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Incidence de la conclusion d’un contrat à distance sur l’exercice du droit de rétractation

[ 2 décembre 2025 ] Imprimer

Droit des obligations

Incidence de la conclusion d’un contrat à distance sur l’exercice du droit de rétractation

Chaque mois, retrouvez le commentaire d’une décision de justice issue de l’actualité jurisprudentielle.

Ce mois-ci, Dalloz Actu Étudiant vous propose de commenter l’arrêt Civ. 1re, 12 mars 2025, n° 23-22. 051.

Travail préparatoire

Rappel de méthodologie

Un commentaire d’arrêt est un exercice qui comprend deux temps : l’explication de l’arrêt et son appréciation.

En d’autres termes, il faut, en premier lieu, expliquer le sens de l’arrêt. Ce qui suppose d’abord de le lire très attentivement, pour bien le comprendre. Ensuite, et c’est un temps essentiel de votre commentaire, il vous faut identifier la question que l’arrêt à commenter a résolue. En outre, il vous faut détecter la ou les règles de droit qui fondent la décision qui vous est soumise. Enfin, il vous faut faire un exercice de mémoire (si vous composez votre commentaire dans le cadre d’un examen) ou de recherche (si vous composez librement votre commentaire), non seulement pour découvrir le thème général dans lequel s’inscrit l’arrêt à commenter, mais encore pour trouver des éléments bibliographiques qui vous permettront de mieux comprendre l’arrêt que vous devez commentez et donc de mieux l’expliquer.

En second lieu, après avoir expliqué le sens de l’arrêt et démontrer que vous l’avez compris, vous devez apprécier l’arrêt à commenter, donner une opinion sur la façon dont la Cour de cassation/Cour européenne des droits de l’homme a tranché le litige et répondu à la question de droit, au fond, il vous faut juger les juges, vous prononcer sur la valeur de la décision, ce qui sera d’autant plus simple que vous pourrez la situer dans le temps, c’est-à-dire en déterminer la portée. Dans cette perspective d’appréciation de la valeur de l’arrêt, il vous faut exploiter des éléments bibliographiques qui vous permettront de recueillir les diverses opinions doctrinales qui se sont prononcées sur la question de droit réglée par la Cour de cassation, et de vous prononcer sur la pertinence des diverses thèses en présence à propos de la question de droit, celle que soutenaient les juges du fond, celle du demandeur au pourvoi et puis celle retenue par la Cour de cassation/Cour européenne des droits de l’homme qui sera fatalement peu ou prou une des deux précédentes.

Analyse de l’arrêt

Analyser l’arrêt conduit à s’en tenir à le présenter en vue d’introduire votre commentaire. Voici la démarche à suivre :

– d’abord, il vous faut sélectionner les faits qui seront utiles dans la perspective de votre commentaire ;

– en outre, il convient de qualifier les faits, ce qui revient à les faire entrer dans une catégorie juridique donnée ;

– ensuite, il faut exposer les différentes étapes de la procédure, à savoir la décision des juges du fond, puis le moyen du pourvoi ;

– de plus, il vous faut énoncer la question de droit que l’arrêt a tranchée ;

– enfin, il convient d’exposer la solution que la Cour de cassation/CEDH a finalement retenue.

Dans l’arrêt qu’il vous faut ici commenter, reprenons cette démarche :

■ Sélection des faits : Le 15 septembre 2020, afin de préparer sa première année d'études de médecine, Mme [V] a signé à son domicile un contrat d’inscription « Prépa études de médecine », transmis la veille par un courriel d’une société d’enseignement à distance (société Seiel), que l’étudiante avait préalablement contactée par téléphone. Le contrat est conclu pour un montant de 6 950 euros. Le lendemain, la cliente dépose ce contrat dans les locaux de la société et M. [T], gérant de cette société, établit une facture indiquant que Mme [V] a réglé la somme de convenue.

Par courrier recommandé avec accusé de réception du 22 septembre 2020, Mme [V] a exprimé sa volonté de se rétracter, conformément aux conditions générales du contrat. La société Seiel lui a toutefois répondu, par courriel du 8 octobre 2020, qu'elle ne pouvait revenir sur son engagement et prétendre au remboursement des sommes versées, le contrat n'ayant pas été conclu à distance, mais dans ses locaux, de sorte qu’aucun droit de rétractation n’était attaché à cette convention. 

Le 16 octobre 2020, Mme [V] assigne la société Seiel devant le tribunal judiciaire aux fins de la voir condamner à la restitution des sommes versées. 

■ Qualification des faits : À la suite d’un appel téléphonique, une étudiante signe à son domicile l’offre de contrat d’inscription pour des cours en ligne, proposée la veille par un courriel adressé par une société spécialisée dans l’enseignement à distance. Les conditions générales prévoient que le client dispose d'un délai de quatorze jours à compter de l'offre pour exercer son droit de rétractation. Deux jours après la signature, la cliente remet le contrat dans l’établissement commercial du professionnel, puis exerce, dans les délais contractuellement prévus, son droit de rétractation. La société s’oppose à cette rétractation, le contrat ne pouvant être considéré comme un contrat à distance. La cliente l’assigne en restitution des sommes versées.

■ Procédure : En première instance, le tribunal accueille la demande en restitution formée par la cliente, au motif que le contrat a été conclu à distance et que le droit de rétractation qui y est attaché a été régulièrement exercé dans le délai prévu. Sur appel de la société d’enseignement, les juges du fond ont confirmé en toutes ses dispositions le jugement rendu. En suite de cette décision, cette société forme un pourvoi en cassation.

■ Moyens du pourvoi : Le contrat étant formé par la rencontre d’une offre et d’une acceptation, par lesquelles les parties manifestent leur volonté de s’engager, un contrat ne peut être considéré comme conclu que lorsque l’acceptation est effectivement parvenue à l’offrant, en sorte qu’en l’espèce, la présence des parties au contrat d’enseignement lors de l’acceptation de l’offre, le 16 septembre 2020, dans les locaux de l’entreprise, exclut la qualification de contrat à distance et la reconnaissance corrélative d’un droit de rétractation.

■ Problème de droit : Le contrat à distance étant défini à l'article L. 221-1 du Code de la consommation comme tout contrat « conclu » entre un professionnel et un consommateur  « [...] sans la présence physique simultanée du professionnel et du consommateur [...] », faut-il en déduire, en application de l'article 1121 du Code civil, que, dès lors qu’au sens de ce texte, un contrat est « conclu » dès que l'acceptation parvient à l'offrant, la présence des deux parties au moment de la réception de l’acceptation empêche de qualifier le contrat signé de contrat à distance ?

■ Solution : Selon l'article L. 221-1 du Code de la consommation, qui assure la transposition de l'article 2, point 7, de la directive 2011/83/UE du Parlement européen et du Conseil du 25 octobre 2011 relative aux droits des consommateurs, est considéré comme un contrat à distance tout contrat conclu entre un professionnel et un consommateur, dans le cadre d'un système organisé de vente ou de prestation de services à distance, sans la présence physique simultanément du professionnel et du consommateur, par le recours exclusif à une ou plusieurs techniques de communication à distance jusqu'à la conclusion du contrat.

Il en résulte que, dans le cadre d'un système organisé de vente ou de prestation de services à distance, les conditions matérielles de remise au professionnel de l'offre, qui ont été reçues et signées par le consommateur en dehors des locaux de ce professionnel, sans aucune négociation au moment de cette remise, sont sans influence sur la qualification de contrat à distance.

Sont également indifférents pour cette qualification les termes de l'article 1121 du Code civil, selon lequel le contrat est conclu dès que l'acceptation parvient à l'offrant et réputé l'être au lieu où l'acceptation est parvenue, qui permet, à défaut de stipulation contraire, de fixer le point de départ du délai de rétractation prévu à l'article L. 221-18 du Code de la consommation.

L'arrêt constate, d'abord, qu'à la suite d'un appel téléphonique de Mme [V], la société Seiel lui a envoyé, par courriel du 14 septembre 2020, une brochure de présentation, mentionnant la possibilité d'effectuer la formation exclusivement à distance, ainsi que le dossier d'inscription, accompagné d'un formulaire de rétractation qui prévoyait la possibilité d'envoyer ce dernier à l'adresse de l'établissement. Il en déduit, par des motifs non contestés, que la société Seiel a ainsi mis en place un système organisé de prestation de service à distance.

L'arrêt rappelle, ensuite, que les conditions générales du dossier d'inscription indiquent qu'une inscription est validée par la constitution d'un dossier complet et que la société Seiel ne s'est pas réservée un droit d'agrément des candidats, de sorte que l'acceptation de l'offre du contrat d'enseignement était pure et simple. Il retient que l'acceptation étant intervenue le 15 septembre 2020 au domicile de Mme [V], les consentements tant de l'offrant que de l'acceptant ont été manifestés à cette date par le biais d'un moyen de communication à distance ou sans la présence physique du cocontractant, peu important que cette dernière soit ensuite présentée dans les locaux de la société Seiel pour y déposer son dossier.

Il retient, enfin, par motifs propres et réputés adoptés, que Mme [V] a fait un usage régulier de son droit de rétractation, à partir du formulaire qui figurait dans le dossier d'inscription, par un courrier recommandé du 22 septembre 2020, faisant ainsi ressortir qu'il avait été exercé conformément aux conditions générales produites aux débats, qui acceptait que le client dispose d'un délai de quatorze jours à compter de son de l'offre pour exercer son droit de rétractation par tous les moyens.

De ces constatations et appréciations souveraines, la cour d'appel a justement déduit qu'un contrat à distance avait été conclu entre les parties et que Mme [V] avait régulièrement exercé le droit de rétractation qui y était attaché.

      I.                  La qualification du contrat à distance

A.     Les critères de qualification retenus

- Trois critères prévus par l’art. L. 221-1 C. consom. : 1/ la conclusion d’un contrat sans la présence physique simultanée des parties ; 2/ le recours à des techniques de communication à distance, ce qui inclut tant la correspondance écrite et postale que la correspondance électronique et par un site internet ; 3/ la mise en place d’un système organisé de vente ou de prestation de services à distance ; 

- Sont ainsi soumis au régime des contrats conclus à distance les contrats de vente ou de prestation de services habituellement proposés aux consommateurs par des professionnels, dans le cadre d'un processus systématisé de commercialisation virtuelle faisant appel, jusqu'à la conclusion de l'acte, à une ou plusieurs techniques de communication à distance ;

- En l’espèce, la société a manifesté par un moyen de correspondance à distance sa volonté de contracter avec la cliente et celle-ci a accepté son offre en signant le contrat à son domicile. Les juges d’appel en ont valablement déduit que de cette façon, la cliente avait manifesté sa volonté d’être liée dans les termes de l’offre de contracter adressée par la société, alors qu’elle ne se trouvait pas physiquement en présence de cette dernière ; par ailleurs, l’offrant avait effectivement mis en place un système organisé de prestation de service à distance par lequel son offre de contrat est proposée par courriel et l’acceptation de cette offre, obligatoirement transmise par voie postale : la rencontre des consentements de l’offrant et de l’acceptant ne pouvait donc avoir lieu que virtuellement.

B.     Les critères de qualification exclus

Le fait qu’en suite de sa signature, la consommatrice soit venue déposer le contrat signé dans les locaux du professionnel ne constitue qu’une simple modalité de remise au professionnel de son acceptation, acquise plus en amont, dès la signature à son domicile du contrat d’inscription : cette modalité ne modifie donc pas le fait que les consentements tant de l’offrant que de l’acceptant ont été manifestés virtuellement, sans la présence physique simultanée des parties ;

Une telle circonstance laisse donc inchangée la qualification de contrat à distance, qui ne peut être écartée en retenant, comme le soutenait le moyen du pourvoi, que la rencontre des consentements, au sens de l’article 1121 du Code civil, s’est produite en présence des contractants, et ce d’autant moins que les conditions générales de vente ne prévoient pas d’agrément du client consommateur par le professionnel : l’acceptation devait être considérée comme pure et simple.

- En somme, le seul dépôt du contrat dans les locaux de l’entreprise ne fait pas obstacle, malgré la présence physique des deux parties, à la qualification de contrat à distance, au sens de l’article L. 221-1 du Code de la consommation, dès lors: - que les relations entre les parties se sont nouées dans le cadre d’un système organisé de prestation de services à distance,  - que le mode normal de transmission de l’offre acceptée doit, selon les conditions générales de vente, avoir lieu par voie postale,  - et que ces mêmes conditions ne prévoient pas de condition d’agrément du consommateur. 

    II.                  La date de conclusion du contrat à distance

A.     Exclusion de la théorie de la réception de droit commun

- Classiquement, le contrat à distance, comme tout contrat entre absents en droit des obligations, pose des difficultés de détermination de la date de conclusion de la convention, que le droit civil règle traditionnellement en distinguant la théorie de l’émission de celle de la réception ;

La réforme du droit des obligations, issue de l’ordonnance du 10 février 2016, est venue mettre fin à une controverse opposant au sein de la Cour de cassation, les tenants de l’une et l’autre de ces théories, en consacrant de manière générale la théorie de la réception. L’article 1121 du Code civil dispose en effet que « le contrat est conclu dès que l'acceptation parvient à l'offrant. Il est réputé l'être au lieu où l'acceptation est parvenue ». C’est sur ce texte du droit commun des obligations que se fondait la demanderesse au pourvoi, dont la thèse se trouve écartée ;

- Objections à la thèse développée par le moyen : l’article 1121 du Code civil, s’il consacre la théorie de la réception, revêt un caractère supplétif : les parties sont donc libres de fixer le moment et le lieu de formation du contrat autrement que par renvoi à la réception de l’acceptation, en stipulant par ex. que le contrat sera conclu dès l’expédition de l’acceptation. En l’espèce, dans les conditions générales du contrat, il est indiqué qu’une inscription est validée par la constitution d'un dossier complet. Il n'est pas en outre stipulé que la société se réserve un droit d'agrément des candidats, en sorte que l'acceptation pure et simple de l'offre de contrat a emporté, dès son émission, formation du contrat, soit le 15 septembre 2020, la seconde date du 16 septembre correspondant au simple fait, indifférent pour la qualification du contrat litigieux, de la remise du dossier d’inscription dans les locaux de la société. 

B.     L’incidence du délai de rétractation sur l’application de la théorie de l’émission en droit de la consommation

- Pour protéger le consommateur, l’article L. 221-18 du Code de la consommation prévoit un délai de rétractation : « Le consommateur dispose d'un délai de quatorze jours pour exercer son droit de rétractation d'un contrat conclu à distance, à la suite d'un démarchage téléphonique ou hors établissement, sans avoir à motiver sa décision ni à supporter d'autres coûts que ceux prévus aux articles L. 221-23 à L. 221-25. Le délai mentionné au premier alinéa court à compter du jour : 1° De la conclusion du contrat, pour les contrats de prestation de services et ceux mentionnés à l'article L. 221-4 ; [...] » : dès lors que les contrats à distance peuvent être résiliés dans un délai de quatorze jours, le contrat doit être considéré comme parfait dès l’échange des consentement, ie dès l’accord sur la chose et le prix, matérialisé par la signature du bon de commande ;

- En outre, dans le domaine, voisin de celui de la date de conclusion du contrat, concernant le terme du délai de rétractation, la Cour de cassation juge, dans le silence de l’article L. 221-18 du Code de la consommation, que c’est la date d’envoi du courrier par le consommateur qui compte (Civ. 1re, 12 juill. 2023, n° 22-10.778) : elle consacre la théorie de l’émission, et non celle de la réception, conformément à l’article L. 221-21 qui dispose très clairement que « le consommateur exerce son droit de rétractation en informant le professionnel de sa décision de se rétracter par l'envoi, avant l'expiration du délai prévu à l'article L. 221-18, du formulaire de rétractation » ; cette solution permet aux consommateurs de bénéficier de la durée totale des quatorze jours calendaires, sans avoir à supporter le risque des aléas postaux, et de rendre effective la protection du consommateur ;

- Dans un souci de cohérence, la Cour de cassation fait ici en sorte que la théorie de l’émission s’applique de manière générale tant à la formation du contrat qu’à l’exercice du droit de rétractation du consommateur.

 


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