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La responsabilité du garagiste réparateur

[ 12 décembre 2018 ] Imprimer

Droit de la responsabilité civile

La responsabilité du garagiste réparateur

Chaque mois, retrouvez le commentaire d’une décision de justice issue de l’actualité jurisprudentielle.

Ce mois-ci, Dalloz Actu Étudiant vous propose de commenter l’arrêt Civ. 1re, 3 oct. 2018, n° 16-21.241

« Sur le moyen unique, pris en sa première branche : 

Vu les articles 1147, devenu 1231-1 et 1315, devenu 1353 du code civil ; 

Attendu que l'obligation de résultat, qui pèse sur le garagiste en ce qui concerne la réparation des véhicules de ses clients, emporte à la fois présomption de faute et présomption de causalité entre la faute et le dommage ; 

Attendu, selon le jugement attaqué, que, le 19 novembre 2013, M. et Mme Y... ont confié à la société FMC Bymycar Lyon (le garagiste) une automobile en vue de la pose de pneus d'hiver ; que, soutenant avoir constaté, à l'occasion d'une intervention ultérieure de ce même garage, que les moyeux de roue et la visserie avaient été endommagés, ils ont assigné le garagiste en réparation de leur préjudice ; 

Attendu que, pour écarter leurs demandes, le jugement retient que M. et Mme Y... n'établissent pas que l'excès de serrage ayant endommagé la visserie et les moyeux soit imputable au garagiste ; 

Qu'en statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que le garagiste était le seul professionnel à être intervenu sur les roues depuis le 19 novembre 2013, la juridiction de proximité a inversé la charge de la preuve et violé les textes susvisés ; 

PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen : 

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, le jugement rendu le 26 mai 2016, entre les parties, par la juridiction de proximité de Bourgoin-Jallieu ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit jugement et, pour être fait droit, les renvoie devant le tribunal d'instance de Vienne ; 

Condamne la société FMC Bymycar Lyon aux dépens ; 

Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer à M. et Mme Y... la somme de 3 000 euros ; 

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite du jugement cassé ; »

Travail préparatoire

Rappel de méthodologie

Un commentaire d’arrêt est un exercice qui comprend deux temps : l’explication de l’arrêt et son appréciation.

En d’autres termes, il faut, en premier lieu, expliquer le sens de l’arrêt. Ce qui suppose d’abord de le lire très attentivement, pour bien le comprendre. Ensuite, et c’est un temps essentiel de votre commentaire, il vous faut identifier la question que l’arrêt à commenter a résolue. En outre, il vous faut détecter la ou les règles de droit qui fondent la décision qui vous est soumise. Enfin, il vous faut faire un exercice de mémoire (si vous composez votre commentaire dans le cadre d’un examen) ou de recherche (si vous composez librement votre commentaire), non seulement pour découvrir le thème général dans lequel s’inscrit l’arrêt à commenter, mais encore pour trouver des éléments bibliographiques qui vous permettront de mieux comprendre l’arrêt que vous devez commentez et donc de mieux l’expliquer.

En second lieu, après avoir expliqué le sens de l’arrêt et démontrer que vous l’avez compris, vous devez apprécier l’arrêt à commenter, donner une opinion sur la façon dont la Cour de cassation a tranché le litige et répondu à la question de droit, au fond, il vous faut juger les juges, vous prononcer sur la valeur de la décision, ce qui sera d’autant plus simple que vous pourrez la situer dans le temps, c’est-à-dire en déterminer la portée. Dans cette perspective d’appréciation de la valeur de l’arrêt, il vous faut exploiter des éléments bibliographiques qui vous permettront de recueillir les diverses opinions doctrinales qui se sont prononcées sur la question de droit réglée par la Cour de cassation, et de vous prononcer sur la pertinence des diverses thèses en présence à propos de la question de droit, celle que soutenaient les juges du fond, celle du demandeur au pourvoi et puis celle retenue par la Cour de cassation qui sera fatalement peu ou prou une des deux précédentes.

Analyse de l’arrêt

Analyser l’arrêt conduit à s’en tenir à le présenter en vue d’introduire votre commentaire. Voici la démarche à suivre :

– d’abord, il vous faut sélectionner les faits qui seront utiles dans la perspective de votre commentaire ;

– en outre, il convient de qualifier les faits, ce qui revient à les faire entrer dans une catégorie juridique donnée ;

– ensuite, il faut exposer les différentes étapes de la procédure<s>, </s>à savoir la décision des juges du fond, puis le moyen du pourvoi ;

– de plus, il vous faut énoncer la question de droit que l’arrêt a tranchée ;

– enfin, il convient d’exposer la solution que la Cour de cassation a finalement retenue.

Dans l’arrêt qu’il vous faut ici commenter, reprenons cette démarche :

Sélection des faits : 

Un couple qui avait fait poser des pneus d’hiver sur leur véhicule, avait constaté, à l’occasion d’une intervention ultérieure effectuée par le même garagiste, que les moyeux de roue et la visserie étaient abimés. 

Qualification des faits : 

En l’espèce, des particuliers, après s’être adressés une première fois à leur garagiste pour une pose de pneus, avaient constaté, à la suite d’une seconde intervention effectuée par ce dernier, que leur véhicule se trouvait, à plusieurs endroits, endommagé.

Exposé de la procédure : 

Ils avaient alors assigné le garagiste réparateur devant une juridiction de proximité en réparation de leur préjudice. 

Pour les débouter de leur demande, le juge de proximité retint que les deux propriétaires n’avaient pas établi que les dommages invoqués étaient imputable au garagiste. Ces derniers formèrent un pourvoi en cassation.

Énoncé de la question de droit : 

Les propriétaires d’un véhicule endommagé à la suite de l’intervention d’un garagiste réparateur ont-ils la charge de prouver l’imputabilité du dommage à la faute de ce professionnel ?

Exposé de la décision : 

A cette question, la première chambre civile de la Cour de cassation répond par la négative. Rendu en dernier ressort, le jugement attaqué par les demandeurs au pourvoi est cassé au visa des articles 1231-1 (anc. art. 1147 ) et 1353 (anc. art. 1315) du Code civil au motif qu’il ressortait de l’instruction que le garagiste étant le seul à être intervenu sur les roues depuis le changement des pneus, il devait en être déduit qu’il avait, par cette intervention fautive, causé le dommage dont l’indemnisation était demandée. Ainsi, la juridiction de proximité saisie des faits avait-elle, selon la Cour, inversé la charge de la preuve en refusant de considérer qu’il incombait au garagiste de renverser la présomption de faute et la présomption de causalité entre la faute et le dommage qui pesait sur lui.

Ainsi la Cour de cassation rappelle-t-elle que l’obligation de résultat qui pèse sur le garagiste, en ce qui concerne les réparations d’un véhicule, emporte à la fois présomption de faute (I) et présomption de causalité (II) entre la faute et le dommage.

L’élaboration du commentaire 

L’analyse de l’arrêt est désormais effectuée. Reste à bâtir et nourrir le commentaire.

Il est de bonne méthode de rechercher alors dans quelle thématique générale s’inscrit l’arrêt à commenter, ce qu’une parfaite identification des questions de droit tranchée par l’arrêt vous permet aisément de découvrir. En l’occurrence, l’arrêt porte sur la responsabilité du garagiste réparateur.

La structure du commentaire

Pour construire votre commentaire, en clair pour élaborer son plan, il convient d’expliquer l’arrêt et d’apprécier sa solution. Ce qui consiste :

– à en restituer clairement le sens ;

– à en déterminer la portée ;

– et à en discuter la valeur,

étant entendu que ces trois éléments sont ici d’égale importance.

Proposition de plan détaillé

Avant l’analyse de l’arrêt proprement dite qui compose le cœur de l’introduction (voir ci-dessus), il faut insister sur son contexte, à savoir la responsabilité du garagiste réparateur. Après quoi, vous pouvez intégrer l’analyse de l’arrêt proprement dite (voir ci-dessus).

Enfin, après avoir exposé la décision retenue par la Cour de cassation, vous devez annoncer le plan de votre commentaire.

I.                 Obligation de résultat du garagiste réparateur : la présomption de faute

A.     Une présomption irréfragable

-        Dès lors qu’il est avéré que le véhicule n’est pas restitué en bon état de marche : présomption de la faute du réparateur automobile. Insuffisance ou inefficacité de son intervention établie, de ce seul fait, au regard de l’obligation de résultat pesant par principe sur le réparateur professionnel, notamment le garagiste (Civ. 1re, 20 juin 1995, n° 93-16.381 ; Civ. 1re, 21 oct. 1997, n° 95-16.717 ; Civ. 1re, 12 juill. 2001, n° 99-14.811; Civ. 1re, 5 févr. 2014, n° 12-23.467; V. concernant d’autres contractants, Civ. 1re, 5 mars 1991, n° 88-14.156, à propos d’un électricien ; Civ. 3e, 22 juin 2010, n° 09-16.199, à propos d’un sous-traitant de travaux immobiliers).

-        Présomption irréfragable, donc insusceptible d’être inversée. Analyse de la responsabilité du garagiste réparateur comme une responsabilité sans faute, contrairement à ce qu’affirment les juges.

B.     Une présomption contestable

Solution techniquement discutable, du point de vue de l’obligation de résultat : la responsabilité contractuelle du fait de l'inexécution d'une obligation de résultat : responsabilité sans faute parce que la faute n'est ni une condition d'engagement, ni une cause d'exonération. 

Responsabilité objective, ce que la Cour de cassation avait d’ailleurs admis en visant « la responsabilité de plein droit qui pèse sur le garagiste réparateur » (Com. 22 janv. 2002, n° 00-13.510).

En toute rigueur, une présomption irréfragable n'est donc plus une présomption, mais une règle de fond.

II.              Obligation de résultat du garagiste réparateur : la présomption de causalité

A.     Une présomption logique

Assimilation de l’inexécution de l'obligation de résultat à une présomption de faute : existence d’une présomption de causalité. 

On ne présume pas une faute quelconque mais seulement une faute causale. Toute présomption de faute implique une présomption de causalité, ce qui explique que la jurisprudence les relie toujours dans les mêmes termes : « (…) l'obligation de résultat emporte à la fois présomption de faute et présomption de causalité entre la prestation fournie et le dommage invoqué ».

La présomption de causalité vise seulement le lien entre l'inexécution et le fait du débiteur, c’est-à-dire une présomption d'imputation de la défectuosité du résultat à l'activité du débiteur.

B.     Une présomption relative

Relation causale entre l'inexécution et le fait du débiteur : ne préjuge pas de la causalité du dommage et de l'inexécution. Même si le plus souvent, le rattachement du dommage à l'inexécution est établi. Mais : pas automatique. Ainsi, lorsque le dommage n'apparaît pas dépendre de l'inexécution, il appartient en principe à la victime de rapporter la preuve du lien causal entre la prestation et le dommage parce qu'elle est tenue de prouver l'existence de l'obligation de réparation.

C’est pourquoi, dans la ligne d’autres décisions, cette solution qui, tout en consacrant l'existence d'une obligation de résultat, maintient la charge de la preuve de la causalité du dommage et de l'inexécution au créancier. Ainsi, en l’espèce, les clients du garagiste, même créanciers d'une obligation de résultat, ont dû cependant établir que le dommage subi par son véhicule trouvait son origine dans les organes du véhicule sur lesquels étaient intervenus le garagiste (V. déjà, Civ. 1re, 14 mars 1995, n° 93-12.028).

Références

■ Civ. 1re, 20 juin 1995, n° 93-16.381 P

■ Civ. 1re, 21 oct. 1997, n° 95-16.717 P: D. 1997. 252

■ Civ. 1re, 12 juill. 2001, n° 99-14.811

■ Civ. 1re, 5 févr. 2014, n° 12-23.467 P : D. 2014. 422 ; RTD civ. 2014. 367, obs. H. Barbier ; ibid. 377, obs. P. Jourdain

■ Civ. 1re, 5 mars 1991, n° 88-14.156 : RTD civ. 1991. 756, obs. P. Jourdain

■ Civ. 3e, 22 juin 2010, n° 09-16.199 : RDI 2010. 550, obs. H. Périnet-Marquet

■ Com. 22 janv. 2002, n° 00-13.510 : RTD civ. 2002. 514, obs. P. Jourdain

■ Civ. 1re, 14 mars 1995, n° 93-12.028 P : RTD civ. 1995. 635, obs. P. Jourdain

 


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