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À vos copies !
Droit des obligations
Illustration de la distinction entre obligation de délivrance conforme et garantie des vices cachés (à propos de la pollution d’un terrain)
Chaque mois, retrouvez le commentaire d’une décision de justice issue de l’actualité jurisprudentielle.
Ce mois-ci, Dalloz Actu Étudiant vous propose de commenter l’arrêt Civ. 3e, 30 sept. 2021, n° 20-15.354 et 20-16.156.
Travail préparatoire
Rappel de méthodologie
Un commentaire d’arrêt est un exercice qui comprend deux temps : l’explication de l’arrêt et son appréciation.
En d’autres termes, il faut, en premier lieu, expliquer le sens de l’arrêt. Ce qui suppose d’abord de le lire très attentivement, pour bien le comprendre. Ensuite, et c’est un temps essentiel de votre commentaire, il vous faut identifier la question que l’arrêt à commenter a résolue. En outre, il vous faut détecter la ou les règles de droit qui fondent la décision qui vous est soumise. Enfin, il vous faut faire un exercice de mémoire (si vous composez votre commentaire dans le cadre d’un examen) ou de recherche (si vous composez librement votre commentaire), non seulement pour découvrir le thème général dans lequel s’inscrit l’arrêt à commenter, mais encore pour trouver des éléments bibliographiques qui vous permettront de mieux comprendre l’arrêt que vous devez commentez et donc de mieux l’expliquer.
En second lieu, après avoir expliqué le sens de l’arrêt et démontrer que vous l’avez compris, vous devez apprécier l’arrêt à commenter, donner une opinion sur la façon dont la Cour de cassation a tranché le litige et répondu à la question de droit, au fond, il vous faut juger les juges, vous prononcer sur la valeur de la décision, ce qui sera d’autant plus simple que vous pourrez la situer dans le temps, c’est-à-dire en déterminer la portée. Dans cette perspective d’appréciation de la valeur de l’arrêt, il vous faut exploiter des éléments bibliographiques qui vous permettront de recueillir les diverses opinions doctrinales qui se sont prononcées sur la question de droit réglée par la Cour de cassation, et de vous prononcer sur la pertinence des diverses thèses en présence à propos de la question de droit, celle que soutenaient les juges du fond, celle du demandeur au pourvoi et puis celle retenue par la Cour de cassation qui sera fatalement peu ou prou une des deux précédentes.
Analyse de l’arrêt
Analyser l’arrêt conduit à s’en tenir à le présenter en vue d’introduire votre commentaire. Voici la démarche à suivre :
– d’abord, il vous faut sélectionner les faits qui seront utiles dans la perspective de votre commentaire ;
– en outre, il convient de qualifier les faits, ce qui revient à les faire entrer dans une catégorie juridique donnée ;
– ensuite, il faut exposer les différentes étapes de la procédure, à savoir la décision des juges du fond, puis le moyen du pourvoi ;
– de plus, il vous faut énoncer la question de droit que l’arrêt a tranchée ;
– enfin, il convient d’exposer la solution que la Cour de cassation a finalement retenue.
Dans l’arrêt qu’il vous faut ici commenter, reprenons cette démarche :
Sélection des faits : Le 29 mars 2010, la société Total Mayotte a échangé avec la société Nel une parcelle de terrain sur laquelle elle avait exploité une station-service de distribution de carburants de 2004 à 2010, l'acte contenant une « clause de pollution ». Le 31 mai 2010, la société Nel a revendu la parcelle à la société Station Kaweni, qui l'a donnée à bail à la société Sodifram pour y édifier des parkings, commerces et bureaux. En octobre 2013, à l'occasion de travaux d'aménagement et de terrassement, une pollution aux hydrocarbures a été découverte sur ce terrain.
Les sociétés Station Kaweni et Sodifram ont assigné les vendeurs successifs en indemnisation de leurs préjudices pour non-respect des articles L. 512-12-1 et R. 512-66-1 du Code de l'environnement, manquement à leur obligation de délivrance conforme et garantie des vices cachés.
Qualification des faits : Un distributeur de carburants avait conclu avec un exploitant un contrat d’échange d’un terrain, qui stipulait une « clause de pollution » visant la dépollution complète du fonds d’exploitation. L’exploitant de ce terrain avait ensuite revendu ce fonds à une société, laquelle l’avait loué à une société commerciale qui le destinait à la construction de parkings, de commerces et de bureaux. Trois ans plus tard, la réalisation de travaux d'aménagement et de terrassement ont permis de découvrir une pollution aux hydrocarbures sur ce terrain, ayant rendu ce dernier inconstructible et donc inexploitable pendant plusieurs mois. Le sous-acquéreur et le locataire du fonds ont alors assigné les vendeurs successifs en indemnisation de leurs préjudices, notamment sur le fondement de l’obligation de délivrance conforme et de la garantie des vices cachés.
Procédure : La cour d’appel les condamna solidairement à indemnisation, au motif, d’une part, que le vendeur initial n’avait pas respecté la clause de pollution stipulé dans l’acte d’échange, à laquelle était joint un rapport technique de dépollution complète du site également méconnu, en sorte que le bien vendu, qui s’était révélé pollué, n’était pas conforme à l’une de ces caractéristiques contractuelles et que ce vendeur avait ainsi manqué à son obligation de délivrance conforme, engageant sa responsabilité contractuelle envers le sous-acquéreur du bien, titulaire d’une action contractuelle directe contre lui fondée sur la non-conformité de la chose livrée ; d’autre part, la juridiction du second degré jugea que le revendeur du terrain n'avait pas davantage satisfait à son obligation de délivrance conforme dès lors que ce terrain, que le sous-acquéreur destinait à la construction de parkings, commerces et bureaux, s'était trouvé inconstructible pendant six mois en raison de la présence d'hydrocarbures imputable au manquement du vendeur initial à son obligation de délivrance d'un terrain dépollué.
Problème de droit : L’inconstructibilité d’un terrain en raison de la présence d’hydrocarbures imputable au manquement, par le vendeur initial, à son obligation de délivrance conforme, est-elle susceptible d’engager sur le même fondement la responsabilité contractuelle du revendeur de ce terrain à l’égard du sous-acquéreur et du locataire de ce dernier ?
Réponse de la Cour. A cette question, la Cour, au visa des articles 1603, 1604 et 1641 du Code civil, répond par la négative, et casse en conséquence l’arrêt de la cour d’appel qui, en ayant statué comme elle l’a fait alors que la clause de pollution n'avait pas été reprise dans l'acte de la vente conclue entre le revendeur et le sous-acquéreur et que l'inconstructibilité du terrain constituait non un défaut de conformité, mais un vice caché de la chose vendue, a violé les textes susvisés.
L’élaboration du commentaire
L’analyse de l’arrêt est désormais effectuée. Reste à bâtir et nourrir le commentaire.
Il est de bonne méthode de rechercher alors dans quelle thématique générale s’inscrit l’arrêt à commenter, ce qu’une parfaite identification des questions de droit tranchée par l’arrêt vous permet aisément de découvrir.
En l’occurrence, l’arrêt porte la distinction entre obligation de délivrance conforme et garantie des vices cachés.
La structure du commentaire
Pour construire votre commentaire, en clair pour élaborer son plan, il convient d’expliquer l’arrêt et d’apprécier sa solution. Ce qui consiste :
– à en restituer clairement le sens ;
– à en déterminer la portée ;
– et à en discuter la valeur,
étant entendu que ces trois éléments sont ici d’égale importance.
Proposition de plan détaillé
Avant l’analyse de l’arrêt proprement dite qui compose le cœur de l’introduction, il faut insister sur son contexte. Après quoi, vous pouvez intégrer l’analyse de l’arrêt proprement dite.
Enfin, après avoir exposé la décision retenue par la Cour de cassation, vous devez annoncer le plan de votre commentaire.
I. Le rappel de la distinction entre défaut de conformité et vice caché
A. Le rappel de la dualité des obligations du vendeur
· « Vu les articles 1603, 1604 et 1641 du Code civil : Il résulte des deux premiers de ces textes que le vendeur a l’obligation de délivrer une chose conforme à celle promise… ».
Objet de l’obligation de délivrance conforme : mise à disposition de la chose vendue ; la délivrance est la mise à disposition par le vendeur à l’acheteur de la chose vendue pour qu’il en prenne livraison ; la conformité imposée oblige le vendeur à délivrer exactement ce qui a été convenu dans le contrat ; identité objective de la chose délivrée et de la chose contractuellement promise, aucune différence n’est possible.
· « … Selon le troisième (C. civ., art. 1641), le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l’usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage, que l’acheteur ne l’aurait pas acquise, ou n’en n’aurait donné qu’un moindre prix, s’il les avait connus ».
Objet de l’obligation de garantir les vices cachés : le vendeur doit délivrer une chose apte à remplir son usage normalement attendu ; couvre les vices inhérents à la chose, non apparents, antérieurs à la vente et non réparés à la date de sa conclusion, et qui compromettent ou empêchent d’utiliser la chose conformément à sa destination normale.
B. Le rappel de l’absence d’identité des obligations du vendeur
· Depuis les années 90, distinction en jurisprudence entre obligation de délivrance conforme et garantie des vices cachés.
· Fondement de la distinction : concernant la première obligation, conception purement matérielle de la conformité (au contrat) ; concernant la seconde, conception fonctionnelle de la conformité, supposant de tenir compte de l’aptitude de la chose à remplir l’usage attendu par l’acheteur. Le défaut de conformité résulte donc de la seule différence matérielle entre la chose délivrée et la chose promise alors que la non-conformité de la chose à l’usage attendu relève de la garantie des vices cachés.
II. L’application de la distinction entre défaut de conformité et vice caché
A. La présence d’hydrocarbures, un défaut de conformité imputable au vendeur initial
· Non- respect de la clause de pollution stipulée dans le contrat d’échange conclu entre le vendeur initial et le premier acquéreur + rapport technique, avenant au contrat : « la cour d’appel a pu déduire de ces seuls motifs, dès lors que le bien n’était pas conforme à cette caractéristique, que (le vendeur initial) avait manqué à son obligation de délivrance ».
· Défaut d’identité entre la chose convenue (non polluée) et la chose livrée (polluée).
· Csqce : responsabilité contractuelle envers le sous-acquéreur (action directe) et délictuelle envers le locataire.
B. La présence d’hydrocarbures, un vice caché couvert par le revendeur
· Inconstructibilité du terrain pollué = un défaut de conformité de la chose vendue à sa destination normale et non un défaut de conformité aux caractéristiques convenues entre les parties, car la clause de pollution stipulée dans le contrat initial n’avait pas été retranscrite dans l’acte de la vente conclue entre le revendeur et le sous-acquéreur.
· Pollution du terrain = un vice du sol ne pouvant être sanctionné que dans le cadre de la garantie des vices cachés, et non un défaut de conformité au contrat, sur ce point silencieux.
· Cscque : mise en œuvre de la garantie ; action rédhibitoire ou estimatoire ; action en DI indépendante des deux précédentes (en l’espèce, une seule action en indemnisation).
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