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À vos copies !

Droit des obligations
Résolution par voie de notification et caducité du contrat de location financière
Chaque mois, retrouvez le commentaire d’une décision de justice issue de l’actualité jurisprudentielle.
Ce mois-ci, Dalloz Actu Étudiant vous propose de commenter l’arrêt Com. 5 févr. 2025, n° 23-23.358
Travail préparatoire
Rappel de méthodologie
Un commentaire d’arrêt est un exercice qui comprend deux temps : l’explication de l’arrêt et son appréciation.
En d’autres termes, il faut, en premier lieu, expliquer le sens de l’arrêt. Ce qui suppose d’abord de le lire très attentivement, pour bien le comprendre. Ensuite, et c’est un temps essentiel de votre commentaire, il vous faut identifier la question que l’arrêt à commenter a résolue. En outre, il vous faut détecter la ou les règles de droit qui fondent la décision qui vous est soumise. Enfin, il vous faut faire un exercice de mémoire (si vous composez votre commentaire dans le cadre d’un examen) ou de recherche (si vous composez librement votre commentaire), non seulement pour découvrir le thème général dans lequel s’inscrit l’arrêt à commenter, mais encore pour trouver des éléments bibliographiques qui vous permettront de mieux comprendre l’arrêt que vous devez commentez et donc de mieux l’expliquer.
En second lieu, après avoir expliqué le sens de l’arrêt et démontrer que vous l’avez compris, vous devez apprécier l’arrêt à commenter, donner une opinion sur la façon dont la Cour de cassation a tranché le litige et répondu à la question de droit, au fond, il vous faut juger les juges, vous prononcer sur la valeur de la décision, ce qui sera d’autant plus simple que vous pourrez la situer dans le temps, c’est-à-dire en déterminer la portée. Dans cette perspective d’appréciation de la valeur de l’arrêt, il vous faut exploiter des éléments bibliographiques qui vous permettront de recueillir les diverses opinions doctrinales qui se sont prononcées sur la question de droit réglée par la Cour de cassation, et de vous prononcer sur la pertinence des diverses thèses en présence à propos de la question de droit, celle que soutenaient les juges du fond, celle du demandeur au pourvoi et puis celle retenue par la Cour de cassation qui sera fatalement peu ou prou une des deux précédentes.
Analyse de l’arrêt
Analyser l’arrêt conduit à s’en tenir à le présenter en vue d’introduire votre commentaire. Voici la démarche à suivre :
– d’abord, il vous faut sélectionner les faits qui seront utiles dans la perspective de votre commentaire ;
– en outre, il convient de qualifier les faits, ce qui revient à les faire entrer dans une catégorie juridique donnée ;
– ensuite, il faut exposer les différentes étapes de la procédure, à savoir la décision des juges du fond, puis le moyen du pourvoi ;
– de plus, il vous faut énoncer la question de droit que l’arrêt a tranchée ;
– enfin, il convient d’exposer la solution que la Cour de cassation a finalement retenue.
Dans l’arrêt qu’il vous faut ici commenter, reprenons cette démarche :
■ Sélection des faits : : Une société N. conclut le 2 décembre 2016 un contrat de location financière qui porte sur du matériel de bureautique avec une société L. spécialisée dans ce type d’opérations locatives. Le matériel financé est fourni par une société O. qui est également chargée de la maintenance des produits livrés. Cette dernière prestation posant des difficultés d’exécution, la société N. notifie unilatéralement la résolution du contrat de maintenance à la société O, par courrier du 8 janvier 2020. Le 13 janvier suivant, la société N notifie la caducité du contrat de location financière à sa cocontractante, la société L. Cette dernière s’y oppose et assigne la société N en paiement de loyers restés impayés. En défense, la société N se prévaut de la caducité du contrat de financement, conformément à sa position notifiée le 13 janvier 2020.
■ Qualification des faits : Fin 2016, une société conclut un contrat de location financière portant sur du matériel fourni par un prestataire avec lequel la société cliente conclut, concomitamment, un contrat de fourniture et de maintenance de ce matériel. En raison de difficultés d’exécution de la prestation de maintenance, la cliente décide de résilier unilatéralement le contrat de prestation, ce qu’elle notifie au prestataire. Quelques jours plus tard, la même société notifie la caducité du contrat de location financière à sa bailleresse. Cette dernière en conteste le principe et assigne la preneuse en paiement de loyers impayés. Cette dernière lui oppose la caducité du contrat de location financière qui les liait jusqu’à la résolution du contrat de fourniture et de maintenance.
■ Procédure : En appel, les juges du fond refusent de constater la caducité du contrat de location financière au motif que le prestataire — depuis placé en liquidation judiciaire — n’avait pas été mis en cause préalablement. La locataire se pourvoit en cassation en estimant qu’une telle décision viole les articles 1186, 1224 et 1226 du Code civil.
■ Problème de droit : : La caducité du contrat de location financière peut-elle être prononcée malgré l’absence de mise en cause préalable du prestataire dont le contrat a été résolu unilatéralement ?
■ Solution : À cette question, la Cour de cassation répond par l’affirmative au triple visa des articles 1186, alinéas 2 et 3, 1224 et 1226 du code civil.
En premier lieu, elle rappelle que selon le premier de ces textes, résultant de l’ord. du 10 févr. 2016, lorsque l'exécution de plusieurs contrats est nécessaire à la réalisation d'une même opération et que l'un d'eux disparaît, sont caducs les contrats dont l'exécution est rendue impossible par cette disparition et ceux pour lesquels l'exécution du contrat disparu était une condition déterminante du consentement d'une partie, la caducité n'intervenant toutefois que si le contractant contre lequel elle est invoquée connaissait l'existence de l'opération d'ensemble.
En deuxième lieu, elle précise qu’aux termes du deuxième de ces textes, la résolution résulte soit de l'application d'une clause résolutoire, soit, en cas d'inexécution suffisamment grave, d'une notification du créancier au débiteur ou d'une décision de justice.
En troisième et dernier lieu, elle confirme qu’en application du dernier de ces textes, le créancier peut, à ses risques et périls, résoudre le contrat par voie de notification, le débiteur pouvant à tout moment saisir le juge pour contester la résolution.
Elle déduit de la combinaison de ces dispositions que la résolution par voie de notification est opposable à celui contre lequel est invoquée la caducité d'un contrat, par voie de conséquence de l'anéantissement préalable du contrat interdépendant, sans qu'il soit nécessaire de mettre en cause le cocontractant du contrat préalablement résolu.
En rejetant la demande de caducité du contrat de location financière, dont elle avait pourtant caractérisé l’interdépendance vis-à-vis du contrat de maintenance, motif pris du défaut de mise en cause préalable du prestataire, la cour d’appel a violé les textes susvisés.
I. Caducité du contrat de financement : la dispense de mise en cause du cocontractant du contrat résolu unilatéralement
A. Le refus initial d’une dispense
- Com. 14 sept. 2022, n° 21-16.840 : « L’anéantissement du contrat de prestation ou de fourniture, qui ne peut donc être prononcé qu’en présence du prestataire ou du fournisseur, ou de son liquidateur, est un préalable nécessaire à la constatation, par voie de conséquence, de la caducité du contrat de location » = la caducité du contrat de location financière ne peut être constatée par le juge en l’absence de mise en cause du prestataire ou, le cas échéant, de son liquidateur ; adde, Com. 17 mai 2017, n° 15-14.924 ; Com. 4 nov. 2014, n° 13-24.270 ;
- Nécessité d’attraire à la cause le prestataire dans le contentieux relatif à la location financière auquel il est pourtant, en qualité de tiers au contrat, étranger ; solution fondée sur la notion d’interdépendance contractuelle (impossibilité ou inutilité d’exécuter un contrat en cas de disparition d’un autre contrat constitutif de l’ensemble contractuel, v. C. civ., art. 1186, al. 2)., qui se prolonge en matière procédurale.
B. L’admission générale d’une dispense
- Consécration d’une nouvelle règle procédurale : « la résolution par voie de notification est opposable à celui contre lequel est invoquée la caducité d’un contrat, par voie de conséquence de l’anéantissement préalable du contrat interdépendant, sans qu’il soit nécessaire de mettre en cause le cocontractant du contrat préalablement résolu » (pt 9) ; lorsque la disparition d’un contrat appartenant à l’ensemble contractuel prend la forme d’une résolution par notification (unilatérale), opposabilité de cette résolution à celui qui se voit opposer la caducité du contrat lié au contrat ainsi disparu, sans nécessité de mettre en cause le cocontractant de ce contrat unilatéralement et préalablement résolu ; en l’espèce, opposabilité de la résolution par notification du contrat de prestation au bailleur financier, malgré l’absence de mise en cause du prestataire ou de son liquidateur ; comp. Com. 5 févr. 2025, n° 23-14.318 : même règle affirmée sur le fondement du droit antérieur à l’ord. 2016 ;
- Refus affirmé sur le double fondement du droit nouveau et du droit ancien d’accorder une place procédurale au prestataire, destinataire de la notification de résiliation, dans l’instance opposant les parties concernant la caducité de la location financière.
II. Conformité de la dispense au mécanisme de la résolution par notification
A. Une dispense conforme à l’objectif d’efficacité de la résolution par notification
- Résolution extrajudiciaire, qui s’opère toujours aux « risques et périls » de son auteur ; contribution de la dispense de mise en cause du cocontractant du contrat résolu unilatéralement à la recherche de célérité et d’efficacité de cette voie extrajudiciaire d’anéantissement du contrat : requérir l’intégration systématique à la cause du prestataire ayant subi la résolution unilatérale du contrat dans une instance en caducité ne le concernant pas aurait pour double conséquence de priver d’intérêt le recours à la résolution unilatérale et de favoriser le recours à la résolution judiciaire ;
- La liberté de mettre en cause ce tiers au contrat de location financière qu’est le prestataire préserve, par ce biais procédural, l’utilité d’une résolution « sans juge ».
B. Une dispense conforme à la place résiduelle de la résolution judiciaire
- Inutilité de cette mise en cause seulement en cas de résolution unilatérale ; portée de la solution restreinte à ce mode de résolution extrajudiciaire du contrat ; la présence du prestataire n’a de sens qu’en cas de résolution judiciaire ;
- Solution qui renforce l’intérêt de la résolution par notification et par voie de conséquence, la dimension de simple faculté de la résolution judiciaire (C. civ., art. 1226)
- Place du juge cantonnée à l’instance relative à la caducité du contrat de financement au lieu d’une instance unique qui, en cas de mise en cause du prestataire, consisterait à ce que le juge prononce, d’une part, la résolution au mépris de son unilatéralité puis applique, d’autre part, la caducité du second contrat le cas échéant.
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