la solution commentée dans le prolongement de cette JP antérieure ; en ce sens, termes employés identiques à ceux formulés dans les arrêts du 18 déc. 2019 (préc.).

B.     Une évolution jurisprudentielle actée

·       De l’ensemble de ces décisions, la Cour déduit et affirme qu’elles ont conduit à « une évolution de la jurisprudence en ce sens qu’en présence d’une action aux fins de transcription de l’acte de naissance étranger de l’enfant, qui n’est pas une action en reconnaissance ou en établissement de la filiation, ni la circonstance que l’enfant soit né à l’issue d’une convention de gestation pour autrui, ni celle que cet acte désigne le père biologique de l’enfant et un deuxième homme comme père ne constituent des obstacles à la transcription de l’acte sur les registres de l’état civil, lorsque celui-ci est probant au sens de l’article 47 du code civil » (§ 14). 

·       Confirmation de l’absence d’obstacle susceptible d’être opposé à la transcription totale. Absence d’entrave déjà observée après les arrêts du 18 déc. 2019 = s’il est régulièrement dressé à l’étranger, l’acte de naissance d’un enfant issu d’une GPA peut sans autre condition être transcrit en France = Passage d’une admission à une consécration ? 

II.             GPA et transcription de l’acte de naissance de l’enfant : la portée de solution

A.      D’une exception…

·       Même après les arrêts de déc. 2019, une question restait en suspens : solution d’exception, solution alternative (à d’autres solutions comme l’adoption) ou solution de principe ?

·       Pour la CEDH : une solution alternative ; transcription vue comme un moyen parmi d’autres pour établir un lien entre l’enfant et ses parents d’intention (CEDH, avis, 10 avr. 2019, préc. § 53).

·       Pour la Cour de cassation : solution d’exception. V. Cass., ass. plén., 4 oct. 2019, préc. : circonstances exceptionnelles de l’affaire (durée de la procédure, refus de la mère de demander l’adoption et enfants devenues majeures) justifiant la transcription ; adde, Civ. 1re, 18 déc. 2019, préc., en réf. à Civ. 1re, 5 juill. 2017, préc.: admission de la transcription totale qu’à la condition que « l’introduction d’une procédure d’adoption s’avère impossible ou inadaptée à la situation des intéressés ».

B.     … Au principe

·       En l’espèce, transcription complète ordonnée sans caractériser la particularité de la situation du couple, ni l’impossibilité ou l’inopportunité d’une adoption (V. ds le même sens, les arrêts de déc. 2019, préc.).

·       Éléments indifférents, V. motivation laconique de la Cour : « En statuant ainsi, alors que, saisie d’une demande de transcription d’un acte de l’état civil étranger, elle constatait que celui-ci était régulier, exempt de fraude et avait été établi conformément au droit de l’État (étranger), la cour d’appel a violé les textes susvisés ». 

·       Silence probablement volontaire ; V. le contexte : couple non marié et arguant de la « particularité de leur situation » = pourtant susceptibles d’être relevés pour justifier la transcription totale, éléments absents des motifs de la Cour.

·       Transcription totale = une solution de principe. Critique essentielle : solution contra legem.

·       V. cependant : débats seconde lecture à l’AN : projet de loi relatif à la bioéthique (juill. 2020), le Gouvernement a souhaité revenir à l’état antérieur de la jurisprudence : amendement (n° 1528) voté en ce sens pour les enfants nés de GPA, la transcription d'un acte d'état civil étranger serait limitée au seul parent biologique. Le second parent dit « d'intention » devrait passer par une procédure d'adoption.

 


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