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[ 4 octobre 2013 ] Imprimer

5e édition du Salon du livre juridique

Le samedi 12 octobre 2013, de 10h à 18h, se tiendra au Conseil constitutionnel la 5e édition du Salon du livre juridique. Organisé à l’initiative du Club des juristes et du Conseil constitutionnel, ce rendez-vous annuel, qui regroupe les principaux éditeurs juridiques, est l’occasion pour vous étudiants de dialoguer avec d’éminents juristes. Comme tous les ans, Jean-Louis Debré, président du Conseil constitutionnel, vous invite à une visite guidée de ce haut lieu prestigieux, et un tirage au sort permettra aux plus chanceux d’entre vous de repartir avec des « pack-livres juridiques étudiants ». Nous avons rencontré Mme Claire Bazy Malaurie, spécialiste des questions universitaires, membre du Conseil constitutionnel.

Le Salon du livre juridique connait un succès de fréquentation croissant. Cet événement permet aux étudiants d’aller à la rencontre de leurs professeurs. L’organisation de ce salon au Conseil constitutionnel marque-t-il la volonté de celui-ci de s’ouvrir sur l’extérieur ?

Cela fait déjà plusieurs années que le Conseil constitutionnel n’est plus cette maison secrète dont les décisions ne concernaient que très indirectement les citoyens et que très peu de gens connaissaient.

L’introduction de la question prioritaire de constitutionnalité a tout changé, pour tous : bien sûr pour le Conseil même qui s’est alors inscrit résolument dans la cohorte des juridictions constitutionnelles, mais aussi pour les juges, les universitaires, les avocats et, au premier chef, les justiciables. L’accent mis à cette occasion sur les droits et libertés que la Constitution garantit a permis de révéler l’importance du droit constitutionnel et du garant de son respect.

On avait parfois tendance à oublier le Conseil, alors qu’il a construit sa jurisprudence autant sur le respect des règles de fonctionnement des pouvoirs publics que sur la protection des libertés, et ceci dès 1971. Pour les étudiants, le droit constitutionnel se résumait le plus souvent au cours sur les institutions politiques que l’on délivre souvent en première année. L’organisation d’un tel salon par le Conseil correspond à la volonté de faire vivre par la pédagogie ce droit dit « constitutionnel » qui irrigue tous les pans du droit.

Cette année l’absence de l’éminent constitutionnaliste qu’était Guy Carcassonne marquera ce 5e Salon. En quelques mots, pour tous les étudiants entrant en première année, quels enseignements devons-nous retenir de ce professeur ? Comment a-t-il contribué à l’évolution du droit constitutionnel contemporain ?

Guy Carcassonne avait un talent exceptionnel, celui de rendre « familières » les notions juridiques les plus complexes. Sa gentillesse et son écoute comme ses modes d’expression participaient à ce talent. Sa finesse d’analyse, sa hauteur de vues et son originalité ont participé de manière très efficace à la prise de conscience de la place que devait tenir le droit constitutionnel dans le système politique et juridique.

Les décisions prises par le Conseil constitutionnel sont celles des neuf sans restriction ni réserve. Vous êtes, depuis 2010, membre du Conseil constitutionnel et la 6e femme « Sage » de la rue Montpensier. Mme Noëlle Lenoir, qui fut la première en 1992, avouait qu’elle ressentait « la singularité de [sa] condition », ce qui ne l’empêchait nullement « d’avoir une totale liberté de ton lors des séances plénières et d’y exprimer [son] point de vue juridique d’une façon déterminée » mais qu’elle avait été très heureuse de l’arrivée au Conseil de Mme Simone Veil en 1995. Elle précisait aussi que « l’institution, comme à la Cour suprême des États-Unis, des “ opinions dissidentes ou concurrentes ” serait un plus ». Qu’en pensez-vous ? L’intégration en 2013 de Mmes Nicole Maestracci et Nicole Belloubet a-t-elle provoqué pour vous un changement ?

La nomination de femmes au Conseil est d’abord une affirmation de ce qu’il ne peut y avoir aucun monopole masculin dans quelque institution que ce soit. Après, dans la vie de la collégialité que forment les membres du Conseil, jouent des questions de tempérament et la diversité, masculine ou féminine, est au rendez-vous. Tout renouvellement apporte donc des changements que chacun au sein du Conseil accueille en fonction de son propre tempérament !

La question de l’expression publique des opinions est différente. On peut considérer qu’elle participerait à cette « familiarisation » dont je viens de me féliciter à propos du travail de Guy Carcassonne. Je note à ce propos que le Conseil constitutionnel met à la disposition de tous les éléments de la discussion en publiant notamment les observations échangées par les parties et les intervenants à la QPC. Cependant, dans notre pays, aucune juridiction ne dévoile le contenu de ses délibérés et le secret est considéré comme le garant de l’indépendance des juges et de l’autorité de leurs décisions. C’est au demeurant la raison pour laquelle le secret du délibéré est inscrit dans leur serment. C’est donc le fonctionnement du système juridictionnel qui est en cause lorsque l’on parle de l’expression publique des opinions et il ne faut pas se méprendre sur les conséquences — et les risques — d’une telle rupture avec la tradition.

En qualité d’ancienne présidente du comité de suivi de la loi du 10 août 2007 relative aux libertés et responsabilités des universités (LRU) et médiatrice pour la concertation avec l’ensemble de la communauté universitaire sur le décret modifiant le statut de enseignements-chercheurs, que pensez-vous de la place qui est aujourd’hui attribuée à la recherche au sein de l’Université ? La course effrénée des classements des établissements ne risque-t-elle pas de progressivement faire basculer l’Université française, jusqu’alors accessible à tous, vers une université privée ou semi-privée, financée par des entreprises privées comme aux États-Unis ?

L’Université doit être au cœur des missions de formation supérieure et de recherche. Mais au-delà de cette affirmation, je vais faire jouer mon devoir de réserve, le Conseil pouvant être appelé, comme il l’a été dans le passé, à intervenir sur des textes qui les organisent.

 

Questionnaire de Désiré Dalloz

Quel est votre meilleur souvenir d’étudiant ?

Les cours d’économie de M. Barre en première année à Sciences Po : je me souviens encore de pans entiers des cours de cet extraordinaire pédagogue.

Quel est votre héros de fiction préféré ? Pourquoi ?

Le chat Béhémoth dans Le maître et Marguerite (NDLR : de Mikhaïl Boulgakov) pour l’alliance de fantaisie et de pertinence dont il fait preuve.

Quel est votre droit de l’homme préféré ? Pourquoi ?

Pourquoi devrait-on et comment pourrait-on en préférer un ?

 

Références

■ Salon du livre juridique

Samedi 12 octobre 2013

De 10h à 18h

Conseil constitutionnel, 2 rue de Montpensier – 75001 Paris

■ http://www.conseil-constitutionnel.fr

■ http://www.leclubdesjuristes.com

 

 

Auteur :A. T.


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