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Droit des obligations
Le sort de la promesse synallagmatique de vente assortie de conditions suspensives non réalisées à la date fixée pour la réitération de la vente
Chaque mois, retrouvez le commentaire d’une décision de justice issue de l’actualité jurisprudentielle.
Ce mois-ci, Dalloz Actu Étudiant vous propose de commenter l’arrêt Civ. 3e, 4 févr. 2021, n° 20-15.913.
Travail préparatoire
Rappel de méthodologie
Un commentaire d’arrêt est un exercice qui comprend deux temps : l’explication de l’arrêt et son appréciation.
En d’autres termes, il faut, en premier lieu, expliquer le sens de l’arrêt. Ce qui suppose d’abord de le lire très attentivement, pour bien le comprendre. Ensuite, et c’est un temps essentiel de votre commentaire, il vous faut identifier la question que l’arrêt à commenter a résolue. En outre, il vous faut détecter la ou les règles de droit qui fondent la décision qui vous est soumise. Enfin, il vous faut faire un exercice de mémoire (si vous composez votre commentaire dans le cadre d’un examen) ou de recherche (si vous composez librement votre commentaire), non seulement pour découvrir le thème général dans lequel s’inscrit l’arrêt à commenter, mais encore pour trouver des éléments bibliographiques qui vous permettront de mieux comprendre l’arrêt que vous devez commentez et donc de mieux l’expliquer.
En second lieu, après avoir expliqué le sens de l’arrêt et démontrer que vous l’avez compris, vous devez apprécier l’arrêt à commenter, donner une opinion sur la façon dont la Cour de cassation a tranché le litige et répondu à la question de droit, au fond, il vous faut juger les juges, vous prononcer sur la valeur de la décision, ce qui sera d’autant plus simple que vous pourrez la situer dans le temps, c’est-à-dire en déterminer la portée. Dans cette perspective d’appréciation de la valeur de l’arrêt, il vous faut exploiter des éléments bibliographiques qui vous permettront de recueillir les diverses opinions doctrinales qui se sont prononcées sur la question de droit réglée par la Cour de cassation, et de vous prononcer sur la pertinence des diverses thèses en présence à propos de la question de droit, celle que soutenaient les juges du fond, celle du demandeur au pourvoi et puis celle retenue par la Cour de cassation qui sera fatalement peu ou prou une des deux précédentes.
Analyse de l’arrêt
Analyser l’arrêt conduit à s’en tenir à le présenter en vue d’introduire votre commentaire. Voici la démarche à suivre :
– d’abord, il vous faut sélectionner les faits qui seront utiles dans la perspective de votre commentaire ;
– en outre, il convient de qualifier les faits, ce qui revient à les faire entrer dans une catégorie juridique donnée ;
– ensuite, il faut exposer les différentes étapes de la procédure, à savoir la décision des juges du fond, puis le moyen du pourvoi ;
– de plus, il vous faut énoncer la question de droit que l’arrêt a tranchée ;
– enfin, il convient d’exposer la solution que la Cour de cassation a finalement retenue.
Dans l’arrêt qu’il vous faut ici commenter, reprenons cette démarche :
Sélection des faits : En décembre 2014, M. promet à Mme C. par acte sous seing privé de vendre un immeuble avec faculté de substitution, sous la condition suspensive d’obtention d’un prêt avant le 1er mars 2015, la promesse devant être réitérée par acte authentique avant le 31 mars 2015. Le 28 avril 2015, une société civile immobilière (SCI), substituée au bénéficiaire, obtient un prêt. Par acte du 8 avril 2016, la SCI assigne ceux « venant à la succession » de la promettante, décédée le 12 février 2016, en perfection de la vente et, en intervention forcée.
Qualification des faits : Une promesse synallagmatique de vente immobilière stipulée avec une faculté de substitution est signée sous la condition suspensive de l’obtention d’un prêt dans un délai déterminé, la réitération par acte authentique étant fixée à une date ultérieure. L’acheteuse substituée dans les droits du bénéficiaire de la promesse obtient le prêt après le délai fixé à l’acte. Près d’un an plus tard, elle assigne les ayant-droits de la venderesse en exécution forcée du compromis.
Procédure : Les juges du fond prononcent la caducité de la promesse de vente, en l’absence de réalisation de la condition suspensive dans le délai stipulé.
Moyens du pourvoi : Devant la Cour de cassation, l’acheteuse soutenait que la condition suspensive était stipulée dans son intérêt exclusif en sorte qu’elle seule pouvait se prévaloir de sa défaillance, de même qu’elle seule avait la possibilité d'y renoncer, au besoin implicitement ; enfin, la demanderesse faisait valoir, au nom de l’interdiction faite au juge de ne pas dénaturer la loi des parties, que le compromis ne prévoyait pas expressément de sanctionner le non-respect de l'échéance des délais du 31 mars et du 15 avril 2015 par la caducité de la promesse.
Problème de droit : La condition suspensive levée postérieurement à la date butoir stipulée dans la promesse synallagmatique de vente rend-elle ce contrat caduc ?
Énoncé de la solution : À cette question, la Cour de cassation répond par l’affirmative : « La cour d’appel a exactement retenu que le caractère non extinctif du délai fixé par la promesse de vente pour procéder à la signature de l’acte authentique de vente avait pour seule conséquence de permettre à l’une des parties d’obliger l’autre à s’exécuter si les conditions suspensives étaient réalisées à cette date, mais ne permettait pas à une partie de disposer d’un délai supplémentaire pour remplir ses obligations.
Elle a relevé que la promesse de vente expirait le 31 mars 2015 et que l'offre de prêt dont se prévalait la SCI datant du 28 avril 2015, cette offre était postérieure à l'expiration du délai fixé pour la régularisation de l'acte de vente.
Elle a rappelé qu'en application des dispositions de l'article 1176 du Code civil, dans sa rédaction applicable, et des stipulations de la promesse, celle-ci était caduque en l'absence de réalisation des conditions suspensives avant la date fixée pour sa signature.
Elle en a déduit à bon droit, sans dénaturation des termes de la promesse de vente et sans être tenue de procéder à une recherche que ses constatations rendaient inopérante, que l'obtention d'un prêt postérieurement à la date fixée pour la signature de l'acte authentique était sans incidence sur la caducité de la promesse, celle-ci pouvant, à partir de cette date, être invoquée par les deux parties ».
Ainsi la Cour juge-t-elle, au visa de l’ancien article 1176 du Code civil, que lorsque, dans une promesse synallagmatique de vente, un délai est prévu pour la réalisation de la condition suspensive et qu’à la date prévue pour la réitération par acte authentique, cette condition n’est pas accomplie, la promesse est caduque dans la mesure où le caractère non extinctif du délai fixé par la promesse de vente pour procéder à la signature de l’acte authentique de vente ne permet pas à une partie de disposer d’un délai supplémentaire pour remplir ses obligations.
L’élaboration du commentaire
L’analyse de l’arrêt est désormais effectuée. Reste à bâtir et nourrir le commentaire.
Il est de bonne méthode de rechercher alors dans quelle thématique générale s’inscrit l’arrêt à commenter, ce qu’une parfaite identification des questions de droit tranchée par l’arrêt vous permet aisément de découvrir.
En l’occurrence, l’arrêt porte sur le sort de la promesse synallagmatique de vente assortie de conditions suspensives non réalisées à la date fixée pour la réitération de la vente.
La structure du commentaire
Pour construire votre commentaire, en clair pour élaborer son plan, il convient d’expliquer l’arrêt et d’apprécier sa solution. Ce qui consiste :
– à en restituer clairement le sens ;
– à en déterminer la portée ;
– et à en discuter la valeur,
étant entendu que ces trois éléments sont ici d’égale importance.
Proposition de plan détaillé
Avant l’analyse de l’arrêt proprement dite qui compose le cœur de l’introduction, il faut insister sur son contexte. Après quoi, vous pouvez intégrer l’analyse de l’arrêt proprement dite.
Enfin, après avoir exposé la décision retenue par la Cour de cassation, vous devez annoncer le plan de votre commentaire.
I. La caducité de la promesse après expiration du terme
A. L’influence de la stipulation d’une condition suspensive
· La promesse synallagmatique de vente, arrivée à son terme, connaît un sort différent selon que la réalisation de la condition suspensive est encadrée ou non dans un délai.
· Si, comme dans l’arrêt commenté, les parties ont encadré la réalisation de la condition suspensive dans un délai et que la condition n’est pas accomplie à la date prévue pour la réitération de la vente par acte authentique, la promesse est caduque (V. Civ. 3e, 29 mai 2013 n° 12-17.077 ; Civ. 3e, 9 mars 2017, n° 15-26.182).
· A l’inverse, la non-réalisation de la condition suspensive au jour fixé pour la réitération de la vente n’entraîne pas la caducité de la promesse si aucun délai n’avait été fixé pour la réalisation de la condition dans la promesse (Civ. 3e, 15 janv. 2014, n° 12-28.362).
B. Justification
· C. civ., anc. art.1176 : « Lorsqu'une obligation est contractée sous la condition qu'un événement arrivera dans un temps fixe, cette condition est censée défaillie lorsque le temps est expiré sans que l'événement soit arrivé. S'il n'y a point de temps fixe, la condition peut toujours être accomplie ; et elle n'est censée défaillie que lorsqu'il est devenu certain que l'événement n'arrivera pas ».
· Vente sous condition suspensive : produit ses effets uniquement lors de la survenance de l’événement futur et incertain érigé en condition (C. civ., art. 1304) = lorsque le compromis de vente contient des conditions suspensives, la vente sera parfaite uniquement si les conditions se réalisent.
· Conséquence de l’expiration du délai de réalisation de la condition suspensive : équivalant à sa défaillance, caducité de la promesse (NB : en référence au caractère autrefois rétroactif de la réalisation de la condition). Caducité de plein droit de la promesse de vente en cas de défaillance de la condition suspensive En revanche, si aucun délai n’est stipulé, on considère que celle-ci peut toujours être accomplie, même après la date fixée pour la réitération de la promesse par acte authentique.
· V. distinction entre le délai de réalisation des conditions et celui fixé pour la réitération de l’acte par acte authentique.
II. Conséquences sur la sanction de l’exécution forcée en nature
A. Une sanction de principe
· Principe : la promesse de vente vaut vente dès sa conclusion. Vente parfaite dès la promesse. Naturellement susceptible d’exécution forcée. Sanction acquise.
· Cet arrêt montre qu’en pratique, compte tenu de la stipulation de certains délais, le délai pendant lequel l’exécution forcée peut être demandé peut-être limité.
B. Une sanction évitable
· Si l’expiration du seul terme fixé pour réitérer la vente ne rend pas la promesse caduque mais permet au contraire son exécution forcée (V. not. Civ. 3e, 21 nov. 2012, n° 11-23.382 : DAE 21 déc. 2012), il en va autrement si au dépassement de ce délai s’ajoute celui, lorsqu’il est stipulé, de la date fixée pour la réalisation des conditions suspensives. Dans cette hypothèse, l’exécution forcée est exclue par la sanction de la caducité. Autrement dit, la solution précédente ne vaut qu’en l’absence de délai stipulé pour réaliser les conditions suspensives.
· NB : Ces solutions logiques devraient garder leur valeur bien que depuis la réforme du droit des contrats les dispositions de l’ancien article 1176 du Code civil ne figurent plus au Code civil.
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