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Les remèdes au vice apparent dans la vente à construire

[ 26 mars 2019 ] Imprimer

Droit des obligations

Les remèdes au vice apparent dans la vente à construire

Chaque mois, retrouvez le commentaire d’une décision de justice issue de l’actualité jurisprudentielle.

Ce mois-ci, Dalloz Actu Étudiant vous propose de commenter l’arrêt Civ. 3e, 7 mars 2019, n° 18-16.182.

Statuant sur le pourvoi formé par la société Pierres et territoires Eure et Loir - promotion immobilière, société anonyme, dont le siège est 57 bis rue du docteur Maunoury, 28000 Chartres, 

contre l'arrêt rendu le 5 mars 2018 par la cour d'appel de Versailles (4 chambre), dans le litige l'opposant à M. Marc C., domicilié 30 rue de 

la Prairie, 28300 Saint Prest, 

défendeur à la cassation ; 

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ; 

Vu la communication faite au procureur général ; 

LA COUR, composée conformément à l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 29 janvier 2019, où étaient présents : M. Chauvin, président, M. Bureau, conseiller rapporteur, M. Maunand, conseiller doyen, MM. P., N., M.F.N., G.B., MM. Jacques, Bech, conseillers, Mmes Guillaudier, Georget, Renard, Djikpa, conseillers référendaires, Mme Besse, greffier de chambre ; 

Sur le rapport de M. Bureau, conseiller, les observations de la SCP Jean Philippe Caston, avocat de la société Pierres et territoires Eure et Loir, de la SCP Alain Bénabent, avocat de M. C., et après en avoir délibéré conformément à la loi ; 

Sur le moyen unique : 

Attendu, selon l’arrêt attaqué (Versailles, 5 mars 2018), que la société Les Bordes, aux droits de laquelle se trouve la société Pierres et territoires Eure et Loir (la société Pierres et territoires), a vendu à M. C. une maison en l’état futur d'achèvement ; qu’il a été établi une liste de réserves dénonçant des vices de construction et des défauts de conformité au nombre desquels la position, à une hauteur excessive, des fenêtres des chambres ne permettant ni une vision aisée vers l’extérieur ni la manoeuvre des poignées par une personne à mobilité réduite ; que M. C. a assigné la société Pierres et territoires pour réclamer l’exécution de travaux et une diminution du prix ; 

Attendu que la société Pierres et territoires fait grief à l’arrêt de la condamner à payer à M. C. la somme de 30 000 euros au titre de la diminution du prix de vente de l’immeuble alors, selon le moyen, que si le vendeur d’un immeuble à construire ne peut être déchargé, ni avant la réception des travaux ni avant l’expiration d’un délai d’un mois après la prise de possession par l’acquéreur, des vices de construction ou des défauts de conformité alors apparents, il n’y a pas lieu à résolution du contrat ou à diminution du prix si le vendeur s’oblige à réparer ; qu’en condamnant la société Pierres et territoires à payer à M. C. la somme de 30 000 euros à titre de diminution du prix de vente de l’immeuble en écartant l’engagement qui avait été pris de réparer les vices, et ce à raison du caractère « particulièrement manifeste » des vices et de ce que M. C. « pouvait raisonnablement douter de la fiabilité » de l’engagement de réparer, la cour d’appel a violé l’article 1642-1 du code civil ; 

Mais attendu qu’ayant retenu, par motifs propres et adoptés, qu’il n’était pas démontré que le pavillon mitoyen proposé à M. C. en échange présentait les mêmes caractéristiques que la maison litigieuse et que, compte tenu du caractère particulièrement manifeste du vice affectant les fenêtres résultant du choix architectural de privilégier l’esthétisme des façades plutôt que le confort de vie intérieur, il pouvait raisonnablement être douté de la fiabilité de la proposition de reprise du constructeur qui n’était ni pertinente ni opportune, la cour d’appel en a souverainement déduit que cette proposition ne constituait pas une offre consistant en l’obligation de réparer permettant au vendeur de s’opposer à l’action en diminution du prix ; 

D’où il suit que le moyen n’est pas fondé ; 

PAR CES MOTIFS : 

REJETTE le pourvoi ; 

Condamne la société Pierres et territoires Eure et Loir aux dépens ; 

Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Pierres et territoires Eure et Loir, la condamne à payer une somme de 3 000 euros à M. C. ; 

Travail préparatoire

Rappel de méthodologie

Un commentaire d’arrêt est un exercice qui comprend deux temps : l’explication de l’arrêt et son appréciation.

En d’autres termes, il faut, en premier lieu, expliquer le sens de l’arrêt. Ce qui suppose d’abord de le lire très attentivement, pour bien le comprendre. Ensuite, et c’est un temps essentiel de votre commentaire, il vous faut identifier la question que l’arrêt à commenter a résolue. En outre, il vous faut détecter la ou les règles de droit qui fondent la décision qui vous est soumise. Enfin, il vous faut faire un exercice de mémoire (si vous composez votre commentaire dans le cadre d’un examen) ou de recherche (si vous composez librement votre commentaire), non seulement pour découvrir le thème général dans lequel s’inscrit l’arrêt à commenter, mais encore pour trouver des éléments bibliographiques qui vous permettront de mieux comprendre l’arrêt que vous devez commentez et donc de mieux l’expliquer.

En second lieu, après avoir expliqué le sens de l’arrêt et démontrer que vous l’avez compris, vous devez apprécier l’arrêt à commenter, donner une opinion sur la façon dont la Cour de cassation a tranché le litige et répondu à la question de droit, au fond, il vous faut juger les juges, vous prononcer sur la valeur de la décision, ce qui sera d’autant plus simple que vous pourrez la situer dans le temps, c’est-à-dire en déterminer la portée. Dans cette perspective d’appréciation de la valeur de l’arrêt, il vous faut exploiter des éléments bibliographiques qui vous permettront de recueillir les diverses opinions doctrinales qui se sont prononcées sur la question de droit réglée par la Cour de cassation, et de vous prononcer sur la pertinence des diverses thèses en présence à propos de la question de droit, celle que soutenaient les juges du fond, celle du demandeur au pourvoi et puis celle retenue par la Cour de cassation qui sera fatalement peu ou prou une des deux précédentes.

Analyse de l’arrêt

Analyser l’arrêt conduit à s’en tenir à le présenter en vue d’introduire votre commentaire. Voici la démarche à suivre :

– d’abord, il vous faut sélectionner les faits qui seront utiles dans la perspective de votre commentaire ;

– en outre, il convient de qualifier les faits, ce qui revient à les faire entrer dans une catégorie juridique donnée ;

– ensuite, il faut exposer les différentes étapes de la procédure, à savoir la décision des juges du fond, puis le moyen du pourvoi ;

– de plus, il vous faut énoncer la question de droit que l’arrêt a tranchée ;

– enfin, il convient d’exposer la solution que la Cour de cassation a finalement retenue.

Dans l’arrêt qu’il vous faut ici commenter, reprenons cette démarche :

Sélection des faits : Un pavillon vendu en état futur d’achèvement, présente divers vices : les fenêtres des chambres ont été posées bien trop haut, de sorte qu’elles ne permettent ni de voir à l’extérieur, ni de les ouvrir facilement. L’acheteur souhaite en obtenir la réparation. 

Qualifications des faits : Objet d’une vente en l’état futur d’achèvement (VEFA), une maison d’habitation présente certains vices de construction. L’acheteur assigne le vendeur en exécution de travaux et diminution du prix, lequel lui oppose l’engagement de réparer les vices en proposant, en échange de la maison vendue, le pavillon voisin.

Procédure : La cour d’appel condamne le vendeur à payer 30 000 euros au titre de la diminution du prix de vente de l’immeuble aux motifs que les vices étaient « particulièrement manifestes » et que l’acquéreur « pouvait raisonnablement douter de la fiabilité » de l’engagement d’y remédier pris par le vendeur.

Ainsi condamné, le vendeur forme un pourvoi en cassation : se prévalant de l’article 1642-1 du Code civil, il s’oppose à la réduction du prix puisqu’il s’était obligé à réparer les vices.

Problème de droit : La proposition du vendeur d’un immeuble vendu en l’état futur d’achèvement de réparer en nature les vices manifestes subis par l’acheteur peut-elle être écartée au profit de la réduction du prix ?

Solution : A cette question, la troisième chambre civile répond par l’affirmative, rejetant le pourvoi. Elle approuve les juges du fond d’avoir retenu « qu’ il n’était pas démontré que le pavillon mitoyen proposé à [l’acheteur] (…) présentait les mêmes caractéristiques que la maison litigieuse et que, compte tenu du caractère particulièrement manifeste du vice affectant les fenêtres résultant du choix architectural de privilégier l’esthétisme des façades plutôt que le confort de vie intérieur, il pouvait raisonnablement être douté de la fiabilité de la proposition de reprise du constructeur qui n’était ni pertinente ni opportune » de sorte que « cette proposition ne constituait pas une offre consistant en l’obligation de réparer permettant au vendeur de s’opposer à l’action en diminution du prix ».

L’élaboration du commentaire 

L’analyse de l’arrêt est désormais effectuée. Reste à bâtir et nourrir le commentaire.

Il est de bonne méthode de rechercher alors dans quelle thématique générale s’inscrit l’arrêt à commenter, ce qu’une parfaite identification des questions de droit tranchée par l’arrêt vous permet aisément de découvrir. En l’occurrence, l’arrêt porte sur la réparation des vices apparents.

La structure du commentaire

Pour construire votre commentaire, en clair pour élaborer son plan, il convient d’expliquer l’arrêt et d’apprécier sa solution. Ce qui consiste :

– à en restituer clairement le sens ;

– à en déterminer la portée ;

– et à en discuter la valeur,

étant entendu que ces trois éléments sont ici d’égale importance.

Proposition de plan détaillé

Avant l’analyse de l’arrêt proprement dite qui compose le cœur de l’introduction (voir ci-dessus), il faut insister sur son contexte, à savoir la réparation des vices apparents. Après quoi, vous pouvez intégrer l’analyse de l’arrêt proprement dite (voir ci-dessus).

Enfin, après avoir exposé la décision retenue par la Cour de cassation, vous devez annoncer le plan de votre commentaire.

I.                 VEFA : la variété des remèdes en cas de vices apparents

     
  1. I.                  

    1. La nécessaire réparation du vice

    -        C. civ., art. 1642-1: « Le vendeur d'un immeuble à construire ne peut être déchargé, ni avant la réception des travaux, ni avant l'expiration d'un délai d'un mois après la prise de possession par l'acquéreur, des vices de construction « ou défauts de conformité » alors apparents. ». Il s’agit d’anomalies manifestes, décelables sans besoin d’investigations particulières. 

-        Dérogation au régime général des vices cachés : comp. C. civ., art. 1642 : « Le vendeur n’est pas tenu des vices apparents (…) » ; en outre, l’article 1642-1 n’exige pas que le vice apparent puisse affecter l’ouvrage ou le rendre impropre à sa destination : comp. C. civ., art. 1641. En effet, les articles 1641 s. ne sont pas applicables à la construction effectuée sous le régime propre aux immeubles à construire (V. notam. Civ. 3e, 29 mars 2000, n° 97-21.681 P).

B.     La diversité des moyens de réparation du vice

-        En cas de vice apparent, le vendeur peut être condamné soit à la résolution de la vente, soit à la diminution du prix, ou bien encore à sa réparation en nature ou en équivalent ainsi que d’un dédommagement du préjudice de jouissance (C. civ., art. 1642-1 ; Civ. 3e, 2 mars 2005, n° 03-19.208 P).

-        Panel plus large que dans le régime général, notamment parce que dans ce cadre, la réparation du vice paralyse l’action en garantie des vices (Civ. 1re, 2 déc. 1997, n° 96-11.210 PCom. 11 févr. 2011, n° 10-11.269 P), quoique l’acheteur puisse toujours solliciter l’indemnisation du préjudice éventuellement subi (Com. 11 févr. 2011, préc.)

II.              VEFA : le choix du remède en cas de vices apparents

A.     Un choix a priori exclu

-        C. civ., art. 1642-1, al. 2 : Il n'y aura pas lieu à résolution du contrat ou à diminution du prix si le vendeur s'oblige à réparer.

-        Si le vendeur est obligé de remédier au vice apparent de construction, il ne serait en revanche pas possible, à la lecture du texte, de le contraindre à la résolution du contrat ou à la diminution du prix (celle-ci ayant été en l’espèce demandée) lorsque le vendeur s’oblige à le réparer, notamment en nature.

B.     Un choix pourtant retenu

-        Alors que le vendeur proposait la réparation en nature des vices, l’échange du pavillon vendu contre le pavillon mitoyen pouvant être considéré comme une réparation au sens du texte précité, les juges du fond ont estimé qu’il n’était pas fondé à invoquer le bénéfice de cette disposition pour s’opposer à la demande de l’acheteur d’obtenir la diminution du prix d’achat.

-        Justification : l’absence de preuve d’une parfaite identité des caractéristiques du bien proposé en échange avec celles du bien vendu. Solution protectrice des intérêts de l’acheteur.

-        Affirmation de la liberté de choix de l’acheteur quant au remède du vice qu’il subit ; en l’espèce, il était donc parfaitement en droit de solliciter la diminution du prix plutôt qu’une réparation en nature. La Cour de cassation valide ainsi l’appréciation des juges du fond d’écarter l’un des remèdes malgré l’inclination du vendeur pour l’un d’eux.

 


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