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À vos copies !
Droit des obligations
Nature du délai pour agir en garantie des vices cachés
Chaque mois, retrouvez le commentaire d’une décision de justice issue de l’actualité jurisprudentielle.
Ce mois-ci, Dalloz Actu Étudiant vous propose de commenter l’arrêt Ch. mixte, 21 juill. 2023, n° 21-15.809
Travail préparatoire
Rappel de méthodologie
Un commentaire d’arrêt est un exercice qui comprend deux temps : l’explication de l’arrêt et son appréciation.
En d’autres termes, il faut, en premier lieu, expliquer le sens de l’arrêt. Ce qui suppose d’abord de le lire très attentivement, pour bien le comprendre. Ensuite, et c’est un temps essentiel de votre commentaire, il vous faut identifier la question que l’arrêt à commenter a résolue. En outre, il vous faut détecter la ou les règles de droit qui fondent la décision qui vous est soumise. Enfin, il vous faut faire un exercice de mémoire (si vous composez votre commentaire dans le cadre d’un examen) ou de recherche (si vous composez librement votre commentaire), non seulement pour découvrir le thème général dans lequel s’inscrit l’arrêt à commenter, mais encore pour trouver des éléments bibliographiques qui vous permettront de mieux comprendre l’arrêt que vous devez commentez et donc de mieux l’expliquer.
En second lieu, après avoir expliqué le sens de l’arrêt et démontrer que vous l’avez compris, vous devez apprécier l’arrêt à commenter, donner une opinion sur la façon dont la Cour de cassation a tranché le litige et répondu à la question de droit, au fond, il vous faut juger les juges, vous prononcer sur la valeur de la décision, ce qui sera d’autant plus simple que vous pourrez la situer dans le temps, c’est-à-dire en déterminer la portée. Dans cette perspective d’appréciation de la valeur de l’arrêt, il vous faut exploiter des éléments bibliographiques qui vous permettront de recueillir les diverses opinions doctrinales qui se sont prononcées sur la question de droit réglée par la Cour de cassation, et de vous prononcer sur la pertinence des diverses thèses en présence à propos de la question de droit, celle que soutenaient les juges du fond, celle du demandeur au pourvoi et puis celle retenue par la Cour de cassation qui sera fatalement peu ou prou une des deux précédentes.
Analyse de l’arrêt
Analyser l’arrêt conduit à s’en tenir à le présenter en vue d’introduire votre commentaire. Voici la démarche à suivre :
– d’abord, il vous faut sélectionner les faits qui seront utiles dans la perspective de votre commentaire ;
– en outre, il convient de qualifier les faits, ce qui revient à les faire entrer dans une catégorie juridique donnée ;
– ensuite, il faut exposer les différentes étapes de la procédure, à savoir la décision des juges du fond, puis le moyen du pourvoi ;
– de plus, il vous faut énoncer la question de droit que l’arrêt a tranchée ;
– enfin, il convient d’exposer la solution que la Cour de cassation a finalement retenue.
Dans l’arrêt qu’il vous faut ici commenter, reprenons cette démarche :
■ Sélection des faits : : Un producteur de pulpe de tomates commande à une société des poches de conditionnement. Plusieurs clients constatent un gonflement anormal de ces poches, à l’origine d’une détérioration des produits. Une expertise judiciaire conclut à un défaut de fabrication.
■ Qualification des faits : Un producteur de produits alimentaires à destination de vendeurs professionnels avait commandé à un fournisseur des poches de conditionnement. Des clients avaient constaté un gonflement anormal de ces poches, à l’origine d’une détérioration des produits, ce qu’une expertise judiciaire, concluant à l’existence d’un vice caché de fabrication, avait confirmé.
■ Procédure : Le producteur avait assigné le fournisseur de poches et son assureur sur le fondement de la garantie des vices cachés. La cour d’appel lui donna gain de cause. Un pourvoi en cassation est formé par ceux appelés en garantie.
■ Moyen du pourvoi : Les demandeurs au pourvoi arguent d’une fin de non-recevoir tirée de la forclusion de l'action en garantie des vices cachés engagée, au moyen que la suspension de la prescription prévue par l'article 2239 du code civil n'est pas applicable au délai de forclusion de la garantie des vices cachés ; partant, c’est à tort que la cour d’appel aurait retenu que le délai de 2 ans de l'article 1648, alinéa 1er, du code civil est suspendu lorsque le juge fait droit à une demande de mesure d'instruction présentée avant tout procès en application de l'article 2239 du code civil, le délai recommençant à courir à compter du jour où la mesure a été exécutée, pour en déduire que l'action en garantie des vices cachés, engagée moins de deux ans après le dépôt du rapport d'expertise judiciaire, était recevable.
■ Problème de droit : Le délai de deux ans édicté par l’article 1648 du code civil est-il un délai de prescription ou de forclusion ?
■ Solution : Dans le silence légal, il convient de rechercher la volonté du législateur, laquelle conduit la chambre mixte à juger que le délai biennal prévu à l'article 1648, alinéa 1er, du code civil est un délai de prescription.
I. Garantie des vices cachés : qualification du délai
A. Une qualification longtemps incertaine
● Silence du texte : C. civ. art. 1648, al. 1 : pas de qualification légale du délai imparti à l'acheteur pour agir en garantie contre le vendeur en application de l'article 1641 du code civil (comp. art. 1648, al. 2 : qualification expresse d’un délai de forclusion) ;
● Divergences entre les chambres de la Cour de cassation : hésitation entre la qualification de délai de forclusion (Civ. 3e, 10 nov. 2016, n° 15-24.289 ; Civ. 3e, 5 janv. 2022, n° 20-22.670) et celle de délai de prescription (Civ. 1re, 5 févr. 2020, n° 18-24.365 ; Civ. 1re, 25 nov. 2020, n° 19-10.824 ; Civ. 1re, 20 oct. 2021, n° 20-15.070 ; Com. 28 juin 2017, n° 15-29.013).
B. Une qualification désormais univoque
● Qualification univoque du délai biennal de l'article 1648, al.1CC : délai de prescription. ;
● Qualification exclusive du délai de forclusion ; abandon de cette qualification ; qualification unitaire au nom de la sécurité juridique ;
● Portée : maintien d’un délai butoir de 20 ans fondé sur l’article 2232 C. civ. ; double délai de 2 ans à compter de la découverte du vice et de 20 ans à compter de la vente (v. Ch. mixte, n° 20-10.763, n° 21-17.789, n° 21-19.936)
II. Justification de la qualification
A. Étude des rapports parlementaires
● Examen de ces rapports : mention expresse d’un délai de prescription pour l'action en garantie des vices cachés du code civil.
B. Prise en compte de l’objectif du législateur
● Méthode complémentaire d’interprétation en cas de silence textuel ;
● Identification de l’objectif principal : permettre à tout acheteur, consommateur ou non, de bénéficier d'une réparation en nature, d'une diminution du prix ou de sa restitution lorsque la chose est affectée d'un vice caché ;
● Conséquence : nécessité de retenir un délai susceptible d'interruption et de suspension.
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