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À vos copies !
Droit des obligations
La prescription de l’action paulienne
Chaque mois, retrouvez le commentaire d’une décision de justice issue de l’actualité jurisprudentielle.
Ce mois-ci, Dalloz Actu Étudiant vous propose de commenter l’arrêt Civ. 3e, 8 déc. 2021, n° 20-18.432
Travail préparatoire
Rappel de méthodologie
Un commentaire d’arrêt est un exercice qui comprend deux temps : l’explication de l’arrêt et son appréciation.
En d’autres termes, il faut, en premier lieu, expliquer le sens de l’arrêt. Ce qui suppose d’abord de le lire très attentivement, pour bien le comprendre. Ensuite, et c’est un temps essentiel de votre commentaire, il vous faut identifier la question que l’arrêt à commenter a résolue. En outre, il vous faut détecter la ou les règles de droit qui fondent la décision qui vous est soumise. Enfin, il vous faut faire un exercice de mémoire (si vous composez votre commentaire dans le cadre d’un examen) ou de recherche (si vous composez librement votre commentaire), non seulement pour découvrir le thème général dans lequel s’inscrit l’arrêt à commenter, mais encore pour trouver des éléments bibliographiques qui vous permettront de mieux comprendre l’arrêt que vous devez commentez et donc de mieux l’expliquer.
En second lieu, après avoir expliqué le sens de l’arrêt et démontrer que vous l’avez compris, vous devez apprécier l’arrêt à commenter, donner une opinion sur la façon dont la Cour de cassation a tranché le litige et répondu à la question de droit, au fond, il vous faut juger les juges, vous prononcer sur la valeur de la décision, ce qui sera d’autant plus simple que vous pourrez la situer dans le temps, c’est-à-dire en déterminer la portée. Dans cette perspective d’appréciation de la valeur de l’arrêt, il vous faut exploiter des éléments bibliographiques qui vous permettront de recueillir les diverses opinions doctrinales qui se sont prononcées sur la question de droit réglée par la Cour de cassation, et de vous prononcer sur la pertinence des diverses thèses en présence à propos de la question de droit, celle que soutenaient les juges du fond, celle du demandeur au pourvoi et puis celle retenue par la Cour de cassation qui sera fatalement peu ou prou une des deux précédentes.
Analyse de l’arrêt
Analyser l’arrêt conduit à s’en tenir à le présenter en vue d’introduire votre commentaire. Voici la démarche à suivre :
– d’abord, il vous faut sélectionner les faits qui seront utiles dans la perspective de votre commentaire ;
– en outre, il convient de qualifier les faits, ce qui revient à les faire entrer dans une catégorie juridique donnée ;
– ensuite, il faut exposer les différentes étapes de la procédure, à savoir la décision des juges du fond, puis le moyen du pourvoi ;
– de plus, il vous faut énoncer la question de droit que l’arrêt a tranchée ;
– enfin, il convient d’exposer la solution que la Cour de cassation a finalement retenue.
Dans l’arrêt qu’il vous faut ici commenter, reprenons cette démarche :
Sélection des faits - En 2009, l’associée d’une société se porte caution solidaire de cette société au profit d’un établissement bancaire. En 2011, elle consent à ses enfants une donation-partage de la nue-propriété d’un immeuble d’habitation dont elle était propriétaire. Après la mise en liquidation judiciaire de la société et l’appel de la caution en garantie, le créancier assigne cette dernière, en 2016, en inopposabilité de la donation-partage.
Qualification des faits - Après s’être portée caution solidaire mais avant d’être appelée en paiement, une associée de la société cautionnée consent à ses enfants, par acte authentique du 12 juillet 2011, publié au service de la publicité foncière le 7 septembre suivant, une donation-partage de la nue-propriété d’un immeuble à usage d’habitation lui appartenant. Quelques années plus tard, et après la mise en liquidation judiciaire du débiteur, le créancier assigna la caution, les 20 et 23 décembre 2016, en inopposabilité de la donation-partage.
Procédure - La cour d’appel considéra son action irrecevable comme étant prescrite (Caen, 2 avr. 2020, n° 18/02906) : ayant fixé en l'espèce le point de départ du délai de la prescription de l'action paulienne au 7 septembre 2011 de sorte qu'ayant été régulièrement porté[e] à la connaissance des tiers du fait de sa publication, le créancier était réputé avoir eu connaissance de son existence dès cette date et avoir été ainsi en mesure d'exercer ses droits pendant un délai de cinq ans à compter du 7 septembre 2011 qui, aux dates d’engagement de son action (20 et 23 déc. 2016), avait en conséquence expiré.
Moyen du pourvoi - Le délai de la prescription applicable à l'action paulienne suppose, pour commencer à courir, que le créancier connaisse, ou doive à tout le moins connaître, l'existence de l'acte qu'il entend voir déclarer inopposable à son endroit. Or, la publication de cet acte au service de la publicité foncière ne fait pas, à elle seule, courir le délai de la prescription. Aussi bien la cour d'appel ne justifie-t-elle pas qu’il avait ou aurait dû avoir le 7 septembre 2011 la connaissance effective de la donation-partage effectuée 12 juillet précédent.
Problème de droit - Quel est le point de départ de la prescription ? Doit-il être fixé au jour de la publicité de l’acte au service de la publicité foncière ou au jour de la connaissance effective du créancier de l’existence de l’acte ?
Solution - La troisième chambre civile de la Cour de cassation rejette le pourvoi, au motif qu’en présence d’un acte frauduleux publié au service de la publicité foncière, cette publication fait courir le délai de prescription de l’action en inopposabilité exercée sur le fondement de l’action paulienne.
En ce sens, elle approuve tout d’abord la cour d'appel d’avoir retenu que l'action paulienne, qui vise à rendre inopposable à un créancier l'acte fait par l'un de ses débiteurs en fraude de ses droits, était une action de nature personnelle soumise à la prescription de droit commun de l'article 2224 du code civil, courant à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.
Elle rappelle ensuite que ce n'est que lorsque la fraude du débiteur a empêché le créancier d'exercer son action que le point de départ en est reporté au jour où il a effectivement connu l'existence de l'acte fait en fraude de ses droits (Civ. 3e, 12 nov. 2020, n° 19-17.156, en cours de publication).
Elle juge enfin qu’ayant exactement retenu que, l'acte de donation-partage ayant été régulièrement porté à la connaissance des tiers du fait de sa publication au service de la publicité foncière le 7 septembre 2011, la banque était réputée avoir connaissance de son existence dès cette date, la cour d'appel en a déduit, à bon droit, que l'action qu'elle avait engagée plus de cinq ans après était prescrite.
L’élaboration du commentaire
L’analyse de l’arrêt est désormais effectuée. Reste à bâtir et nourrir le commentaire.
Il est de bonne méthode de rechercher alors dans quelle thématique générale s’inscrit l’arrêt à commenter, ce qu’une parfaite identification des questions de droit tranchée par l’arrêt vous permet aisément de découvrir.
En l’occurrence, l’arrêt porte sur la prescription de l’action paulienne.
La structure du commentaire
Pour construire votre commentaire, en clair pour élaborer son plan, il convient d’expliquer l’arrêt et d’apprécier sa solution. Ce qui consiste :
– à en restituer clairement le sens ;
– à en déterminer la portée ;
– et à en discuter la valeur ;
étant entendu que ces trois éléments sont ici d’égale importance.
Proposition de plan détaillé
Avant l’analyse de l’arrêt proprement dite qui compose le cœur de l’introduction, il faut insister sur son contexte. Après quoi, vous pouvez intégrer l’analyse de l’arrêt proprement dite.
Enfin, après avoir exposé la décision retenue par la Cour de cassation, vous devez annoncer le plan de votre commentaire.
I. Prescription de l’action paulienne : le rappel des solutions antérieures
A. Nature de l’action
● Pb : silence légal sur la prescription de l’action paulienne ; la jp est venue combler cette lacune, d’abord en précisant la nature de cette action ;
● Nature personnelle de l’action paulienne (sur la notion, v. C. civ., art. 1341-2 ; 1167 anc.) ; sur son caractère personnel, v. Civ. 3e, 25 janv. 1983, n° 81-11.426, P ; Civ. 3e, 9 mars 1994, n° 91-20.715 ;
● Ce caractère personnel a des conséquences sur la prescription de cette action, dont les règles ont également été définies par le juge.
B. Règles de prescription de l’action
● Nature personnelle de l’action = soumission à l’application de l’article 2224 du code civil ; Conséquence = la prescription quinquennale court à compter du jour où le titulaire du droit a connu ou aurait dû connaître l’existence des faits lui permettant de l’exercer ; nécessité de la connaissance par le créancier des faits lui permettant d’exercer son droit ;
● Possibilité d’un report du point de départ de la prescription ; rappel d’une solution récente : « lorsque la fraude du débiteur a empêché le créancier d’exercer son action […], le point de départ […] est reporté au jour où il a effectivement connu l’existence de l’acte en fraude de ses droits » (Civ. 3e, 12 nov. 2020, n° 19-17.156) ;
● Justification : fraude consubstantielle à l’action paulienne ; l’action paulienne protège le créancier contre les actes frauduleux que son débiteur pourrait commettre ; la fraude peut résulter d’une intention de nuire ou même de la simple connaissance du débiteur et de son cocontractant du préjudice causé au créancier par l’acte litigieux (Civ. 1re, 29 mai 1985, n° 83-17.329, P ; Civ. 1re, 13 janv.1993, n° 91-11.871 ; Civ. 1re, 12 déc. 2006, n° 04-11.579).
II. Prescription de l’action paulienne : l’apport d’une précision nouvelle
A. Publication de l’acte frauduleux : la possibilité d’un report du point de départ du délai
● Le report du point de départ du délai de la prescription est-il concevable lorsque l’acte frauduleux est soumis à publicité et que la publication est intervenue régulièrement ?
● Alternative : soit le point de départ reste fixé au jour de la publication officielle de l’acte même argué de fraude, soit le point de départ est reporté au jour de la connaissance effective de la passation d’un tel acte ;
● Enjeu : en pratique, la connaissance effective de l’acte frauduleux intervient souvent postérieurement à la date de sa publicité foncière ; sa prise en compte pour fixer le point du départ du délai serait un moyen d’échapper à la prescription de l’action paulienne ; mais refus de la Cour de cassation.
B. Publication de l’acte frauduleux : l’exclusion du report du point de départ du délai
● À cet égard, la Cour de cassation apporte une précision importante venant compléter la jurisprudence précitée : « l’acte de donation-partage ayant été régulièrement porté à la connaissance des tiers du fait de sa publication au service de la publicité foncière […], [le créancier] était réputé avoir connaissance de son existence dès cette date ».
● Ainsi, en présence d’un acte soumis à publicité et à la condition de la régularité de cette publication, il ne saurait y avoir report du point de départ de la prescription.
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