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À vos copies !

 La condition suspensive d’obtention du prêt

[ 19 décembre 2013 ] Imprimer

Droit des obligations

La condition suspensive d’obtention du prêt

Chaque mois, retrouvez le commentaire d’une décision de justice issue de l’actualité jurisprudentielle.

Ce mois-ci, Dalloz Actu Étudiant vous propose de commenter l’arrêt Civ. 3e, 20 nov. 2013, pourvoi, n°12-29.021, relatif à la défaillance de la condition suspensive d’obtention du prêt.

Arrêt

« Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 27 septembre 2012), que M. X... et Mme Y... ont signé une promesse de vente sous condition suspensive de l'obtention d'un prêt au taux maximum de 4, 75 % ; que le notaire de Mme Y... a notifié au notaire de M. X... la renonciation de Mme Y... à acquérir du fait du refus de la BNP de lui accorder le prêt ; que M. X... a assigné Mme Y... pour faire dire qu'elle n'avait pas satisfait à ses obligations contractuelles visées au " compromis " et que la condition suspensive tenant à l'obtention du prêt doit être considérée comme réalisée ; 

Sur le premier moyen : 

Vu l'article 1178 du code civil ; 

Attendu que pour débouter M. X... de sa demande au titre de la clause pénale, l'arrêt retient qu'il est reproché à Mme Y... d'avoir demandé à la BNP un prêt à un taux inférieur au taux prévu à la promesse de vente, qu'il est vrai qu'elle a demandé une simulation sur la base d'un taux de 4, 20 % dont il n'est pas démontré cependant qu'il soit fantaisiste, que le seul fait de demander un taux légèrement inférieur au taux prévu par la promesse ne constitue pas une faute justifiant la mise en jeu de la clause pénale et qu'il n'y a pas là une " instrumentalisation " de la condition suspensive ainsi que le prétend M. X... ; 

Qu'en statuant ainsi, tout en constatant, d'une part, que Mme Y... avait sollicité de la banque BNP Paribas un prêt à un taux ne correspondant pas aux caractéristiques de la promesse, d'autre part, qu'elle se contentait de produire une lettre de Cetelem indiquant que son dossier avait été détruit, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé le texte susvisé ; 

Sur le second moyen : 

Vu l'article 624 du code de procédure civile ; 

Attendu que la disposition relative à la clause pénale attaquée par le premier moyen se rattachant par un lien de dépendance nécessaire au chef critiqué par le deuxième moyen, la cassation de l'arrêt sur le premier moyen entraîne, par voie de conséquence, l'annulation de la disposition relative au rejet de la demande de dommages-intérêts ; 

PAR CES MOTIFS : 

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 27 septembre 2012, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles, autrement composée (…). »

Travail préparatoire

Rappel de méthodologie

Un commentaire d’arrêt est un exercice qui comprend deux temps : l’explication de l’arrêt et son appréciation.

En d’autres termes, il faut, en premier lieu, expliquer le sens de l’arrêt. Ce qui suppose d’abord de le lire très attentivement, pour bien le comprendre. Ensuite, et c’est un temps essentiel de votre commentaire, il vous faut identifier la question que l’arrêt à commenter a résolue. En outre, il vous faut détecter la ou les règles de droit qui fondent la décision qui vous est soumise. Enfin, il vous faut faire un exercice de mémoire (si vous composez votre commentaire dans le cadre d’un examen) ou de recherche (si vous composez librement votre commentaire), non seulement pour découvrir le thème général dans lequel s’inscrit l’arrêt à commenter, mais encore pour trouver des éléments bibliographiques qui vous permettront de mieux comprendre l’arrêt que vous devez commenter et donc de mieux l’expliquer.

En second lieu, après avoir expliqué le sens de l’arrêt et démontré que vous l’avez compris, vous devez apprécier l’arrêt à commenter, donner une opinion sur la façon dont la Cour de cassation a tranché le litige et répondu à la question de droit, au fond, il vous faut juger les juges, vous prononcer sur la valeur de la décision, ce qui sera d’autant plus simple que vous pourrez la situer dans le temps, c’est-à-dire en déterminer la portée. Dans cette perspective d’appréciation de la valeur de l’arrêt, il vous faut exploiter des éléments bibliographiques qui vous permettront de recueillir les diverses opinions doctrinales qui se sont prononcées sur la question de droit réglée par la Cour de cassation, et de vous prononcer sur la pertinence des diverses thèses en présence à propos de la question de droit, celle que soutenaient les juges du fond, celle du demandeur au pourvoi et puis celle retenue par la Cour de cassation qui sera fatalement peu ou prou une des deux précédentes.

Analyse de l’arrêt

Analyser l’arrêt conduit à s’en tenir à le présenter en vue d’introduire votre commentaire. Voici la démarche à suivre :

– d’abord, il vous faut sélectionner les faits qui seront utiles dans la perspective de votre commentaire ;

– en outre, il convient de qualifier les faits, ce qui revient à les faire entrer dans une catégorie juridique donnée ;

– ensuite, il faut exposer les différentes étapes de la procédure, à savoir la décision des juges du fond, puis le moyen du pourvoi ;

– de plus, il vous faut énoncer la question de droit que l’arrêt a tranchée ;

– enfin, il convient d’exposer la solution que la Cour de cassation a finalement retenue.

Dans l’arrêt qu’il vous faut ici commenter, reprenons cette démarche :

■ Sélection des faits : Deux particuliers concluent un compromis de vente dans laquelle est stipulée une condition suspensive d’obtention du prêt. L’acquéreur fait savoir au promettant qu’il renonce à acquérir en raison du refus de prêt qui lui a été signifié par la banque qu’il avait sollicitée.

■ Qualification des faits : Un contractant qui a conclu un compromis renonce à la vente promise en raison de la défaillance de la condition suspensive d’obtention du prêt, stipulé dans l’acte.

■ Exposé de la procédure : Le promettant agit en paiement de la clause pénale stipulée dans la promesse au cas de manquement par le bénéficiaire à ses obligations contractuelles. La cour d’appel le déboute au motif que l’acquéreur sous condition suspensive avait seulement demandé un prêt avec un taux légèrement inférieur au taux contractuellement prévu.

■ Énoncé de la question de droit : Le manquement d’un acquéreur sous condition suspensive peut-il résulter du seul non-respect des stipulations de la promesse relatives au taux du prêt dont l’obtention constitue l’événement conditionnel ?

■ Exposé de la décision : La Cour de cassation a cassé, au visa de l’article 1178 du Code civil, la décision des juges du fond au motif que l’acquéreur sous condition suspensive « avait sollicité de la banque B. un prêt à un taux ne correspondant pas aux caractéristiques de la promesse ».

L’élaboration du commentaire

L’analyse de l’arrêt est désormais effectuée. Reste à bâtir et nourrir le commentaire.

Il est de bonne méthode de rechercher alors dans quelle thématique générale s’inscrit l’arrêt à commenter, ce qu’une parfaite identification des questions de droit tranchée par l’arrêt vous permet aisément de découvrir. En l’occurrence, l’arrêt porte sur l’obligation sous condition suspensive.

Dans la perspective de l’élaboration de votre commentaire, il convient que vous exploitiez :

– le précis Dalloz de Droit des obligations de MM. Terré, Simler et Lequette, qui comporte des développements sur la réparation en général et sur l’obligation de la victime de modérer son dommage ;

La structure du commentaire

Pour construire votre commentaire, en clair pour élaborer son plan, il convient d’expliquer l’arrêt et d’apprécier sa solution. Ce qui consiste :

– à en restituer clairement le sens ;

– à en déterminer la portée ;

– et à en discuter la valeur,

étant entendu que ces trois éléments sont ici d’égale importance.

Proposition de plan détaillé

Introduction

Avant l’analyse de l’arrêt proprement dite qui compose le cœur de l’introduction, il faut insister sur son contexte, à savoir la condition suspensive d’obtention du prêt. Après quoi, vous pouvez intégrer l’analyse de l’arrêt proprement dite (v. supra).

Enfin, après avoir exposé la décision retenue par la Cour de cassation, vous devez annoncer le plan de votre commentaire.

■ ■ ■

I. La faute du débiteur sous condition suspensive

A. La condition

Exposé : En l’espèce, le contrat de promesse de vente avait engendré à la charge de l’acquéreur une obligation d’acquérir qui n’était pas pure et simple. Cette obligation était affectée d’une condition suspensive. L événement érigé en condition résidait dans la réalisation d’un prêt.

Lorsque l’obtention d’un prêt est érigé en condition suspensive, on considère que sa réalisation suppose que le débiteur reçoive une offre de prêt conforme aux stipulations contractuelle relatives à celui-ci.

Il n’est donc pas nécessaire pour que la condition soit réalisée que le débiteur accepte l’offre qui a été émise, faute de quoi la condition serait atteinte d’une dose de potestativité telle qu’elle emporterait la nullité du contrat.

B. Le manquement

Exposé : En l’occurrence, le débiteur n’a pas respecté les termes de la promesse relatifs au prêt. En effet, alors que la promesse stipulait que le taux maximum d’intérêt était de 4,75%, il avait demandé une simulation sur la base d’un taux de 4,20%.

Discussion : Sur ce point, la décision de la Cour peut paraître rigoureuse, puisque, d’une part, le taux prévu dans la promesse était un « taux maximum », et que, d’autre part, le taux indiqué dans la demande de prêt, à savoir 4,20%. Aussi, était-il envisageable de considérer que l’écart entre les deux taux était trop peu important pour qu’une faute du débiteur puisse être caractérisée.

II. La sanction de la faute du débiteur sous condition

A. Le paiement de la peine

Exposé : Le compromis comportait une clause pénale aux termes de laquelle le manquement du débiteur aux obligations qu’il avait souscrite à propos de la demande de prêt serait sanctionné par le paiement d’une peine. Puisque le débiteur n’a pas déposé une demande de prêt conforme aux stipulations de la promesse, son manquement emporte l’application de la clause pénale.

Discussion : La peine est due du seul fait que le manquement visé dans l’acte soit caractérisé, indépendamment du point de savoir si la faute, que sanctionne la clause pénale, a emporté un préjudice au détriment de son cocontractant.

B. La réalisation de la condition

Exposé : Aux termes de l’article 1178 du Code civil, au visa duquel est rendu l’arrêt, la condition est réputée réalisée lorsque c’est le débiteur lui-même qui, en raison de son comportement déloyal, a provoqué sa défaillance.

Discussion : En l’espèce puisque le refus de prêt procède de la non-conformité de la demande de prêt avec les stipulations contractuelles, précisément entre le taux d’intérêt convenu et le taux demandé, le prêt est alors réputé obtenu, et l’obligation de l’acquéreur devient pure et simple.

Références

■ Y. Lequette, Fr. Terré, Ph. Simler, Droit civil, Les obligations 11e éd., Dalloz, coll. « Précis », 2013.

■ Code civil

Article 1178

« La condition est réputée accomplie lorsque c'est le débiteur, obligé sous cette condition, qui en a empêché l'accomplissement. »

 


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