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Illustration de la violation du pacte de préférence par la conclusion d’une promesse unilatérale de vente

[ 22 janvier 2019 ] Imprimer

Droit des obligations

Illustration de la violation du pacte de préférence par la conclusion d’une promesse unilatérale de vente

La seule signature d’une promesse unilatérale de vente par l’auteur d’un pacte de préférence qui n’a pas prioritairement proposé le contrat à son bénéficiaire constitue une violation du pacte.

Chaque mois, retrouvez le commentaire d’une décision de justice issue de l’actualité jurisprudentielle.

Ce mois-ci, Dalloz Actu Étudiant vous propose de commenter l’arrêt Civ. 3e, 6 déc. 2018, n° 17-23.321

« Attendu, selon l'arrêt attaqué (Fort-de-France, 25 avril 2017), que Mme X... est bénéficiaire d'un pacte de préférence consenti par M. Z... le 28 octobre 1999, pour une durée de dix ans, et portant sur deux lots dans un immeuble en copropriété ; que, M. Z... ayant vendu ces lots à M. F... par acte notarié du 16 novembre 2009, précédé d'une promesse unilatérale de vente par acte notarié du 2 septembre 2009, Mme X..., estimant que la vente était intervenue en violation du pacte de préférence, les a assignés, ainsi que les notaires et l'agence immobilière Archipel immobilier, en annulation de la vente, substitution dans les droits de l'acquéreur, expulsion de celui-ci et paiement de dommages-intérêts ; 

Sur le premier moyen, ci-après annexé : 

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ; 

Mais sur le deuxième moyen : 

Vu l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 ; 

Attendu que, pour rejeter les demandes de Mme X..., l'arrêt retient que la lettre du pacte de préférence ne permet pas de conclure qu'en cas d'intention de vendre l'obligation de laisser la préférence à la bénéficiaire grève le pré-contrat, que seule la date de l'échange des consentements est à prendre en considération et que, l'acte signé entre M. Z... et M. F... le 2 septembre 2009 étant une promesse unilatérale de vente, la vente ne pouvait prendre effet qu'à la levée de l'option, intervenue postérieurement à la date d'échéance du pacte ; 

Qu'en statuant ainsi, alors que le pacte de préférence implique l'obligation, pour le promettant, de donner préférence au bénéficiaire lorsqu'il décide de vendre le bien, la cour d'appel a violé le texte susvisé ; 

Et sur le troisième moyen : 

Vu l'article 625 du code de procédure civile ; 

Attendu que la cassation sur le deuxième moyen entraîne, par voie de conséquence, l'annulation de l'arrêt en ses dispositions relatives à l'indemnisation du préjudice de Mme X... ; 

PAR CES MOTIFS : 

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 25 avril 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Fort-de-France ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Fort-de-France, autrement composée ; » 

Travail préparatoire

Rappel de méthodologie

Un commentaire d’arrêt est un exercice qui comprend deux temps : l’explication de l’arrêt et son appréciation.

En d’autres termes, il faut, en premier lieu, expliquer le sens de l’arrêt. Ce qui suppose d’abord de le lire très attentivement, pour bien le comprendre. Ensuite, et c’est un temps essentiel de votre commentaire, il vous faut identifier la question que l’arrêt à commenter a résolue. En outre, il vous faut détecter la ou les règles de droit qui fondent la décision qui vous est soumise. Enfin, il vous faut faire un exercice de mémoire (si vous composez votre commentaire dans le cadre d’un examen) ou de recherche (si vous composez librement votre commentaire), non seulement pour découvrir le thème général dans lequel s’inscrit l’arrêt à commenter, mais encore pour trouver des éléments bibliographiques qui vous permettront de mieux comprendre l’arrêt que vous devez commentez et donc de mieux l’expliquer.

En second lieu, après avoir expliqué le sens de l’arrêt et démontrer que vous l’avez compris, vous devez apprécier l’arrêt à commenter, donner une opinion sur la façon dont la Cour de cassation a tranché le litige et répondu à la question de droit, au fond, il vous faut juger les juges, vous prononcer sur la valeur de la décision, ce qui sera d’autant plus simple que vous pourrez la situer dans le temps, c’est-à-dire en déterminer la portée. Dans cette perspective d’appréciation de la valeur de l’arrêt, il vous faut exploiter des éléments bibliographiques qui vous permettront de recueillir les diverses opinions doctrinales qui se sont prononcées sur la question de droit réglée par la Cour de cassation, et de vous prononcer sur la pertinence des diverses thèses en présence à propos de la question de droit, celle que soutenaient les juges du fond, celle du demandeur au pourvoi et puis celle retenue par la Cour de cassation qui sera fatalement peu ou prou une des deux précédentes.

Analyse de l’arrêt

Analyser l’arrêt conduit à s’en tenir à le présenter en vue d’introduire votre commentaire. Voici la démarche à suivre :

– d’abord, il vous faut sélectionner les faits qui seront utiles dans la perspective de votre commentaire ;

– en outre, il convient de qualifier les faits, ce qui revient à les faire entrer dans une catégorie juridique donnée ;

– ensuite, il faut exposer les différentes étapes de la procédure, à savoir la décision des juges du fond, puis le moyen du pourvoi ;

– de plus, il vous faut énoncer la question de droit que l’arrêt a tranchée ;

– enfin, il convient d’exposer la solution que la Cour de cassation a finalement retenue.

Dans l’arrêt qu’il vous faut ici commenter, reprenons cette démarche :

Sélection des faits : Deux personnes concluent un pacte de préférence, d’une durée de dix ans, relatif à deux lots dans un immeuble en copropriété. Environ vingt ans plus tard, et un mois avant que le pacte vienne à sa fin, le propriétaire, signataire du pacte, conclut une promesse unilatérale de vente au profit d’une tierce personne. La vente est finalement réitérée par acte authentique, trois semaines après l’arrivée du terme stipulé dans le pacte.

Qualifications des faits : Deux particuliers avaient, il y a près de vingt ans, conclu un pacte immobilier de préférence, pour une durée de dix ans. Un mois avant l’arrivée du terme, le propriétaire avait conclu une promesse unilatérale de vente portant sur le même bien à un tiers, la vente ayant été finalement réitérée, par acte notarié, trois semaines après l’arrivée du terme. 

Procédure : Estimant la vente conclue en violation du pacte de préférence, son bénéficiaire avait assigné le vendeur et l’acquéreur, ainsi que les notaires ayant instrumenté la vente et l’agent immobilier en annulation du contrat, substitution dans les droits de l’acquéreur, expulsion de celui-ci et paiement de dommages-intérêts. 

La cour d’appel rejeta l’intégralité de ses demandes au motif que les termes du pacte de préférence ne permettaient pas de conclure qu’en cas d’intention de vendre, l’obligation de laisser la préférence au bénéficiaire grèverait le précontrat que constituait la promesse unilatérale de vente, que seule la date de l’échange des consentements était à prendre en considération et qu’en présence d’une promesse unilatérale de vente, la vente ne pouvait prendre effet qu’à la date de la levée de l’option, laquelle était intervenue postérieurement à la date d’échéance du pacte. 

Problème de droit : La simple signature d’une promesse unilatérale de vente constitue-t-elle une violation d’un pacte de préférence antérieurement conclu ? 

Solution : Au visa de l’ancien article 1134 du Code civil, la Cour de cassation y répond positivement. Elle casse la décision des juges du fond, leur opposant que « le pacte de préférence implique l’obligation, pour le promettant, de donner préférence au bénéficiaire lorsqu’il décide de vendre le bien ». 

La seule signature d’une promesse unilatérale de vente par l’auteur d’un pacte de préférence qui n’a pas prioritairement proposé le contrat à son bénéficiaire constitue une violation du pacte.

L’élaboration du commentaire 

L’analyse de l’arrêt est désormais effectuée. Reste à bâtir et nourrir le commentaire.

Il est de bonne méthode de rechercher alors dans quelle thématique générale s’inscrit l’arrêt à commenter, ce qu’une parfaite identification des questions de droit tranchée par l’arrêt vous permet aisément de découvrir. En l’occurrence, l’arrêt porte sur la violation du pacte de préférence.

La structure du commentaire

Pour construire votre commentaire, en clair pour élaborer son plan, il convient d’expliquer l’arrêt et d’apprécier sa solution. Ce qui consiste :

– à en restituer clairement le sens ;

– à en déterminer la portée ;

– et à en discuter la valeur,

étant entendu que ces trois éléments sont ici d’égale importance.

Proposition de plan détaillé

Avant l’analyse de l’arrêt proprement dite qui compose le cœur de l’introduction (voir ci-dessus), il faut insister sur son contexte, à savoir la responsabilité du garagiste réparateur. Après quoi, vous pouvez intégrer l’analyse de l’arrêt proprement dite (voir ci-dessus).

Enfin, après avoir exposé la décision retenue par la Cour de cassation, vous devez annoncer le plan de votre commentaire.

Annonce du plan : La sanction ici prononcée par la Cour de cassation est logique et opportune au regard de la nature juridique du pacte de préférence (I) comme aux effets qui découlent de ce dernier (II).

I.                 Une sanction conforme à la nature juridique du pacte de préférence

A.     La notion de pacte de préférence

Définition désormais légale (C. civ., art. 1123, al. 1er), conforme à la notion autrefois dégagée en jurisprudence: « le contrat par lequel une partie s’engage à proposer prioritairement à son bénéficiaire de traiter avec lui pour le cas où elle déciderait de contracter ».

Technique contractuelle qui offre à son bénéficiaire un droit de préférence, ou de priorité, dans l’hypothèse où le propriétaire aurait la volonté de vendre son bien.

B.     L’articulation du pacte de préférence et de la promesse de vente

A la différence de la promesse unilatérale, l’auteur du pacte, propriétaire du bien, ne s’engage pas à vendre son bien mais seulement, au cas où il le souhaiterait, à proposer l’achat de son bien en priorité au bénéficiaire du pacte. 

En l’espèce, c’est au moment où il a promis de vendre à un tiers que l’auteur du pacte a manifesté son intention de vendre et qu’il aurait donc dû proposer la vente au bénéficiaire en vertu de son droit de priorité avant de la promettre, en violation de ce droit, à un tiers.

II.              Une sanction conforme aux effets juridiques du pacte de préférence

A.     L’intention de vendre du propriétaire : l’effectivité du pacte enclenchée

Particularité du pacte de préférence : contractuellement, personne ne s’engage : le propriétaire ne s’engage pas à vendre, et son bénéficiaire ne s’engage pas à acheter. En conséquence, ses effets doivent être considérés selon deux situations distinctes :

-        propriétaire qui ne souhaite pas vendre : pas de véritables effets concrets du pacte ;

-        propriétaire qui souhaite vendre : pacte pleinement effectif : en application du pacte, le propriétaire doit prioritairement proposer au bénéficiaire la conclusion de la vente. Son droit de contracter avec un tiers dépend donc de l’exécution préalable de cette obligation de proposer au bénéficiaire du pacte de contracter avec lui.

B.     L’intention d’acquérir du bénéficiaire de la promesse : l’effectivité du pacte inchangée

Principal et essentiel, cet effet du pacte de préférence justifie la solution : c’est logiquement la date à laquelle l’auteur du pacte décide de vendre qui doit être prise en compte pour juger ou non de son respect. En l’espèce, la date à laquelle la promesse avait été signée.

Peu importe donc la date de la levée de l’option, laquelle traduit la volonté de contracter, en l’occurrence indifférente, du bénéficiaire de la promesse de donner suite à ladite promesse. 

 


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